OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace http://owni.fr/2010/04/09/les-enseignements-du-cas-nestle-greenpeace/ http://owni.fr/2010/04/09/les-enseignements-du-cas-nestle-greenpeace/#comments Fri, 09 Apr 2010 08:35:11 +0000 François Guillot http://owni.fr/?p=11866 Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des quinze derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

Image CC Flickr Gauravonomics

Image CC Flickr Gauravonomics

Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des quinze derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

L’affaire, donc : à la mi-mars, Greenpeace a déclenché une campagne online contre KitKat, marque du groupe Nestlé, responsable à ses yeux de la déforestation de l’Indonésie pour la production de l’huile de palme.

On peut lire une chronologie de la crise ici, et une interview de Greenpeace sur son dispositif là.

Au travers des différentes sources que j’ai pu réunir, voici une reconstitution des faits :

16 mars : le rapport Greenpeace

Greenpeace incrimine Nestlé dans un rapport sur la déforestation en Indonésie. Les victimes sont le climat, la forêt et les orangs-outangs.

17 mars : la machine se met en route

Nestlé répond dans une position officielle qu’il ne travaille plus avec le fournisseur incriminé, Sinar Mas, et dit son engagement à n’utiliser plus que de l’huile de palme « durable » en 2015 (un engagement qui semble antérieur).

Je ne suis pas sûr de savoir si cette position a été publiée avant ou après les autres événements de la journée (voir ci-dessous), mais peu importe.

Greenpeace entre en campagne avec mini-sites dédiés à l’appui, sur lesquels on trouve vidéo parodique, « kit de campagne » (avec logos détournés), information de référence, fil Twitter en temps réel, connection avec Facebook, Twitter et YouTube, e-cards de Pâques, email à envoyer au président de Nestlé, etc.

Des militants Greenpeace déguisés en orangs-outangs manifestent devant les bureaux du groupe en Angleterre.

Greenpeace poste la vidéo parodique sur YouTube, parodiant le concept « have a break » de KitKat de manière, disons, interpellante :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Alors que la vidéo a été vue moins de 1000 fois, Nestlé la fait retirer de YouTube pour violation du copyright.

Réponse de Greenpeace : republication de la vidéo sur Viméo et information via les médias sociaux comme quoi Nestlé a tenté de censurer la vidéo.

Les militants Greenpeace commencent à poster des commentaires négatifs sur la page Facebook de Nestlé, qui compte 90 000 fans. Nestlé ne les censure pas.

Nestlé répond via un statut sur sa page Facebook et renvoie vers la page « statements » de son site corporate – le post reçoit trente commentaires.

Certains utilisateurs Facebook modifient leur photo de profil au profit du logo KitKat détourné en « Killer », créant un « mème ».

En parallèle, Nestlé publie aussi sa position sur Twitter (moins de 1000 followers) et répond à deux commentaires.

18 mars

Nestlé reçoit un certain nombre de critiques sur la manière dont la page est gérée et réagit de façon sèche. Un statut demande aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné.

Nouveau statut Nestlé, reprenant la position officielle. Une quarantaine de commentaires s’ensuivent.

Le même jour, Nestlé publie un update plus détaillé sur son site corporate, sous la forme d’un questions-réponses.

19 mars : emballement sur Facebook

C’est le jour où l’activité sur la page Facebook et dans les médias sociaux sera la plus intense. Nestlé demande aux utilisateurs Facebook de ne pas utiliser le logo KitKat détourné (tout en se disant prêt à accepter tous les commentaires). C’est le premier d’une série de huit statuts consécutifs dans la journée, qui seront commentés de 30 à 200 fois.

Nestlé publie un update de « mea culpa » sur la demande de non-utilisation du logo détourné et l’impolitesse des réponses faites.

L’histoire fait le tour des médias sociaux et de Twitter en particulier, alimentée notamment par Greenpeace qui a habillé ses pages web et médias sociaux aux couleurs de la campagne « Killer » et renvoie vers la page Facebook de Nestlé.

Nestlé republie aussi sa position sur Twitter.

Il est mentionné à plusieurs reprises que Nestlé a fermé sa page Facebook pendant quelques jours, mais je n’ai pas réussi à savoir quand exactement.

22 mars

Nouveau statut de Nestlé : « Social media: as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. »

Le syndicat des producteurs d’huile de palme indonésiens publie un communiqué menaçant Nestlé de boycott.

23 mars et depuis

Greenpeace appelle a continuer à faire pression sur Nestlé : les engagements pris ne sont « pas suffisants ».

On notera aussi le très grand nombre de posts anti-Nestlé sur la page Facebook, dans l’onglet « just fans » : le rythme de publication continue à être soutenu (une vingtaine rien qu’aujourd’hui, trois semaines après les faits). Cela continue à être le principal élément visible aujourd’hui. Nestlé ne les retire pas.

LES QUESTIONS QUE CE CAS POSE

La première question est la suivante : la crise présente-t-elle un caractère exceptionnel ?

C’est une des questions les plus importantes et la réponse est oui et non.

La campagne est-elle exceptionnelle par le caractère de l’attaque de Greenpeace ?

Pas vraiment. Les méthodes de Greenpeace sont connues et on a déjà vu de sa part des cas de campagnes :

-       ciblées contre une marque

-       produisant un rapport « choc » de référence

-       parodiant les codes et les publicités de la marque, vidéo à l’appui

-       proposant un site dédié et habillant les espaces web de l’ONG

-       équipant les militants pour faire du bruit (e-mailing au président de l’entreprise, maintenant social media)

-       comportant des manifestations « IRL » d’activistes

Les précédentes campagnes Greenpeace contre Apple et Dove, contre la déforestation de l’Indonésie déjà, étaient de bons exemples d’un peu tout cela.

L’originalité de la campagne Greenpeace repose donc plutôt sur la combinaison des moyens proposés et sur le fait d’utiliser tous les canaux disponibles, comme la modification des avatars des militants et le vandalisme de la page Facebook de la marque.

On l’avait vu à l’occasion du « hoax » Sprite de l’été dernier : les formes d’attaques contre les marques se font de plus en plus sophistiquées. La contestation des marques et des entreprises a toujours existé, elle s’étend sous de nouvelles formes, de nouveaux territoires et avec plus de professionnalisme.

Le web social offre aux organisations qui ont des bases de militants de nouveaux moyens d’action : c’était d’ailleurs la principale leçon de la campagne online du candidat Obama.

Là où le cas Nestlé n’a pas de précédent, c’est dans le vandalisme de la page Facebook de l’entreprise ciblée. Et c’est justement sur cet espace-là que Nestlé a commis ses erreurs.

Mais dire qu’on entre dans l’ère de la web-guérilla, comme le fait ReadWriteWeb, n’aura comme effet de faire fuir les entreprises du web social dont le cauchemar est de se retrouver à gérer une situation similaire à Nestlé.

La campagne est-elle exceptionnelle par les résultats qu’elle a obtenus ?

Oui, mais pas unique pour autant. Pour répondre à cette question, je prendrais quatre indicateurs qui se veulent objectifs :

-       le nombre de vidéos vues. Greenpeace en comptabilise plus de 900 000 sur l’ensemble de la campagne. Il est certain qu’aucune entreprise ne signerait pour avoir 900 000 vues sur une vidéo dénigrante. Pour autant, on a déjà vu des phénomènes d’embrasement plus importants : les vidéos Domino’s par exemple avaient totalisé 1 million de vues en deux jours. Les vidéos Sprite sus-mentionnées n’en étaient pas loin après quelques jours d’activité. Certaines vidéos de « mauvaises pratiques » de la grande distribution ont été vues des millions de fois sur Dailymotion.

-       l’activité sur la page Facebook. Les statuts postés par Nestlé ont donc été commentés jusqu’à 200 fois, ce qui n’est somme toute pas gigantesque pour une page qui compte 90 000 fans. En revanche, sur l’onglet « just fans », c’est un véritable carnage.

-       La visibilité dans les médias de masse. Difficile d’avoir une réponse claire à cette question pourtant clé : c’est lorsque la crise bascule dans les médias de masse que l’entreprise ou la marque est véritablement en danger. Hors, il est difficile de reconstituer le bruit « offline » autour de cette affaire. On retrouve assez facilement la couverture des grands médias anglophones de la presse écrite ; en ce qui concerne l’impact télévision et radio, je n’ai pas beaucoup d’éléments.

-       l’impact sur le cours de bourse : il est réel comme le montre la capture d’écran de ReadWriteWeb. Mais pas forcément durable.

À noter enfin sur ces aspects quantitatifs : Greenpeace annonce 120 000 e-mails envoyés à Nestlé.

Le reste (billets sur les blogs, mentions sur Twitter, etc.) est surtout un gros os à ronger pour les experts en médias sociaux qui font leurs choux gras de ce genre de cas, pas si fréquents d’ailleurs, afin de démontrer l’impact du web social en matière d’opinion et de réputation.

Méfions-nous de la circulation circulaire (tous les professionnels de la communication en auront entendu parler, mais quelle part du grand public ?) et de l’ethnocentrisme du microcosme et de l’intelligentsia des médias sociaux (« les blogs que je lis en parlent, donc tout le monde en parle »).

Mais surtout, la visibilité de cette campagne, Greenpeace la doit à… Nestlé : ce qui a permis à la mayonnaise de monter, c’est avant tout la réaction de Nestlé qui a ouvert des brèches à Greenpeace.

Chercher à faire retirer la vidéo a été une aubaine pour Greenpeace. Demander aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné à envenimé les choses.

Bref, et une nouvelle fois dans l’histoire de la communication sensible, c’est en plaçant le juridique (le droit) avant l’opinion (le débat, la morale) qu’on jette de l’huile sur le feu.

Pour autant, la campagne montre-t-elle le rôle déterminant du community manager ?

On aurait tort de croire qu’un bon community manager, ou un bon community management, aurait permis de rééquilibrer la situation (voir l’analyse très juste d’Anthony Poncier) : le community management ici aurait surtout pu éviter quelques erreurs :

-       la demande de non-utilisation du logo détourné

-       le trop grand nombre de statuts qui montrait une forme de panique

-       les réponses sèches à certains internautes, qui ont donné lieu à des captures d’écran qui sont en effet assez hallucinantes. L’humilité est pourtant l’une des premières valeurs à s’appliquer en situation sensible. Ici, la tonalité employée est évidemment inadmissible de la part d’une entreprise… C’est en réalité celle d’un individu, forcément rendu nerveux par les événements, et on ne peut faire que l’hypothèse d’une trop grande liberté laissée à l’administrateur de la page.

Cela dit, je trouve injuste de dire que Nestlé n’a pas géré ou a fait preuve de l’amateurisme le plus total.

Des erreurs plombantes ont été commises, cf. ci-dessus, mais c’est assez facile de charger l’entreprise et on notera que Nestlé a quand même :

-       fait preuve de réactivité : réponses quasi-immédiates sur le site du groupe, certes dans une tonalité très corporate, mais elles étaient là et bien là

-       systématiquement renvoyé sur ces positions qui n’ont pas bougé

-       observé un principe de « laisser parler », quitte à laisser sa page Facebook se faire vandaliser

-       publié son mea culpa quant à son attitude

Quelle organisation pour les médias sociaux ?

On peut se demander à qui reportait l’administrateur de la page Facebook Nestlé, ce qui pose justement la question de l’organisation de la fonction social media dans l’entreprise.

Derrière cela, il y a deux choses :

-       la question du profil du community manager

Si vous vous êtes intéressés au cas, vous aurez déjà lu plusieurs fois qu’il faut cesser de confier des postes de community managers à des juniors juste parce qu’ils sont de la génération Y. C’est tout à fait exact. Jeremiah Owyang : « voyez votre page Facebook comme un point de vente. Le confieriez-vous à un junior ? ».

La compétence est complexe parce qu’elle suppose à la fois une compréhension des codes des médias sociaux (et on observe de sacrés gaps culturels entre, disons, les moins de 35 ans et les plus de 35 ans) et une compréhension des enjeux de marque (rare chez les juniors), voire du porte-parolat (qui demande carrément d’être très senior).

C’est aussi une compétence qui s’encadre : par exemple avec des guides d’animation des médias sociaux et des formations à l’animation des espaces sociaux. Pas de solution miracle pour autant : le community manager va apprendre l’essentiel en marchant.

-       la question du pilotage de la fonction.

Je suis effaré de voir ReadWriteWeb (dont vous aurez compris que le papier m’a quelque peu… agacé) écrire que les agences de communication doivent être hors du coup, c’est une grave méconnaissance du rôle des agences qui sont là pour conseiller (et justement pour éviter aux entreprises de commettre des erreurs), pas pour piloter… Mais passons.

Plus globalement, il s’agit de savoir si la fonction community management relève du marketing (ce qui fait sens sur Facebook quand on est sur une page de marque, outil de relation client avant tout), de la communication (ce qui fait sens pour un espace d’entreprise), d’une autre direction ou d’un autre service.

Le ou les community managers de Nestlé viennent-ils d’une culture marketing ou réputation ? Dans un cas de crise comme ici, c’est en tout cas à la communication de piloter, pas au marketing. Les process internes doivent donc permettre à la com de prendre le lead.

Quid du porte-parolat sur les médias sociaux ?

Et oui, une entreprise cotée a des obligations et on voit ici à quel point les médias sociaux sèment la zizanie dans l’organisation de la communication des entreprises : un statut, un commentaire sur Facebook restent des prises de position publiques de la compagnie… Les procédures de validation ont parfois du bon.

Un problème de stratégie ?

On a aussi beaucoup lu dans les billets d’analyse de cette crise Nestlé que cela montrait que Nestlé n’avait pas de stratégie médias sociaux, pas de réflexion, que cela montrait qu’on avait juste lancé un outil, etc.

Peut-être est-ce le cas, peut-être pas, je n’en sais rien : personnellement, je ne crois pas que Nestlé partait de zéro ou a construit tout cela n’importe comment ; mais je crois surtout que la question posée ici est celle de la bonne gestion de crise plutôt que de la bonne stratégie médias sociaux.

Car ce n’est pas en définissant des principes de bonne conduite sur sa page Facebook que l’on empêche des militants d’ONG motivés de la pourrir.

Comment gérer les attaques ?

C’est ici qu’il ne faut pas confondre expertise des médias sociaux et expertise de la crise. De nombreuses entreprises se préparent aux situations de crise en réfléchissant sur la nature des risques, les scénarios possibles, en définissant des process et des responsabilités et en formant leurs équipes. D’autres ne le font pas et ce cas vient rappeler qu’il est tout simplement bon de se préparer.

Rien de nouveau sous le soleil : il faut se préparer aux crises, entretenir son état de préparation… et intégrer la dimension social media dans la crise, à plusieurs niveaux :

-       dans l’analyse des risques (les médias sociaux font naître de nouveaux risques ou permettent à des signaux de se propager plus facilement)

-       dans la fonction de veille (savoir ce qui se dit en situation sensible)

-       dans la gestion de crise (du site corporate aux espace sociaux, en passant par les moteurs de recherche), ce qui suppose a minima d’intégrer un spécialiste du web dans la cellule de crise. Voir notre billet « 15 trucs pour la communication de crise en ligne ».

Qu’aurait pu faire Nestlé ?

En dehors de toutes les considérations de stratégie ou d’organisation, la réponse n’est pas franchement simple.

Il me paraît d’abord difficile, comme je le disais ci-dessus, de se fixer comme objectif de calmer les ardeurs de militants d’ONG. Ils ne sont pas là pour être de bonne foi avec Nestlé et feront tout ce qu’ils peuvent pour appuyer là où ça fait mal. Avec ce type de public, c’est une bataille de communication qui s’engage, mais l’enjeu est la décision industrielle (raccourcir le délai de 2015 comme horizon pour une « huile de palme 100% durable », entre autres).

Au mieux peut-on donc ne pas envenimer la situation, ce qui consiste souvent à faire le dos rond.

De plus, il s’agit d’un sujet où la marque n’aura pas d’ambassadeurs : on ne peut pas imaginer de voir la conversation s’équilibrer d’elle-même.

Il aurait sans doute fallu davantage de proximité dans la formulation des positions : la production d’une vidéo questions – réponses avec le président ou l’autorité compétente chez Nestlé aurait peut-être permis de mieux faire comprendre les positions de la compagnie et permis d’équilibrer le débat.

Je ne crois pas à la possibilité de cantonner le débat dans un onglet spécifique de la page Facebook prévu à cet effet. Je pencherais plutôt pour la définition d’une politique d’usage de la page Facebook qui renverrait l’intégralité de la discussion « huile de palme » sur un espace type plate-forme de feedback (« si vous souhaitez parler de l’huile de palme, rendez-vous sur notre espace dédié »), plus facile à modérer.

Maintenant, faut-il ou pas supprimer les commentaires négatifs qui continuent à être postés en permanence, telle est la question. C’est tout à l’honneur de Nestlé de les laisser en ligne, mais ça fait sacrément désordre.

Franchement ? Comme Cédric Deniaud, qui a à mon avis produit la meilleure analyse du web francophone sur le sujet, je définirais le « contrat social » de la page Facebook et une fois que l’espace de « discussion » sur l’huile de palme (et/ou d’autres sujets) est créé, je renverrais la totalité des conversations dessus, quitte à supprimer les commentaires « hors sujet ».

La bonne nouvelle pour Nestlé, c’est que la critique se lasse toujours. Nestlé doit donc aussi et surtout reprendre le cours de l’animation de sa page avec son flux d’infos et d’annonces, et reprendre la question de son organisation social media et process de crise.

LES ENSEIGNEMENTS

Allez hop, on résume en 10 points clé :

1-Cette crise nous apprend que les attaques contre les marques peuvent se faire de façon de plus en plus sophistiquée, en s’engouffrant sur les espaces sociaux des marques.
2-Facebook (beaucoup plus que Twitter) est le lieu à risque, de par la population massive qu’on y trouve d’une part, de par la liberté de s’exprimer que les fonctionnalités permettent.
3-Quand la logique juridique prend le pas sur la logique d’opinion, on risque le pire. Les codes du web accommodent mal des réglementations : les entreprises sont renvoyées à des interrogations morales et ne peuvent se réfugier derrière le droit.
4-Tous les cas de démonstration de l’impact du web, comme celui-ci, sont utilisés par les professionnels de la profession à des fins prosélytes. C’est à la fois normal et polluant, mais cela invite à bien se poser la question de l’impact réel.
5-Cette crise peut être qualifiée de crise à fort impact, mais on n’est pas pour autant devant quelque chose de dévastateur (notamment parce que l’impact dans les médias audiovisuels ne semble pas clair et massif)
6-L’activisme est avant tout un truc anglo-saxon. Très clair ici.
7-C’est grâce aux erreurs de Nestlé que Greenpeace a réussi sa campagne.
8-Cette crise pose la question de la réflexion de l’entreprise sur la gestion de ses risques, plutôt que de celle de sa stratégie médias sociaux (mais elle ne l’empêche pas pour autant). Il faut plus que jamais se préparer aux risques (évaluation, scénarios, process, formations), et y intégrer la dimension médias sociaux.
9-La bonne gestion des médias sociaux est avant tout une question d’organisation pour les entreprises, et une question complexe. Nécessité d’avoir une stratégie claire, besoin de profils seniors, de multi-compétences, enjeux de périmètres entre la communication et le marketing, ROI à expliciter : c’est la quadrature du cercle et il faut faire des choix.
10-Chaque espace social doit avoir une vocation clairement définie : le mythe de la transparence et du laisser-faire doit être dépassé. Laisser publier des messages négatifs revient in fine à les encourager (enfin, à ne pas les décourager). Et à ce sujet, Facebook est davantage un lieu à vocation « marketing » que « corporate ». Même si les deux ne s’excluent pas toujours.
Billet initialement publié sur Internet & Opinion(s)

Photo de une CC Flickr chibi_ro

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La mesure de l’influence sur Twitter : on refait le point http://owni.fr/2009/11/29/la-mesure-de-l%e2%80%99influence-sur-twitter-on-refait-le-point/ http://owni.fr/2009/11/29/la-mesure-de-l%e2%80%99influence-sur-twitter-on-refait-le-point/#comments Sun, 29 Nov 2009 21:49:13 +0000 François Guillot http://owni.fr/?p=5824 Un des trucs fascinants sur Twitter reste la faculté que l’on a à bidouiller des scores d’influence à partir des indicateurs disponibles : nombre de followings, de followers, de tweets, nombre de RT…

Dernier exemple du genre, le TweetLevel d’Edelman qui a un triple mérite : explorer, communiquer sa formule et ne pas prétendre à lire l’influence seulement à travers les chiffres (voir le “about“).


La lecture de l’influence, entre le simpliste et le complexe

Mais finalement, dans nos pratiques de webologues et de consultants, j’ai un peu l’impression que la lecture de l’influence sur Twitter se fait de façon paradoxale :

- soit de façon simplificatrice à travers le choix d’un indicateur seul : par ex le nombre de followers, le nombre de listes auxquelles le compte a été ajouté…

- soit de façon ultra-sophistiquée à travers un indicateur complexe – comme le TweetLevel qui va attribuer une note sans réelle signification (mais qui permet de hiérarchiser)

L’un comme l’autre ne me satisfont pas :

- un indicateur seul – type le nombre de followers — est réducteur et facilement manipulable (cf. la méthode Thierry Crouzet qui montre que l’on peut se constituer une audience ahurissante… principalement constituée de robots et de comptes spam)

- les indicateurs complexes me semblent souvent vouloir intégrer trop de données et s’éloigner de la rigueur intellectuelle au profit du plaisir des calculs mathématiques (exemple pour les blogs : le Power 150 d’AdAge qui s’est rationalisé autour de 5 critères après en avoir compté… beaucoup trop)

Tous les indicateurs ne se valent pas et ce n’est pas parce que des données quanti existent qu’il faut toutes les intégrer dans une analyse d’influence. 3 exemples d’indicateurs que l’on est tenté d’intégrer dans un calcul « complexe » et qui pour moi n’ont pas de signification véritable :

- le nombre de following : pourquoi serait-il un élément dans un calcul d’influence : plus je suis de comptes, plus je suis influent ? Non, il n’y a aucune raison.

- le nombre de tweets seul, qui montre si je suis actif ou pas mais qui n’est pas pertinent non plus : plus je tweete, plus j’ai de chances de noyer mes tweets et qu’ils ne soient pas lus. Même si plus je tweete, plus j’augmente mes chances d’avoir de nombreux followers…

- l’analyse du contenu des tweets pour mesurer le niveau d’engagement d’un utilisateur. L‘influence, c’est la capacité qu’on a à se faire écouter, à la limite peu importe ce que l’on raconte. (ce que je raconte ne préjuge pas de la réaction de mes publics)


L’influence, c’est quoi ?

La question de la pertinence des indicateurs d’influence sur Twitter est hyper complexe. Pour la traiter, j’en reviens à la définition de l’influence: « pouvoir social qui amène les autres à se ranger à son avis », de mémoire, dans le petit Robert. Autrement dit, l’influence renvoie à la question des opinions.

Mais plus précisément, il y a à mon avis 4 composantes de l’influence — que l’on parle de Twitter ou juste de son influence sociale. Il y a une progressivité dans ces 4 composantes de l’influence, on pourrait donc les représenter sous forme de pyramide avec de bas en haut :

  1. La capacité à produire un contenu : c’est à dire la capacité à se constituer un avis, à forger une analyse, à rapporter des faits, à les mettre en forme. Ce qui renvoie à l’éducation de l’individu, à sa consommation de médias, à son expertise, à son métier, etc.
  2. La capacité à prendre la parole. C’est à dire le fait de rendre public le contenu. (je ne suis pas influent si j’ai des avis sur tout mais que je ne les communique pas). A la limite, peu importe ce que l’on raconte, mais on ne peut pas être influent si on n’est pas « vocal » (même si la rareté de la prise de parole peut être une stratégie)
  3. Le fait d’avoir une audience (sur Internet en particulier, on peut tout à fait prendre la parole dans le désert)
  4. Le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance de la part de tout ou partie de cette audience (qui peut se mesurer par le fait d’être cité, repris, linké…), où l’on touche réellement à la question de l’influence, mais qui n’est pas possible sans les 3 composantes qui précèdent.

(Pour ceux qui aiment ce type de réflexion, voir les travaux très intéressants du Guardian pour démontrer que ses lecteurs sont des influenceurs).


Et dans Twitter ?

Si l’on relit ces critères d’influence par rapport à la logique de Twitter, il y a plein de choses à dire :

-       la capacité à produire du contenu ne se lit pas dans Twitter : si je publie dans Twitter, je suis déjà au deuxième niveau de la pyramide : la prise de parole

-       la capacité à prendre la parole se lit bien dans Twitter : c’est le nombre ou la fréquence des tweets. Mais Twitter pose le problème de la trop grande fréquence de publication chez certains utilisateurs. Est-ce intéressant pour moi qu’un utilisateur avec 10 000 followers publie un lien vers mon blog, s’il tweete 100 fois par jour ?)

-       le fait d’avoir une audience se lit également bien dans Twitter : c’est le nombre de followers. Mais cette audience dépend aussi de la visibilité de mes tweets : c’est à dire de la faculté que ces followers vont avoir à lire mes tweets (et oui : si mes followers ont tous 2000 following hyperactifs, mes tweets ont des chances de passer inaperçus…)

-       le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance se lit dans Twitter essentiellement grâce aux citations : RT, @fguillot.

Et finalement, fait-on de l’opinion sur Twitter ? En 140 caractères, on émet peu d’avis et on les argumente encore moins. Twitter fonctionne beaucoup comme distributeur d’informations, mais sa logique est-elle celle d’un lieu d’influence ? Au fond, non : le pouvoir de Twitter c’est de me recommander des lectures, et ces lectures vont m’influencer ou non. Mais c’est rarement ce que je lis à l’intérieur de Twitter qui influence mes opinions. Twitter n’est pas un lieu d’influence, mais un outil d’influence.

Cela rejoint aussi le point de Cédric Deniaud : “L’expert ne peut pas être une personne qui seulement lit, relaie et tweet une information”. J’ai envie de remplacer le mot “expert” par “influenceur”.


5 critères plus pertinents et utiles (mais non sans limites)

Donc, en considérant tout ce qui précède et après avoir pas mal retourné la question des indicateurs d’influence dans Twitter dans ma tête, j’en vois 5 principaux, pertinents et utiles :

1. Un indicateur d’audience : le nombre de followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Il reste un moyen simple et rapide de se faire une idée de l’audience potentielle d’un compte.

Problème : il peut être manipulé et reste fortement réducteur. Le nombre de followers ne fait pas l’influenceur (mais un petit peu quand même).

2. Un indicateur d’audience : le nombre de followers de mes followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Etre suivi par 1000 personnes qui ont chacun 5 followers, c’est a priori moins bien que d’être suivi par 10 personnes qui ont chacune 10 000 followers. Et si possible, il faudrait mesurer le nombre de followers dédupliqués, puisque sur Twitter on tourne beaucoup en rond.

3. Un indicateur de visibilité : le nombre de following de mes followers. (renvoie aux points 2 et 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à prendre la parole ET la capacité se faire écouter)

Je le disais plus haut, si je suis suivi uniquement par des utilisateurs qui suivent 1000 comptes, j’ai peu de chances d’être visible dans leur timeline. Moins mes followers ont de following (et moins ces following sont actifs), plus mes tweets sont visibles.

Problème : si mes followers ont des timelines peu actives, c’est probablement qu’ils sont peu actifs eux-mêmes dans Twitter.

4. Un indicateur de réputation : le rapport entre nombre de followings et nombre de followers. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter)

J’en avais déjà parlé, plus la différence entre followers et followings est importante, plus cela montre que l’on s’intéresse à moi. Quand on voit que Francis Pisani a 2150 followers et 31 followings, cela montre assez bien qu’on s’intéresse à lui : il n’a pas besoin de s’engager dans Twitter pour avoir une audience.

Il est déjà un influenceur en dehors de Twitter, et parce qu’il est un influenceur, ses tweets bénéficient d’une attention sans doute supérieure à la moyenne.

Problème : les utilisateurs qui ont une politique de following très active sont pénalisés dans cette méthode. L’usage que l’on fait de son compte peut « gêner » la lecture de cet indicateur.

5. Un indicateur d’écoute et de reconnaissance : le rapport entre nombre de citations (RT, @) et nombre de tweets. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter et reconnaître)

Le fait d’être retweeté ou plus exactement cité dans des tweets (@fguillot) reste un bon indicateur de reconnaissance : on parle de moi, donc je compte. C’est le type d’indicateur assez classique dans la mesure d’influence, en quelque sorte l’équivalent du lien entrant pour les sites et les blogs.

Reste à savoir comment le mesurer et plutôt que de regarder un simple nombre de retweets ou de @ (qui peut masquer une hyperactivité peu efficace : si je tweete 100 000 fois et que je suis cité 1000 fois, vous conviendrez que je ne suis pas très influent), il me semblerait très intéressant de voir pour un compte Twitter quel est son ratio « citations » / « nombre de tweets ».

Si on regarde un compte comme @thisissethsblog, qui est dans une pure logique de diffusion (broadcast) avec 0 following, on voit que chaque tweet est retweeté plusieurs dizaines de fois… ce qui témoigne de la grande influence de Seth Godin.

Et mieux : de la même façon que pour les blogs, l’autorité mesure le nombre de blogs différents qui ont mis un lien, l’indicateur que l’on recherche ici devrait mesurer le nombre de citations provenant de comptes différents, rapporté au nombre de tweets. (si je suis très fréquemment cité par 3 utilisateurs, je suis sans doute influent auprès de ces 3 utilisateurs mais pas au-delà).

Variante de cet indicateur : le ratio nombre de followers / nombre de tweets.


Un champ de recherche très vaste… mais pour quel ROI ?

On pourrait voir d’autres indicateurs dans cette « short list » : le nombre de listes auxquelles un compte a été ajouté, voire mieux le nombre de followers des listes auxquelles le compte a été ajouté… mais je m’arrête là car le but de cet exercice est justement de limiter le nombre d’indicateurs qui font réellement sens par rapport à la question de l’influence. Autrement dit, si je devais construire un TweetScore, je le ferais à partir de ces 5 indicateurs.

On peut aussi imaginer un méta-indicateur qui fasse une mise en abîme des données (mon score d’influence serait le résultats des scores d’influence de mes followers…), à la façon des classements en tennis (pour ceux qui connaissent ;-)…

Il y a évidemment beaucoup à explorer, mais se pose tout de même assez fortement la question de l’intérêt à investir dans ce type de recherches : on peut avoir très envie d’automatiser des calculs parce que Twitter donne envie de le faire, mais avoir un score d’influence ne permet pas de lire l’influence réelle d’un compte (mais juste de se faire une idée et de hiérarchiser les utilisateurs entre eux).

Cela restera de toute façon un calcul : très pratique pour les communicants quand on attaque la question du ROI, mais qui ne remplace pas la lecture qualitative des phénomènes d’opinion.

D’autant plus que Twitter n’est pas massivement utilisé : il reste pour beaucoup un outil d’éditeurs (journalistes, blogueurs).

D’autant plus que Twitter ne vit pas indépendamment du reste du web et du système médiatique. Il leur est au contraire très fortement interconnecté et dépend d’eux. La mesure de l’influence dans Twitter seul est passionnante, mais a ses limites. Un pur exercice intellectuel ?

» Article initialement publié sur Internet et Opinion

» Illustration via bendodson sur Flickr

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