OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’open data, made in Rennes http://owni.fr/2011/04/11/lopen-data-made-in-rennes/ http://owni.fr/2011/04/11/lopen-data-made-in-rennes/#comments Mon, 11 Apr 2011 11:32:08 +0000 Simon Chignard http://owni.fr/?p=55845 Le concours de développement de services et d’applications, initié par Rennes Métropole suite à l’ouverture des données publiques sur le territoire vient de s’achever. Un premier point d’étape s’impose sur les 43 applications et services qui ont participé. Au-delà des exemples de See.Click.Fix et de “Where does my money go?” – deux réalisations des pionniers anglo-saxons de l’open data-, quelles sont les réalisations ici, en France ?

A l’origine, c’est l’histoire d’un jeu de données, l’un parmi la centaine qui ont été mis à disposition des développeurs. Ce jeu de données s’appelle “emplacement des trottoirs surbaissés”. C’est un fichier de 80 000 points qui recense tous les trottoirs surbaissés de Rennes et leur emplacement.

Un trottoir surbaissé cela peut correspondre à une sortie de véhicule (“un bateau” comme on le nomme dans le langage courant), mais aussi à un passage piéton aménagé pour les personnes en fauteuil roulant. Ces données sont utilisées par les services techniques de la ville, pour les travaux de voirie notamment.

L’emplacement des passages piétons ne figure pas dans les jeux de données ouvertes. Deux développeurs indépendants ont toutefois pu déterminer l’emplacement de 4000 passages piétons, à l’aide des photographies aériennes (orthophotos) qui, elles, faisaient aussi partie des données libérées.

En combinant la donnée “brute”, un vrai travail d’enrichissement et en mixant ces données avec des points d’intérêt spécifique (arrêt de bus accessibles, surfaces podotactiles), ces développeurs ont pu proposer un service de calcul d’itinéraires pour les personnes à mobilité réduite. Leur service, handimap.org est accessible en ligne et sur mobile et figure parmi les lauréats du concours.

Cet exemple illustre – sous un angle différent de celui de See.Click.Fix – tout l’intérêt de la démarche d’ouverture des données: les usagers disposent d’un service qui n’existait pas – et qui n’aurait sans doute jamais vu le jour sans ce concours-, la collectivité voit sa donnée utilisée et enrichie par des tiers et les développeurs ont pu tester et mettre en œuvre une approche originale et prometteuse.

Une grande majorité des applications se sont concentrées sur la thématique du transport et de la mobilité urbaine; les données “vélo” ont été les premières ouvertes (bien avant le lancement du concours), les jeux de données comprennent un grand nombre de modes de déplacement (vélo, bus, métro, parcs-relais de stationnement, …), l’orientation “apps mobiles” du concours a par ailleurs dû contribuer à orienter les développeurs vers cette thématique.

Beaucoup d’applications sur la mobilité dans la ville – dont plusieurs lauréates du concours : Go2Rennes, Transports Rennes, EoCity, … – mais avec souvent des approches différentes: l’un aura privilégié la diversité des modes, l’autre fournira un calcul précis du Co2 économisé en utilisant le vélo (Vélo Rennes). Un dernier enfin (ParkingGuru) vise à faciliter le stationnement dans le centre-ville.

On peut aussi repérer des services à vocation touristique (promenades en réalité augmentée), récréative ou même sportive. Partager des itinéraires favoris, découvrir des lieux de sortie un samedi et les parcours d’entraînement pour les adeptes de la course à pied le dimanche …

Un open data ni de droite, ni de gauche

Lors d’une récente intervention à la Cantine numérique rennaise, Valérie Peugeot soulignait les deux grandes catégories d’arguments utilisés pro-open-data; une approche économique (facteur d’innovation, création de services, amélioration de la vie quotidienne, contribution à l croissance, création d’emploi, …) et une approche politique (faire émerger de nouvelles connaissances, et enrichir les biens communs de la connaissance, gagner en efficacité pour les administrations, la citoyenneté par la transparence et l’accountability, participer de la qualité démocratique, …).

Je m’interrogeais dans un article précédent sur l’orientation politique de l’open data. A première vue, on peut se dire que cet open data là, celui qui a été révélé par le concours, n’est ni de droite ni de gauche, il est utilitariste.

Ce foisonnement de services utiles pour les habitants de la ville et ceux de passage est de nature à rassurer les élus et les collectivités qui s’engagent avec plus ou moins de prévenance dans une démarche territoriale d’ouverture des données. Le bénéfice “usagers” est clair : en ouvrant les données on favorise l’émergence de services (utiles) qui n’existaient pas.

N’est-il pour autant jamais question de politique dans les services présentés ? Un contre-exemple est celui proposé par Urbanility.

Le site propose une autre approche de la ville: en tapant une adresse dans le moteur de recherche, vous trouverez une vision succincte des “points forts” et “points faibles” du quartier. La logique utilisée est celle de la proximité – existe-il un espace de jeux pour les enfants dans un rayon de 250 mètres autour de votre domicile ? Pour les commerces (donnée qui ne figure pas dans le jeu de données), le développeur a utilisé les annuaires de Yahoo Local France.

Le plus intéressant dans cette approche, et ce qui est aussi le plus politique, c’est le retraitement qui a été utilisé pour classer les points forts et les points faibles. Le service recalcule la distance moyenne de chaque point de la ville à un commerce particulier, par exemple une boulangerie. Si vous habitez à 85 mètres d’une boulangerie mais qu’en moyenne pour les adresses de Rennes possédant une boulangerie proche de chez eux cette distance est inférieure, Urbanility considérera que votre adresse est moins bien “fournie”.

Pourquoi est-ce politique ? Parce qu’en choisissant ces critères de classement, le développeur opère une mise en avant de la réalité de la ville, il utilise des données objectives et leur apporte sa propre subjectivité – il reconnaît d’ailleurs le côté “work in progress” de sa démarche. Une telle mise en lumière aurait d’ailleurs tout aussi pu s’opérer sur les données transport; aucun développeur par exemple ne s’est intéressé aux statistiques de fréquentation des stations de vélo en libre-service.

Peut-être que les jeux de données libérés n’orientaient pas vers un usage plus politique. La ville de Rennes et Rennes Métropole viennent d’annoncer la poursuite de leur programme open data avec les données budgétaires – nous pourrons voir prochainement le type de services et d’applications qui les utilisent.

Le retour de la figure du pro-am ?

Deux tiers des participants sont des particuliers. Ils sont lycéen, étudiant ou ingénieurs. Ils ont en commun de bien maîtriser l’outil informatique, par métier ou par passion. La plupart sont des salariés des grands groupes d’informatique ou de télécommunications, mais qui ont poursuivi un projet personnel – il est amusant de noter que peu d’entre eux développent des services mobiles dans le cadre de leur emploi. Ils ont plutôt des spécialisations autour des grands systèmes d’information ou des systèmes de facturation (billing & ticketing).

Les entreprises participantes vont de la start-up locale à la société de services en informatique. D’autres viennent de Paris, de Lyon … ou de Strasbourg – on voit bien une illustration du “first-mover advantage” pour l’organisateur du concours.

D’un point de vue technique, un tiers environ des services sont accessibles sur le web, un deuxième tiers pour les téléphones Android et un dernier tiers pour toutes les autres plate-formes dont l’iPhone. Une part importante d’Android à mettre en relation avec la forte participation des particuliers à cette compétition.

De l’open innovation plutôt que de l’open government ?

Il y a un intérêt dans la démarche, au-delà du résultat lui-même.

Toutes les parties prenantes du processus – les services de la collectivité, les élus, le délégataire de service public de transport, … – auront pu faire l’expérience concrète de l’innovation ouverte.

Les échanges furent nourris sur les forums de développeurs, avec souvent de l’entraide et du partage de connaissances. Les ateliers physiques ont permis de faciliter les rencontres entre les développeurs et ceux qui ont accepté de libérer leurs données.

Une rencontre qui aura aussi permis de confirmer l’une des bases de l’open innovation à savoir qu’il y a des gens hors de l’organisation (collectivité ou entreprise) qui sont capables d’apporter des bonnes idées et des propositions de réalisation. C’est peut-être aussi l’un des premiers bénéfices de cette expérience open data qui se poursuit aujourd’hui. Moins flashy que See.Click.Fix mais tout aussi intéressant…

Le concours n’était que la première étape d’une démarche qui est maintenant lancée, démarche qui a suscité des attentes aussi bien de la part des développeurs que des détenteurs de données. A suivre !

>> Montage Photo utilisant FlickR PaternitéPartage selon les Conditions Initiales suzannelong et PaternitéPas d'utilisation commerciale Christophe Porteneuve

]]>
http://owni.fr/2011/04/11/lopen-data-made-in-rennes/feed/ 10
La leçon d’économie de The Social Network http://owni.fr/2010/11/10/la-lecon-deconomie-de-the-social-network/ http://owni.fr/2010/11/10/la-lecon-deconomie-de-the-social-network/#comments Wed, 10 Nov 2010 19:26:03 +0000 Simon Chignard http://owni.fr/?p=35153 Le film “The Social Network” est une œuvre de fiction sur la naissance du réseau social Facebook. Une œuvre à charge pour le fondateur Mark Zuckerberg, présenté comme un nerd asocial.  Mais le récit des premiers mois du développement de Facebook est aussi une introduction aux principes de base de l’économie du web.

A l’heure où près d’un million de spectateurs se sont rendus dans les salles de cinéma, il est intéressant de comprendre ce que “The Social Network” nous raconte de l’économie du web.

Couverture de Wired, mai 2010

Première leçon : la création naît du remix

Dans l’une des premières scènes du film, l’anti-héros veut se venger de sa petite amie qui vient de le quitter. Il lance en une nuit le site Facemash avec une idée simplissime : deux photographies d’étudiantes sont présentées côte à côte et l’internaute doit voter pour la plus séduisante.

La séquence illustre la manière de procéder du développeur : il parcourt les sites web des campus, il lance des requêtes automatiques, il récupère les photographies… En bref, il applique l’une des toutes premières leçons de l’économie du web : la création naît (aussi) du remix. L’originalité du service repose donc plutôt dans la capacité à mixer plusieurs sources d’information (mash-up) plutôt que sur une création ex-nihilo.

Deuxième leçon : les outils de production sont entre nos mains

Le scénario d’Aaron Sorkin est construit autour de la reconstitution de deux procès. Le premier oppose Zuckerberg à trois étudiants de Harvard qui revendiquent la paternité de l’idée de Facebook, les frères Winklevoss et leur associé. Le second procès est initié par l’ancien colocataire de Zuckerberg, premier associé et directeur administratif et financier (CFO) de Facebook, Eduardo Saverin.

Mis entre de bonnes mains, un bon outil de production peut donner des choses surprenantes

Au moment du lancement du site, le personnage de Zuckerberg sollicite auprès de son colocataire 1000 dollars pour acheter quelques serveurs et faire héberger le site en création. C’est bien la preuve que nous sommes dans le “nouveau monde” : l’investissement nécessaire pour lancer l’affaire est très réduit. Il n’y a pas a proprement parler de barrière à l’entrée capitalistique, pas d’autorisation à demander avant de se lancer.  Les outils de production – en l’occurrence les ordinateurs – sont entre nos mains.

Troisième leçon : timing is everything (de l’idée à l’action)

Face à ceux qui l’accusent d’avoir volé l’idée d’un réseau social sur le campus d’Harvard, le personnage de Zuckerberg répond “je n’ai pas volé votre code”. Toute la complexité de la notion de propriété intellectuelle dans l’économie de l’immatériel est résumée dans cet échange imaginaire. Les uns revendiquent la paternité d’une idée, les autres se prévalent de la réalisation, de l’action.

Hormis les séquences concernant les deux procès, l’action se déroule sur une période très condensée, les premiers mois de la naissance et du développement de Facebook.

Zuckerberg a  déjà visiblement une idée très fine du concept de”first-to-market” et sa philosophie personnelle semble se résumer à “just do it”. On voit son personnage ajouter une fonction au réseau dès qu’il en a l’idée – en l’occurrence l’ajout du statut”marital” parce qu’un de ses amis cherche des informations au sujet d’une fille qu’il a croisé dans un amphi…

Pas d’études quantitatives ou qualitatives, pas de focus group, pas de plan de développement produit défini. Pas de recherche, que du développement. Implémenter au plus vite, tester in vivo, reprendre et re-coder : timing is everything !

Ce que le film illustre, c’est l’importance du “momentum”, du point de basculement.

Quatrième leçon : le modèle économique ne passe pas toujours par la rentabilité (immédiate)

Les personnages de Zuckerberg et de son associé s’opposent rapidement sur le modèle de financement de Facebook. Savarin reste sur la côte Est des Etats-Unis pour convaincre des annonceurs d’acheter de l’espace publicitaire sur le réseau social naissant (et dont la croissance est déjà à l’époque très importante).

Zuckerberg pour sa part ne cherche pas la rentabilité à tous prix. Il cherche d’abord à développer le service et à en assurer la croissance. Facebook est aujourd’hui valorisée 25 milliards de dollars. La société n’est toujours pas cotée en Bourse.

Allégorie de Zuckerberg prenant son envol

Cinquième leçon : le hasard des rencontres

C’est l’une des scènes les plus étonnantes : au moment de l’ouverture de Facebook aux universités au-delà d’Harvard (dont Stanford sur la côte Ouest), le fondateur de Napster, Sean Parker, apprend l’existence de Facebook par l’une de ses conquêtes et se met en relation avec Zuckerberg.

Au moment de la rencontre, le service d’échange P2P Napster a déjà été fermé suite (déjà) aux plaintes des majors de l’industrie du disque.

Le film raconte la rencontre entre celui qui a démocratisé les échanges P2P et celui qui a démocratisé la notion de réseau social : c’est comme si Thomas Edison et Alexander Graham Bell s’étaient rencontrés et avaient fait des affaires ensemble ! (en fait, ils se sont rencontrés).

Les leçons oubliées du film

L’annonce du premier million d’inscrits sur Facebook est l’une des dernières scènes du film. Rien pourtant n’illustre les mécanismes économiques à l’œuvre pour passer de quelques milliers d’inscrits à 500 millions d’internautes. Tout a l’air si simple !

Rien sur les externalités positives (qui renforce les plus forts), ni sur la loi de Metcalfe (qui décrit la valeur d’un réseau), encore moins sur la viralité. La notion de plate-forme, l’un des clés du succès de Facebook, n’est pas abordée dans le récit.

Il y a fort à parier que, parmi le million de spectateurs français à avoir vu le film, il se trouve des apprentis entrepreneurs qui feront le rêve de monter le Facebook de demain.

Au moment où les lumières se rallument dans la salle, qu’auront-ils retenu ? Que pour réussir, il faut “trahir” ses amis, émigrer sur la côte Ouest des Etats-Unis ? Qu’il faut se méfier des avocats d’affaires et des capitaux-risqueurs ?

Retiendront-ils plutôt qu’un tel succès reste encore possible sur l’Internet d’aujourd’hui et que la philosophie de l’action reste toujours d’actualité ?

Comme le résumait Lawrence Lessing à propos de Mark Zuckerberg et de son “invention” : “He made it”, tout simplement.

Illustrations CC FlickR dfarber, Gubatron, Cayusa

]]>
http://owni.fr/2010/11/10/la-lecon-deconomie-de-the-social-network/feed/ 0
L’Open Data: une idée de gauche? http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/ http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/#comments Mon, 04 Oct 2010 16:38:28 +0000 Simon Chignard http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/ L’ouverture des données publiques est un sujet d’actualité, en particulier à l’heure où des collectivités comme Rennes Métropole se lancent dans des projets concrets. Le sujet reste pourtant souvent traité sous l’angle technologique, juridique (licences) ou économique. On pourrait laisser croire que l’Open Data n’est pas une question politique, qu’elle ne relève d’aucune idéologie. Qu’en est-il véritablement ? L’Open Data est-il plutôt une idée de gauche ou de droite ? Peut-on placer cette idée sur l’échiquier politique ?

Pour comprendre la dimension politique de l’Open Data, il faut aller de l’autre côté de l’Atlantique. L’ouvrage collectif  “Open Governement : collaboration, transparency and participation in practice” regroupe les contributions des penseurs de ce mouvement, issu de la sphère Internet et technologies. Ils ont profondément inspiré la campagne présidentielle d’Obama.

Une contribution majeure « Government as a platform » est rédigée par Tim O’Reilly, l’éditeur-auteur-penseur américain à qui l’on doit le terme de Web 2.0.

Pour résumer son propos : l’Open Government – dont l’Open Data est l’un des piliers – ce n’est pas utiliser les techniques du Web 2.0 (participation, réseaux sociaux, …) pour gérer les affaires publiques, c’est avant tout une démarche de ré-invention et de retour aux sources. Il propose une analogie avec le web des années post-bulle Internet, où le secteur paraît dévasté et incapable de se relever. A l’époque, la Silicon Valley opère un retour aux fondamentaux de l’Internet, à son « ADN primitif » c’est à dire un réseau d’égal à égal, avec une certaine symétrie entre  « producteur » du contenu et « consommateur » (d’où aussi l’expression de Read/Write Web).

Ré-inventer l’action publique

Ce qui définit l’Open Government ce serait donc d’une part le constat d’une défaillance du mode de gouvernance (le fameux »Washington is broken » d’Obama) et d’autre part le nécessaire travail de ré-invention de l’action publique. Or, poursuit O’Reilly, l’Etat trouve sa légitimité dans le fait qu’il  y a des problèmes qui sont mieux traités au niveau collectif plutôt qu’individuel. Il cite d’ailleurs l’un des pères fondateurs de la nation américaine qui voulait faire de chaque citoyen américain un participant à l’action politique « tous les jours et pas uniquement le jour de l’élection ». (Sur l’influence toujours présente de la pensée des pères fondateurs dans le débat américain, lire aussi l’ouvrage de la correspondante du journal Le Monde Corinne Lesnes « Aux sources de l’Amérique »).

L’Open Government a pour programme d’appliquer aux affaires publiques les principes au coeur du mouvement Open Source (ouverture, collaboration de pair-à-pair vs. hiérarchie, …). Le mouvement Open Government a profondément influencé la campagne d’Obama que l’on présente d’ailleurs parfois comme le premier « We President ».

Alors, pour revenir à notre question initiale, l’Open Data, en France, est-il plutôt une idée de gauche ou de droite ?

De la gauche, l’idée d’Open Data reprend la notion de démocratie participative, de capacité du citoyen à participer à la décision publique, de notion de bien commun, de décentralisation. De la droite libérale, l’Open Data reprend la volonté de ne pas laisser à l’Etat (sous toutes ses formes) le monopole des questions et des »réponses » publiques. On retrouve aussi la croyance en la capacité du marché et du secteur privé à assumer certaines fonctions de l’État – et de quoi parle-t-on lorsqu’on donne la possibilité au secteur privé de développer des applications et services que la collectivité ne peut ou ne souhaite pas développer ?

L’Open Government donne des outils – au premier rang l’open data – pour mesurer l’efficacité de l’action publique. On connait l’exemple du site See, Click, Fix qui permet de signaler un problème de voirie par exemple. Comme le soulignent les auteurs de la contribution « The Dark Side of Open Government » dans l’ouvrage précité, cette transparence et cette exigence de rendre des comptes (accountability) surexposent mécaniquement les défaillances et les limites de l’action publique, plutôt que les réussites ou le travail réalisé. Autre point-clé, l’open data concerne aujourd’hui essentiellement les données issues du secteur public. C’est donc sur le secteur public que la pression de la transparence est mise. Et quid de l’influence du secteur privé sur nos vies quotidiennes ? Les entreprises ne détiennent-elles pas des données dont le partage serait profitable à tous ? Les opérateurs de télécommunications par exemple, disposent de données anonymes précises sur la fréquentation des quartiers de la ville, sur le trafic sur les grands axes routiers, … Autant d’éléments pour mieux comprendre et améliorer la ville. On pourrait se poser les mêmes questions  concernant les fournisseurs d’énergie, les entreprises de collecte des déchets, …

Un Nicolas Hulot pour l’Open Data français ?

J’ai entendu récemment qu’il manquait à l’Open Data en France une figure politique majeure, quelqu’un qui s’empare du sujet et en devienne le porte-drapeau. Que cette « incarnation » soit indispensable à la prise de conscience politique, on peut en débattre. Le risque de voir la démarche associée à une couleur politique est-il moins fort que les gains à attendre ? L’exemple de la Grande-Bretagne est intéressant. Sous la pression du lobbying public – initié notamment par la campagne du Guardian – les principaux candidats aux dernières élections législatives se sont engagés en faveur de l’ouverture des données publiques.

Force est de constater pourtant que la notion de participation citoyenne n’est pas en ligne avec la volonté affichée au niveau national d’un pouvoir et d’un État fort et centralisateur.

L’Open Data est peut-être un objet politique non identifié au milieu des traditionnels clivages droite/gauche. Cela pose en fait la question du troisième acteur qui n’est ni l’État, ni le marché : le citoyen.

Le citoyen est-il jugé assez « compétent » pour prendre part à la décision et, in fine, à l’action publique ? L’Open Data pourra-t-il contribuer à l’émergence d’un nouveau rapport au politique ? En a-t-il l’ambition et les moyens ?

@schignard

Article initialement publié sur le blog de l’association Bug

Illustration CC FlickR opensourceway


]]>
http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/feed/ 10