OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un bon petit village français… http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/ http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/#comments Wed, 13 Jul 2011 13:26:57 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=73309 Il revient parfois à la source, dans cette campagne que des magazines étranges et glacés qualifient de “profonde” ou de “charmante” et qui, pour lui, est juste l’endroit où il a grandi. Les lieux ne lui arrachent qu’une vague mélancolie. Il n’est pas attaché aux endroits juste aux souvenirs.

C’est un village de vieilles pierres prisées, “hors de la vie” pour l’urbain. A son arrivée dans la région, trente ans plus tôt, l’enfant des villes s’émerveillait d’une existence au ralenti ponctuée de “bonjour” et de “merci”, de rez-de-chaussées, de chiens lézardant au milieu de la grande rue aux grandes chaleurs, de volets ouverts et fermés à des heures précises. Pourtant, dans cette société loin du moderne, on trouvait à moins de quatre minutes de marche de la plus éloignée des maisons, deux électriciens, un quincaillier, trois épiceries, un disquaire, un grand bureau de poste, une école municipale (où le maire lui apprit à lire) et même un magasin de jouets artisanaux où, après les cours, il s’attardait une petite heure.

Avec les années, les voyages et le manque de pognon, il revient de moins en moins ici déguster son calice des souvenirs. L’amertume du présent est trop prononcée. Le village aux rudes contours, murs fêlés et toitures déglinguées, s’est métamorphosé en smoothie aspartamé. Le grand tournant s’opérait au milieu de la dernière décennie du siècle passé : quand l’immobilier remplaça le travail dans la mentalité des possédants.

Dans la grande rue, les vieilles bâtisses bringuebalantes ont aujourd’hui de belles façades aux pastels nomenclaturés par décret municipal, les cabots ont disparu, remplacés par des rangées 4X4, aux vitres teintées respectant un horodatage sophistiqué de part et d’autre de la chaussée. Le square est “vidéoprotégé“. L’église assiégée par sa peur de l’ailleurs déchire le silence des lieux, carillonnant sa suprématie chrétienne à chaque nouvelle heure sans vie. Seul le désir de communier chaque dimanche à onze heures dans son plus bel apparat, berlines métallisées et souliers vernis, trouble la quiétude mortifère d’une ruralité sous-vide. Mais pas l’été. On lui préfère Ibiza.

Il remonte la grande rue pavée, sous le bras une rustique aux arachides de Palerme, une baguette quoi. Chaque pavé de la voie classée des chariots qu’il a toujours connu défoncée a été enlevé, traité, retaillé, poli et réaligné, lissé pour le confort des suspensions de cabriolets. Un jour tu verras, on y rajoutera un tapis de sol pour s’éviter des procès en cas de chute et de trauma crânien.

Hormis le logo collé par la multinationale qui l’a franchisée, seule la façade de l’épicerie centrale de la grande rue n’a pas connu de modifications en trente ans. Les autres façades de l’artère, trop insistantes sur l’”authenticité“ pour l’être ne serait-ce qu’un peu, abritent des banques, des assureurs, des brocanteurs d’objets à cinq ou six chiffres et des choucrouteurs pour vioques. Le bulletin municipal indique pour le trimestre : 112 décès pour 1 mariage et 2 naissances. La rue déserte offre ses 6 distributeurs de billets en moins de 50 mètres. Ici, on se cash pour mourir.

Bientôt midi. Pas une âme à la terrasse des troquets vintage sur la place de l’église. Si. Un couple, de ces couples à cheveux blancs qui ont l’air d’avoir vingt ans depuis vingt ans, s’attable dans l’enclos fleuri climatisé à la cannelle de la belle auberge prune. Il s’approche, les deux parlent anglais.

Le juke-box à souvenirs sort un classique de derrière les fagots. Le soir de l’élection de Chirac en 1995, les précédents taverniers offraient leur tournée de champagne. Il se souvient des dithyrambes du patron : “Ah putain, ce pays va enfin changer !” lançait le bonhomme à l’assemblée, avant de lui soigner une dédicace personnalisée :

Ah…Et puis les gauchistes de Canal Plus c’est fini !

Peu de temps après, le patron de l’auberge vendait le fonds de commerce. Il vit six mois par an en Thaïlande. Le reste du temps, il se repose. Et empoche des loyers.

Face à l’auberge, il aperçoit la boutique verte. Trente ans avant, ces murs abritaient la Coop, une petite épicerie familiale debout depuis des décennies, des siècles peut-être. A l’infarctus du gérant, le magasin fut repris par un couple de jeunes de la ville. Quelques mois. Un glissement de terrain aura raison du magasin qui restera fermé trois ans. Puis, un coiffeur styliste vint s’installer. C’était le début de la fin. Plusieurs se succédèrent. Pas moins de trois patrons en quatre ans, dont un coiffeur canin.

Nouvelle fermeture d’un an à la fin des années 80. Au début des 90, un jeune entrepreneur nommé Rachid, une rareté dans la région, transforma l’endroit en vidéo-club. La demande de divertissement dans ces terres reculées était forte et le commerce de proximité, malgré l’épiderme du tenancier, plébiscité. Rachid, essentiel aux soirées cosy, on l’intégra rapidement. Mais les chaines à péage eurent raison de son coeur à l’ouvrage et un matin il placarda un Braderie des films, liquidation totale. Le renouveau ne dura que deux ans. Dans le village et tout autour dans le pays, peu à peu “bien marcher” ne suffisait plus pour vivre de son métier. Chacun trouva moins fatiguant que d’aller chez Rachid pour se fournir en distraction, et personne ne le pleura. Derrière les volets fermés de propriétés aux pointes de portails de plus an plus aiguisées, Canal Plus triomphait.

A partir de cette époque, l’homme aux souvenirs ne vint plus que très épisodiquement dans la région. Au gré de ses courts séjours, en dix ans il observera le manège des commerces à cette adresse : un énième salon de coiffure puis un fleuriste. Été 2011. La stabilité enfin. Depuis octobre 2008, l’échoppe est colonisée par un agent immobilier de luxe fier d’afficher qu’il opère de concert avec le spécialiste international de l’immobilier de luxe. A la différence de la Coop qui restait ouverte d’avant l’aube au crépuscule passé, il n’a jamais vu l’agence ouverte. Pourtant, il doit y avoir de la vie quelque part : en vitrine les annonces pour demeures au million d’euros, prix d’entrée, sont régulièrement achalandées.

De la Coop à Sotheby’s, il faut croire que les commissions sur les transactions immobilières des riches étrangers annexant la région rapportent plus que le commerce de produits locaux aux villageois, deux espèces décimées en une génération, la sienne. Paradoxe du village opulent, il est aujourd’hui bien plus vide à l’année qu’il ne l’était il y a trente ans lorsqu’il était « hors civilisation ». Et on veut lui faire croire que la richesse sauve ? L’argent détruit tout, s’il n’est pas partagé. Il s’assoit sur les marches de l’église tonnant sa loi dans le néant d’un pays imaginaire au passé relooké. Un pays sans présent où demain n’arrive jamais.

Un bon petit village français !, hurle-t-il à l’épicentre de la matérialisation miniature du fantasme national. Il est temps de reprendre la route.

P.S : Cette note est inspirée par l’Atlanticrotte de la veille signée Malika Sorel : “On doit donner la nationalité quand on reconnaît que la personne est devenue française, c’est à dire qu’elle possède la mentalité française“.


Article initialement publié sur Le jour et l’ennui de Seb Musset sous le titre : “Mentalité française, le village”

Crédits photo FlickR CC : by-nc-nd l1nda1 / by-nc Phil Thirkell / by-nc-sa ((:o pattoune o:)) / by-sa gillesklein

Seb Musset est l’auteur de Les Endettés

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Réinjecter de la durée de vie dans la société du jetable http://owni.fr/2011/05/01/reinjecter-de-la-duree-de-vie-dans-la-societe-du-jetable/ http://owni.fr/2011/05/01/reinjecter-de-la-duree-de-vie-dans-la-societe-du-jetable/#comments Sun, 01 May 2011 11:00:36 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=60364

Sans connaître le terme [d’obsolescence programmée], je me suis rendu compte à 16 ans que la qualité des produits régressait, et ce, dans tous les secteurs.

Se souvient Yohann Gouffé, un chargé de communication sur le développement durable à la mairie de Saint-Mandrier (Var). “Obsolescence programmée”, une expression barbare pas forcément évocatrice mais pourtant inhérente à notre vie quotidienne. L’idée est simple : concevoir des produits plus fragiles permet d’accélérer leur renouvellement, faisant ainsi augmenter les ventes. Le procédé n’est pas neuf mais a cependant connu une accélération au cours des deux dernières décennies avec la complexification de l’électronique dans les produits de tous les jours. Un mouvement contre lequel Yohann, parmi d’autres citoyens inquiets, cherche à trouver des parades.

Un forum pour partager des solutions pour étendre la durée de vie des objets

Si la logique de l’obsolescence programmée pouvait avoir sa pertinence dans l’Amérique sinistrée des années 1930, où elle a été popularisée, elle est devenue beaucoup plus problématique en ce début de XXIème siècle. Dans un monde aux capacités limitées, elle accapare des ressources considérables. Et la surconsommation qui en découle génère des montagnes de déchets qui iront s’accumuler sur des terrains vagues au Ghana, au Sénégal, en Inde,…

Après la visionnage de l’excellent documentaire Prêt à Jeter sur Arte en février dernier, Yohann se précipite sur Internet pour chercher des informations supplémentaires. Constatant la rareté de données sur l’obsolescence programmée, il décide de créer le premier forum sur le sujet. Dans cet espace, les utilisateurs sont invités à recenser les appareils douteux et à échanger les astuces pour les faire remarcher. Lave-vaisselle, onduleur, machine à pain…les produits y sont passés au crible.

La société, en quête d’une constante croissance économique, nous conditionne partout et à longueur de journée à consommer toujours plus, et l’obsolescence programmée des produits, que nous achetons sans réfléchir à l’impact environnemental, y contribue.

Avec l’aide des internautes, il catalogue d’ailleurs les produits avares d’énergie et aisément réparables, du fer à repasser démontable à la machine à expresso manuelle.

Dans le processus d’obsolescence programmée, l’attitude du consommateur est cruciale.

Il faut arrêter de vivre et de consommer pour plaire ou se faire accepter d’autrui, analyse Yohann. Personnellement, je n’éprouve aucunement le besoin de suivre la mode ou de parader avec le dernier modèle sorti sur le marché.

L’obsolescence peut être technique certes mais également psychologique, c’est le constat que partage Marine Fabre, membre des Amis de la Terre et auteur d’un rapport sur le sujet. Pour ce dernier, elle est allée à la rencontre des distributeurs d’électroménager. Si leur première réaction a été de dénoncer “la théorie du complot”, ils ont fini par avancer que l’obsolescence “est surtout du fait des consommateurs qui poussent la consommation technologique et veulent toujours le produit dernier cri”. “La volonté d’avoir le dernier produit en date est en grosse partie suscitée par le marketing”, soutient cependant Marine.

Réemploi, durabilité et partage

Avec les Amis de la Terre, Marine a contribué à l’élaboration du site Produits Pour La Vie qui vise à informer les consommateurs et à leur proposer des alternatives. Avec une équipe de bénévoles, elle travaille actuellement à des “Guides du Réemploi” pour Paris et le Val-d’Oise. Le but : donner accès au citoyen à des bases de données lui indiquant où faire réparer quel type de produit, où faire du troc, où louer un objet pour un besoin ponctuel… “Ta perceuse tu en as besoin peut-être deux fois dans ta vie alors plutôt que d’en acheter une, pourquoi ne pas la louer ou la partager?”, explique-t-elle.

Réemployer plutôt que de jeter, un bon moyen de contourner le système mais généralement peu pratiqué. Selon une étude de l’ADEME, près d’un objet sur deux qui tombe en panne n’est pas réparé alors même que 83% des Français disent être sensibles à l’intérêt écologique de ce geste. « Il semble plus facile d’acheter que de faire réparer » avance Dieter Becker, coordinateur de la Recyclerie du Rouergue.

Située sur la route de la déchèterie de Villefranche (Aveyron), sa Recyclerie fait partie du réseau des Ressourceries, un ensemble de structures spécialisées dans le réemploi des déchets. “On reçoit pas mal de [l’électroménager] blanc, les gens veulent plus de technicité, plus de commodité. Certains appareils qu’on a sont jolis sauf qu’en termes de consommation…”, explique Dieter. Depuis 2006, sa Recyclerie collecte des produits usagés, les remet en état de marche et les valorise afin de les revendre derrière. “Avec trois machines, on peut en faire une”, assure le coordinateur. Le concept et les prix attractifs et semblent assurer un succès croissant à la Recyclerie : en 2010, 60 tonnes y ont été apportées, près de 30 en sont ressorties.

Il est aussi possible, plutôt que de faire l’acquisition d’un nouveau modèle, de se procurer un produit par des voies parallèles. “On ne jette rien, on redonne les choses, ainsi on n’a pas besoin de racheter systématiquement”, confie Mireille Legendre, la présidente d’un Système d’Échange Local (SEL) à Montreuil (Ile-de-France).

Développés dans les années 1980 en Amérique du Nord et arrivés en France en 1994, les SEL donnent une nouvelle vie aux produits dont on souhaite se séparer. Inscrits en marge de l’économie classique, ils permettent l’échange de produits ou de prestations entre les citoyens sans recourir à l’argent. Plus de quatre-vingt personnes, de Montreuil et ses environs, viennent apporter leur contribution au SEL créé par Mireille en 1999. Chacun y met ce qu’il peut : service, savoir ou bien. Ici la monnaie n’a pas cours, on calcule en ”unités”. Par exemple, une heure passée à aider pour le jardinage rapportera 60 unités, unités qui pourront être utilisées pour acquérir un objet mis à la disposition du SEL. Le “prix” d’un bien est laissé à la discrétion de son propriétaire d’origine. “Les biens qui sont mis ici sont variables : cela peut être de l’alimentation, du mobilier ou encore de l’électroménager”, explique la présidente. Près de 400 organisations similaires sont recensées sur le territoire français, et de nombreuses autres existent à l’étranger (Belgique, Canada, Suisse…).

Mettre en commun pour consommer moins

Aude Ménigoz-Kirchner a trouvé une autre alternative à la surconsommation : mettre en commun les biens. C’est la conclusion qu’a atteint, au fil des années, ce médecin scolaire de Besançon (Doubs) :

Chacun prend conscience à son rythme, la crise économique a peut-être aidé certains. Moi j’y suis arrivée progressivement, un peu par mon fils qui est dans la décroissance, un peu par des amis.

Depuis quelques années, au sein de l’association Habiter Autrement à Besançon, elle participe à l’établissement d’un habitat coopératif, un ensemble écologique et solidaire. Mais si l’habitat coopératif connaît un regain d’intérêt en France ces dernières années, en périphérie ou à l’extérieur des villes, la mutualisation des biens n’y est pas forcément mise en oeuvre et reste avant tout un choix au cas-par-cas. Avec 15 autres foyers, pour l’heure, Aude a choisi le terrain de construction et envisage l’emménagement dans les trois ans. “Pour nous, ce qui est important c’est la mutualisation des surfaces et des biens. Le but est le bien vivre-ensemble”, explique-t-elle.

Des pièces communes seraient ainsi prévues : buanderie, grande salle avec cuisine, chambres d’amis… “Ce qui sera mis en commun dépend un peu de chacun : ça peut aussi bien être des ateliers de bricolage que des livres ou encore des automobiles”, dit Aude. Elle compte bien mettre sa voiture, pourtant nécessaire à ses tournées, à la disposition de la communauté dès que possible afin de limiter le nombre de véhicules par foyer.

“L’obsolescence programmée est inhérente au système, c’est le bras armé de la croissance”, lâche Stéphane Madelaine avec un sourire. En tant que professeur de sciences industrielles pour l’ingénieur au Havre (Seine Maritime), il certifie l’existence de l’obsolescence programmée et regrette le manque de discussion autour : “Dans le cahier des charges de tout produit il faut mettre une durée de vie, il y a donc bien une décision qui est prise”. Pour ce membre du Parti pour la Décroissance, « la croissance pour la croissance” est un concept “complètement absurde ». Stéphane milite pour un tournant abrupt :

Il faut que le consommateur se réapproprie son mode de vie. Nous ne sommes pas des moutons qui subissons tout, il y a plein de moyens de s’exprimer ou de changer le monde.

“La crise amène à repenser certains modes de consommation. Elle a poussé beaucoup de gens à s’interroger pour savoir s’il n’y avait pas une autre voie”, explique Christophe Ondet, le secrétaire national du Parti pour la Décroissance. Selon lui, il est vital de sortir du paradigme de la croissance et du travail, réhabiliter l’humain derrière l’économie. “A quoi ça sert d’avoir un emploi derrière un guichet si c’est pour y être malheureux ?”, interroge-t-il. Mais le changement, dit-il, doit d’abord se manifester dans des comportements individuels, des regroupements de citoyens, une volonté provenant de la base. Et de marteler :

Ça partira du citoyen ou ça ne partira pas.

Même s’il confesse ne pas avoir de “programme clé en main” à proposer, il voit une solution simple à la surconsommation : la sobriété. À chaque citoyen de décider de la marche à suivre, de faire ses propres choix en matière de consommation. “Personnellement, confie Christophe, je ne consomme pas plus que ce dont j’ai besoin. Je ne rêve pas de passer le samedi dans les centres commerciaux.”

Photos: Flickr CC Toban Black / Chantel Williams / Andy Herd / Peter Blanchard.

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Comment fonctionnent les “Digital Natives”? http://owni.fr/2011/03/18/comment-fonctionnent-les-digital-natives/ http://owni.fr/2011/03/18/comment-fonctionnent-les-digital-natives/#comments Fri, 18 Mar 2011 07:30:28 +0000 Chloé Nataf http://owni.fr/?p=31182 Chloé Nataf écrit pour Hors-Sillon, un blog rattaché à Trempolino, centre de ressources, formation et d’expérimentation pour les musiques actuelles basé à Nantes. Elle a décidé d’approfondir une notion évoquée par Gilles Babinet (voir ci-dessous) lors d’une interview réalisée par OWNImusic, les “Digital Natives”.

Suite à l’interview de Gilles Babinet (entrepreneur français connu pour le MXP4 entre autre) au moment du Midem 2011 par Owni Music, je me suis penchée sur les « digital natives »:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

LES DIGITAL NATIVES : C’EST QUI?

Selon Wikipedia, un digital native ou en français le natif numérique: “est une personne ayant grandi dans un environnement numérique comme celui des ordinateurs, internet, des téléphones mobiles et des baladeurs MP3″.

Ils ont donc environ 14/15 ans maximum, et ce sont eux qui consommeront la musique demain. Pour illustrer l’ampleur du phénomène je vous invite à voir cette vidéo de la petite Clémentine, 20 mois, avec un IPad et un IPhone…

Nota-bene: une variante au natif numérique existe, à savoir l’immigrant numérique (digital immigrant) qui est « un individu ayant grandi hors d’un environnement numérique et l’ayant adopté plus tard. Un natif numérique parlera de son nouvel «appareil photo» là où un migrant numérique sera fier de son nouvel «appareil photo numérique». » (source Wikipedia)

ET CONCRETEMENT COMMENT CES DIGITAL NATIVES FONCTIONNENT-ILS ?

En 2009, les équipes digitales de l’agence webmarketing JWT Paris, ont lancé une vaste étude ayant un objectif simple : comprendre si le digital avait eu un impact sur le comportement de ces digital natives. Les résultats sont sans appel : le digital est LA cause de changements de comportements profonds au sein de cette population.

L’agence a appelé cette étude “Empreintes Digitales”. Huit empreintes qu’il faut comprendre pour savoir décortiquer les réactions de ces publics. JWT Paris n’a pas fait cette étude pour le plaisir, mais pour remettre en adéquation ses actions marketing qui trop souvent n’ont pas réussi à suivre le même rythme et qui faute d’outils n’avaient pas les moyens de le faire.

Résumé de l’étude:

EMPREINTE 1: Le « Power of Now »

Cette génération veut tout, tout de suite et partout. Les « digital natives » ne supportent pas d’attendre. La BBC a estimé à 9 secondes, la tolérance à l’attente sur le web (pensez-y… au-delà, on trouve que notre connexion « rame »…).

72% des 12-25 ans déclarent ne pas pouvoir se passer d’internet pendant une journée. Sur internet, on peut tout avoir tout de suite, du coup, dans le réel il faut que ça soit pareil.

Conclusion : la communication change. SIMPLE, RAPIDE, EFFICACE. Le temps se raccourcit, les messages doivent se raccourcir car l’immédiateté prime avant tout…

EMPREINTE 2: Pas de loi pour m’interdire

L’avènement de Chatroulette en 2010, la censure de 32000 photos/jour sur skyblog, les apéros géants… il n’y a plus de limite aux interdits qui finalement ne sont là que pour être remis en question.

Il n’y a plus de limite et les digital natives s’en rendent compte et 82% d’entre eux demandent une autorité plus forte de la part de leurs enseignants.

Le « digital native » fait des choix tranchés et ne veut plus d’une relation purement marchande. Les marques l’ont bien compris et jouent un rôle essentiel dans le message qu’elles adressent à cette génération. Avant de vendre, il faut apprendre à offrir et du coup, elles offrent une expérience qui alimentera l’imaginaire du digital native, tout en leur vendant des chaussures ou de la musique.

EMPREINTE 3: Etre « Moi m’aime » avec mes semblables

L’internet, c’est l’ouverture sur le monde, rencontrer des gens, découvrir plein de choses…. ouais, ouais, ouais… c’est surtout la possibilité de rencontrer des personnes qui ont les mêmes affinités que SOI, la possibilité d’exposer SA vie privée, de mettre en scène SA vie, d’avoir un blog sur SOI (sic!), de chatter en direct avec SES amis… internet c’est finalement un monde assez narcissique ou tout tourne autour d’individu, d’où l’explosion des réseaux sociaux et d’un métier à la mode en communication : le community manager.

Ce dernier doit s’immiscer dans les réseaux sociaux, prêchant la bonne parole d’une marque, et récoltant les informations les plus précises possibles sur les potentiels acheteurs.

EMPREINTE 4 : Je sais tout

65% des digital natives ont pour source d’information internet. En un clic, une pression du doigt, on a sa réponse. Cette information n’est pas sans risques, puisqu’elle n’est pas la plus fiable. Mais les informations venant d’une « communauté amie » sont souvent prises pour argent content… La vérité vient du web… Du coup, les professeurs, les hommes politiques, doivent se mettre à la page et doivent savoir, être exacts dans leurs réponses, car tout est vérifié et tout est contestable.

Un monde où l’information est donc détenue également par toutes et tous, et où les références (l’autorité) ont disparu. Un monde où beaucoup de marques tentent de naviguer en tutoyant, en parlant à la deuxième personne du singulier: « you ». Un comportement de surface qui est voué à rester au mieux totalement ignoré, au pire source d’inspiration pour devenir la cible d’attaques.

A ce narcissisme du public, il faut répondre différemment. Par l’interaction. Un dialogue qu’il est possible de nourrir en offrant des clefs pour comprendre le monde qui entoure les digital natives, en les encourageant à le découvrir.

EMPREINTE 5 : Concentré d’émotions

Il existe plus de 240 millions de sites web, quasi autant de blog, 150 millions de vidéos youtube et le temps moyen passé sur un site est de 56 secondes… Pour attirer l’attention, il faut que ça soit fort, tout de suite.

D’un point de vu marketing, il faut étonner, époustoufler ou faire rire car en provoquant ces émotions, les marques redeviennent source de plaisir et créent l’acte d’achat.

EMPREINTE 6 : L’éloge du raccourci

Une moyenne de 60 à 80 SMS/jour, des abréviations, un langage phonétique, twitter et ses 140 signes, les statuts facebook… L’attention est limitée, donc le langage se raccourcit. Cette empreinte est primordiale car non seulement elle montre l’importance des accroches courtes et percutantes, mais redéfinit également la façon qu’ont les digital natives de consommer leur relation aux autres: moins de rapports directs ou alors très rapides.

CONCLUSION : les messages doivent être ultra simplifiés. Dépasser les mots pour se faire plus sensoriels. Anticiper les sensations qu’elles soient olfactives, tactiles, auditives ou gustatives permet la projection créant un désir d’achat.

EMPREINTE 7 : Du gratuit, du gratuit

Le digital, c’est l’avènement du gratuit. Tout est à porté de main gratuitement que ça soit légalement ou illègalement. C’est magique et c’est devenu une mode. Pour créer des formules marketing à succès plusieurs possibilités:

- L’expérience sans engagement, la possibilité de sortir d’un contrat à tout moment, le satisfait ou remboursé…

- La récompense immédiate pour une attention prêtée, la fidélité…

- L’impossible devenu réalité. Comme la marque H&M rendant accessible financièrement des grands couturiers…

EMPREINTE 8 : Le consopouvoir

Le consommateur a pouvoir de vie ou de mort sur un produit, car il a non seulement la possibilité de se renseigner via les réseaux sociaux et internet, mais également de dénoncer un produit mal conçu, ou un service inadapté ou non performant. Si les consommateurs ont ce pouvoir, il sont aussi le pouvoir inverse, celui de promouvoir un produit! Etre infaillible, sûr de son produit et s’appuyer sur un réseau, qui va promouvoir notre produit. Le consommateur fait plus confiance à ses amis qu’à une publicité vue sur le net.

Voilà pour l’étude sur les digital natives. Elle a sûrement une durée dans le temps, car les choses évoluent très vite. Ceci dit, il s’agit d’une bonne base marketing qui peut être appliquée à la musique, pour le rapport artiste/public, car n’oublions pas que les consommateurs de demain sont les digital natives d’aujourd’hui…

Nous vous recommandons de regarder “Google D.C. Talks: Born Digital

Article initialement publié sur: Hors-Sillon

Crédits photos CC flickr : pichenettes, Gidon Burton, verbeeldingskr8, sarahamina

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Mon stagiaire est un mutant, je l’ai trouvé sur Twitter http://owni.fr/2010/03/31/mon-stagiaire-est-un-mutant-je-lai-trouve-sur-twitter/ http://owni.fr/2010/03/31/mon-stagiaire-est-un-mutant-je-lai-trouve-sur-twitter/#comments Wed, 31 Mar 2010 17:27:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=11269 J’ai fait la connaissance de Christophe il y a quelques mois en m’abonnant à son compte Twitter : @FoireauxLiens. J’avais repéré ses tweets d’actu qui tombaient chaque jour avec la régularité maniaque d’un fil d’agence en faisant ma petite revue de presse matinale sur ce fameux site de micro-blogging où l’on poste des messages en 140 signes en y associant des liens internet.

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Twitter est devenu un outil de veille indispensable à mon métier de journaliste… voire une drogue dure, je vous en ai déjà parlé. Alerté à deux ou trois reprises sur des “hot news” techno (la sortie imminente du GooglePhone par exemple) grâce au fil de Christophe, je me suis dis ce gars-là est un crack, une vraie moissonneuse à liens intéressants, une agence de presse à lui tout seul ! Sûrement l’un de ces jeunes journalistes web aux dents longues qui sont en train de nous pousser, moi et mes copains quadras, vers le cimetière des éléphants de l’ère Gutenberg…

Je ne l’avais jamais rencontré “IRL” (In Real Life), juste quelques clins d’œil échangés sur Twitter. Et voilà qu’un beau jour je reçois un “DM”, un direct message de Christophe me demandant poliment si d’aventure il pourrait faire un stage dans mon service aux “Échos”.

Ah bon OK me dis-je, ce gars doit être étudiant en école de journalisme. Je lui demande son CV, références, stages déjà effectués blablabla… Un blanc au bout du fil… “Heu je suis en 3ème, mais je veux devenir journaliste…”, me répond-il. Christophe a 15 ans, il vit en banlieue parisienne. Je manque de tomber de ma chaise, me ressaisis et lui dis “OK coco tu as le job”… à savoir une semaine de stage conventionné. Certes, c’est la crise de la presse, on n’arrête pas le progrès, mais chez nous on ne fait pas encore dans le mineur de 15 ans menotté à son clavier pour pisser de la copie sur tous les supports… Mais bon, tant qu’à faire, puisque je l’ai sous la main cette semaine, autant l’exploiter un peu sur mon blog !

Christophe n’est-il pas l’un de ces jeunes mutants numériques qui n’ont plus assez d’yeux pour zapper sur la multitude d’écrans de notre merveilleuse société de consommation high-tech ? Intéressant sujet d’expérience : soumettons-le à la question pour savoir comment, lui et les djeun’s en général, consomment les médias.

L’exercice est très à la mode depuis que la banque Morgan Stanley a demandé l’été dernier au jeune Matthew, 15 ans, de se livrer à cet exercice pour tenter d’y voir plus clair sur la manière dont les vieux médias, totalement largué par la révolution Internet, peuvent survivre au Big Bang numérique… J’ai d’ailleurs piqué l’idée à ma consœur Marie-Catherine Beuth qui a déjà soumis son stagiaire au questionnaire de Morgan Stanley sur son blog Etreintes Digitales.

Mais assez bavardé, voilà donc l’Oracle de Christophe, 15 ans, “digital native” de son état :

Internet est le premier média… “Les jeunes de ma « génération », celle de 1992 -1994 , sont nés avec Internet. Mais nous n’utilisons pas tous Internet de la même manière. Pour moi qui suis passionné par l’informatique et le journalisme, Internet est le premier média. Pour d’autres, c’est la télévision. Ou encore les jeux vidéos. J’utilise beaucoup Twitter car je trouve que c’est un « outil » énormément utile. Et pour énormément de choses. Twitter m’a permis d’approcher l’actualité d’une manière inédite. De parler avec des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que moi. Bref, de faire des choses que je n’aurais pas pu faire facilement à mon âge… Comme s’improviser journaliste par exemple. Internet me permet, rapidement et gratuitement, d’accéder aux nouvelles, dans le monde entier. Si quelque chose m’intéresse particulièrement, je peux trouver toutes les infos sans aucun problème. Ce qui n’est pas possible sur les autres médias”.


90 % de mon temps sur Twitter : “Twitter m’a même permis de trouver un stage aux Échos. C’est bien utile. Pour partager, discuter, rencontrer. Ça reste mon premier outil sur Internet. J’y suis quasiment 90% de mon « temps Internet », voir plus. « Temps Internet » qui est de l’ordre de deux à trois heures par jour pour les jeunes en général… et jusqu’à cinq à six pour les plus connectés, comme moi par exemple.”


Facebook m’inquiète
“Facebook est beaucoup plus utilisé que Twitter par les jeunes. « T’as Facebook ? », un peu marre d’entendre ça. « T’as pas Facebook ? », ça aussi. Certains passent 80 % de leur temps Internet sur Facebook et pensent que je n’ai pas envie de partager mon profil avec eux. Mais en voyant moi ce qu’ils partagent sans se soucier une seconde de leur vie privée, je trouve cela vraiment inquiétant. Donc j’évite, et j’ai lâché cette connerie depuis quelques mois”.

MSN pour rester en contact
“En revanche je laisse ma messagerie MSN connectée en permanence pour rester en contact avec quelques amis s’ils ont besoin de me joindre. Quand aux mails, les jeunes ne s’en servent pas, ils préfèrent la messagerie instantanée ou les SMS. Moi je trouve cela bien utile quand même car je peux archiver ce que je reçois et m’en resservir”.

Je regarde peu la télévision…
“Franchement, la télé ça ne m’intéresse pas beaucoup. Je préfère aller sur Internet. Si j’ai envie de voir une vidéo, je vais sur YouTube. Si un sujet d’actualité m’intéresse, il y a bien plus de chose sur YouTube qu’à la télévision : des images venues du monde entier et aussi des images tournées par des gens ordinaires qui ne sont pas forcément des journalistes. Je ne m’intéresse presque pas aux films, je préfère les documentaires qui parlent de la vie réelle et savoir ce qui se passe dans le monde. Du coup, je n’utilise pas les sites pour télécharger des films ou des séries. Mais d’autres le font beaucoup, c’est bien connu. ;-)”


Les jeunes n’achètent pas de journaux :”Ici aux Échos, j’entends parler d’inquiétudes pour l’avenir des journaux papier avec Internet. Je n’étais pas vraiment au courant de tout cela. Mais c’est vrai les jeunes n’achètent pas de journaux car cela coûte cher et c’est moins pratique. Pour s’informer, ils vont sur Internet parce que c’est gratuit, facile, mais ils sont un peu agacés quand il y a trop de publicités comme par exemple sur 20minutes.fr. Moi j’achète de temps en temps des journaux comme Le Monde ou Le Figaro. Dans la presse papier, la qualité des articles est nettement meilleure que sur le web en général. Et il y a plus d’informations, d’analyses, de contexte. Beaucoup moins de copies de dépêches d’agences de presse. Le problème c’est que pour s’abonner, il faut passer par un adulte… C’est assez bloquant. Pour que les jeunes s’intéressent aux journaux, il ne faut pas forcément inventer des journaux interactifs sur Internet mais plutôt leur faire des offres spéciales ou leur faire découvrir la presse de l’intérieur. Ce qui serait sympa ça serait de voir un peu plus comment ça marche dans les rédactions, ce genres de trucs, mais malheureusement ce secteur-là est très fermé, surtout quand on habite en banlieue…”.

Décryptage :

OK Christophe n’est pas représentatif de jeunes de son âge. Bien qu’il s’en défende, c’est un vrai “geek” qui préfère son écran d’ordinateur à la télévision au point d’y passer plusieurs heures par jour quand d’autres vont taper dans le ballon.

C’est un sur-consommateur d’Internet, l’un des rares ados que l’on croise sur Twitter (un média essentiellement utilisé par les journalistes, les technophiles et les blogueurs, sinon on en parlerait moins). C’est aussi un accro à l’info, un passionné d’actualité comme j’en ai rarement vu à son âge. Un futur journaliste peut-être, je lui souhaite s’il en a toujours envie dans dix ans (à condition que la profession n’ait pas été robotisée d’ici là ;-).

Mais aussi un lecteur de demain, puisqu’il l’est déjà. C’est justement ce qui est intéressant quand on réfléchit à l’avenir des journaux papier et des médias en général. Ce jeune mutant numérique n’a pas compris de quoi je voulais parler quand j’ai tenté de lui expliquer qu’au début de ma carrière on copiais/collais nos papiers avec des ciseaux et de la colle. Il m’a demandé “est-ce qu’on est obligé d’imprimer à chaque fois les articles ? Ça fait gaspiller du papier”. Mais il m’a aussi avoué qu’il avait commencé à s’intéresser aux journaux papier, jusqu’à les acheter, via leur site Internet. Une exception ? Sûrement.

Mais vous savez ce qu’il m’a dit ? “Vous et moi on n’est pas de la même génération, mais on n’est pas si «éloignés » finalement. Chacun de son côté essaye d’y voir un peu de l’autre côté. Moi, je suis séduis par la presse papier, voir fasciné. Vous, vous êtes devenus très fan de Twitter et des blogs…”.

Sortir du conflit de génération stérile entre vieux et nouveaux médias, amener les jeunes à s’intéresser à la presse via Internet, et faire en sorte que la presse s’intéresse un peu plus aux jeunes et à leurs nouveaux modes de consommation multi-écrans…

Pour les journaux, c’est sûrement l’une des clés pour survivre au grand Big Bang numérique. Bien avant l’éternel débat sur comment faire payer mes contenus sur Internet. Il faut toujours parler avec les djeun’s…

> Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

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http://owni.fr/2010/03/31/mon-stagiaire-est-un-mutant-je-lai-trouve-sur-twitter/feed/ 10
Ikea tatoue la ville http://owni.fr/2010/03/23/ikea-tatoue-la-ville/ http://owni.fr/2010/03/23/ikea-tatoue-la-ville/#comments Tue, 23 Mar 2010 14:44:58 +0000 Damien Cahen (buzzg) http://owni.fr/?p=10686 L’Ikea de Berlin, ou la saturation de l’espace public

L’autre jour, je suis allé à Ikea pour meubler ma nouvelle chambre berlinoise. Rien de bien compliqué… le magasin est très accessible et tout nous y mène.

En sortant du ring (la ligne de train qui fait le tour de Berlin) à Südkreuz je n’avais pas d’autre choix que de constater l’évidence d’un Ikea à proximité…à 8 minutes plus précisement.

Des lettres jaunes se dessinent sur un fond bleu fièrement affichées sur un gigantesque panneau. Pas de doute, on entre sur le territoire d’Ikea. Lorsque je lève les yeux pour voir une gigantesque bâche suspendue au plafond, mon impression ne fait que se confirmer : elle affiche une lampe accompagnée d’un texte annonçant que dans 8 minutes je pourrai assouvir mes pulsions consommatrices grâce au chemin balisé qu’a tracé Ikea jusque l’entrée du temple. Au dessus des escaliers d’autres enseignes ont tenté de s’afficher mais elles sont perdues dans la masse et Ikea est trop présent pour leur laisser un quelconque espace.

Je sors donc de la gare en suivant les flèches Ikea. Dans l’environnement austère des alentours de la gare, il n’y a guère que ces panneaux qui redonnent un peu de couleurs au paysage. Il est temps que j’arrive enfin pour accéder a cet espace qui a l’air si accueillant ! Plus que 5 minutes, c’est un panneau publicitaire qui me le dit, plus que 5 minutes avant de pouvoir acheter cette magnifique lampe ou encore parfumer ma maison !

Ouf, je ne suis plus très loin. Ils sont vraiment sympas à Ikea, il m’indiquent un raccourci pour être le plus rapidement chez eux, un raccourci qui prend soin de ne pas passer devant d’autres magasin.

On est gentiment pris par la main dans une ruelle puis une autre et on apperçoit enfin Ikea.

Au loin, bien après le parking, le gigantesque panneau et des drapeaux Ikea, les autres magasins de la zone n’ont qu’a bien se tenir…c’est ici qu’a lieu le pèlerinage et pas ailleurs. On bourre le crane du consommateur pour qu’Ikea soit sa seule destination, pour qu’Ikea soit le lieu où il va passer sa journée. Le territoire est soigneusement marqué autour de l’antre dont la gigantesque porte tournante sert aussi de vitrine pour les produits.

Une fois à l’intérieur, je ne peux que constater qu’ici aussi, un parcours qui mène aux caisses est élaboré pour passer par tous les rayons. Sur ce point rien de nouveau sous le soleil.

De retour à la gare (elle aussi indiquée par Ikea), je ne vois que des sacs Ikea et j’hésite à y revenir immédiatement à la vue des baches géantes me suggérant de nouveaux achats.

Par une stratégie qui s’étend bien au-delà de l’espace du magasin, Ikea a su faire sien l’espace public et a imposé un passage obligé vers tout ses rayons. A Südkreuz, Ikea est la seule destination, on ne sait pas vraiment comment faire pour aller à Bauhaus par exemple, beaucoup moins cher mais invisible.

En revenant quelques jours à Paris, j’ai aussi constaté cette appropriation de l’espace public par Ikea…les stations St Lazare de la ligne 12 ou encore Concorde sont équipées en canapés Ikea (et mêmes en lampes !). L’enseigne n’a pas froid aux yeux, ses marketeurs osent et font du “service” rendu un possible lien de fidélité avec Ikea.

On ne peut qu’être reconnaissant à Ikea de nous montrer le chemin et de nous prendre par la main ou encore de nous asseoir sur des canapés au lieu des sièges durs du métro…cette stratégie peut s’avérer payante, mais peut aussi provoquer un sentiment d’exaspération vis-à-vis de l’enseigne…personnellement c’est un peu ce que j’ai ressenti quand je suis enfin sorti du magasin de Südkreuz.

Toujours est-il qu’on est ici face à un cas d’appropriation de l’espace public…au risque d’une saturation !

> Article initialement publié sur Gbuzzy

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La génération « post-micro » http://owni.fr/2010/02/21/la-generation-%c2%ab-post-micro-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/02/21/la-generation-%c2%ab-post-micro-%c2%bb/#comments Sun, 21 Feb 2010 17:08:51 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=8646 Cet article, publié il y a deux mois, est l’oeuvre de Jean-Noël Lafargue. Artiste, maître de conférences associé à l’Université Paris 8 et professeur à l’École Supérieure d’Arts du Havre, il revient sur les difficultés qu’éprouvent la “génération post-micro” à maîtriser l’outil informatique.

En 1996, j’ai été chargé de tenir la main des visiteurs de la biennale Artifices, à Saint-Denis. Il est souvent périlleux de se passer de médiation lors des expositions d’arts numériques, mais à l’époque, les interfaces les plus banales — celles de l’informatique bureautique — réclamaient autant d’assistance que des installations expérimentales reposant sur la présence de capteurs, par exemple.

Les cours de multimédia du département arts plastiques de l'Université Paris 8 en 2001.

Les cours de multimédia du département arts plastiques de l’Université Paris 8 en 2001. Les étudiants n’étaient pas encore nombreux à être équipés de matériel informatique chez eux.

Cette édition d’Artifices mettait d’ailleurs tout particulièrement l’accent sur les codes de la micro-informatique la plus « normale » : claviers, souris, écrans, les ordinateurs n’étaient pas cachés.

On y présentait notamment des cd-roms et des sites d’artistes, à une époque où pour la plupart des gens, Internet n’existait pas et où la plupart des gens n’étaient pas persuadés d’avoir besoin d’un ordinateur chez eux un jour. Le président Chirac ignorait encore ce qu’était une souris d’ordinateur et il était loin d’être seul dans son cas.

Je me souviens notamment d’un visiteur de l’exposition qui cherchait désespérément à obtenir quelque chose à l’écran en soulevant de la table la souris qu’il tenait dans la main. Par un retournement de situation assez savoureux, je note au passage que les idées bizarres des analphabètes de l’informatique de l’époque deviennent à présent assez sensées : aujourd’hui il existe des souris qui se soulèvent, ou des machines qui interprètent les gestes de leurs opérateurs sans avoir besoin de passer par l’intermédiaire de la souris et du clavier, dispositifs qui seront sans  doute bientôt considérés comme terriblement archaïque.

C’est à la même époque qu’on a commencé à me confier des charges de cours, dans une salle où quatre macintosh plutôt moins puissants que le moindre lecteur mp3 actuel se battaient en duel. Les étudiants étaient curieux, voire avides de manipuler les ordinateurs, mais ils n’avaient généralement aucune connaissance de l’outil informatique. Cet état d’ignorance les rendait paradoxalement téméraires et inventifs dans leurs propositions. Ils ne se demandaient pas quel outil il fallait employer, comment, ce qu’il y avait à apprendre et quel temps cela prendrait, car pour eux, à peu près tout relevait de la magie, alors pourquoi limiter son imagination ?

Il n’y avait pas de magie pour moi puisque j’appartenais à la catégorie qui avait vu naître la micro-informatique : je devais avoir dix ans lorsque j’ai touché un Apple II pour la première fois, douze ans lorsque j’ai eu mon Sinclair ZX81, et quinze ans lorsque j’ai eu un Atari 520ST. Ce que je découvrais en revanche, c’était l’idée qu’il pouvait exister une création artistique véritable sur support informatique (mais tout cela est une autre histoire).

Un cours de programmation en langage Basic dans un numéro du journal Science & Vie daté de 1983. Même pour jouer, il fallait programmer (ou du moins recopier des programmes trouvés dans des livres spécialisés ou des magazines). Le code reproduit ci-dessus, baptisé “feu d’artifices”, servait à afficher de jolies couleurs à des emplacements pseudo-aléatoires. Vingt-cinq ans plus tard je n’ai pas énormément progressé finalement, c’est exactement le genre de choses que je fais faire à mes étudiants.

Année après année, j’ai vu les choses changer du tout au tout. Alors que pas un étudiant n’était équipé d’un ordinateur à son domicile, il est devenu rarissime qu’un seul ne le soit plus et les salles de cours n’ont à présent presque plus besoin d’être équipées de matériel informatique tant il y a d’étudiants qui viennent en cours avec leurs propres ordinateurs portables.

En 1996, disposer d’une connexion à Internet chez soi était inimaginable pour la plupart (et une ruine financière pour ceux qui essuyaient les plâtres). Quatre ou cinq ans plus tard, c’était devenu un fait assez banal et à présent, il n’y a plus grand monde qui n’ait pas accès à Internet d’une manière ou d’une autre. La téléphonie mobile, toujours sur la même période, est passée de ses balbutiements à sa généralisation — enfin presque car à vrai dire, tant que ça ne sera pas légalement obligatoire d’être équipé d’un mobile, les opérateurs devront se passer de ma clientèle.

Extrait du journal Univers >Interactif / mai 1995. Les enfants nés il y a quinze ou vingt ans constituent-ils une génération plus “numérique” que leurs aînés ?

Au cours d’une discussion récente entre enseignants en arts concernés par les nouveaux médias, un constat inattendu s’est dégagé : il semble qu’une nouvelle vague d’étudiants arrive en écoles d’art, des étudiants « post-micro-informatique », relativement malhabiles face aux logiciels bureautiques ou de création, auxquels ils ont pourtant eu accès au collège. Cette observation récente et empirique semble confortée par les travaux de chercheurs de la Fondation Travail et Technologie de Namur, auteurs d’une étude (1)évoquée par une interview pour le journal Le Monde (2), étude qui tend à établir qu’une partie des adolescents et des jeunes adultes manquent d’aisance avec les outils informatiques dont ils disposent pourtant et dont ils sont quotidiennement consommateurs.

J’utilise le mot « consommateurs » car ce qui est nouveau, c’est qu’ils ont une approche passive ou en tout cas non-créative, l’ordinateur devient un instrument de pure récréation. Comme le raconte Gérard Valenduc, le chercheur interviewé : « chatter et mettre en page un document ne font pas appel aux même compétences, par exemple. Au cours de l’étude, des animateurs de maisons de l’emploi nous ont expliqué que certains jeunes prenaient peur face à un formulaire électronique d’inscription, alors qu’ils passent peut-être dix heures par jour sur le Web à écouter de la musique ou à discuter avec leurs amis ».

Le cliché qui veut que les jeunes d’aujourd’hui, qui sont effectivement nés avec l’ordinateur et nés avec Internet, soient des surdoués dans son utilisation est donc erroné : leur compétence est limitée à l’utilisation qu’ils ont de ces outils et à des ordres de priorité qui peuvent sembler déroutant : très habiles pour communiquer par SMS, ils ne sont pas nécessairement à l’aise pour envoyer un e-mail, pour comprendre la provenance ou la fiabilité des informations auxquelles ils accèdent et pour estimer la portée que peuvent avoir les informations qu’ils diffusent eux-mêmes.

Un cliché répandu prétend que les enfants sont et seront de plus en plus précocement doués pour manipuler l’outil informatique. Ici, le jeune John Connor pirate sans peine un distributeur bancaire à l’aide de son ordinateur Atari Portfolio dans Terminator 2 (1991)

Une telle évolution n’est sans doute pas inattendue et suit un scénario logique puisque pour l’industrie, il est vital de confisquer aux utilisateurs/clients les moyens de production (ou la simple compréhension du fonctionnement de ces moyens de production) qui lui permettraient de se passer d’elle. Le processus, poussé à bout, va parfois jusqu’à la mise en place de réglementations corporatistes qui interdisent à un simple particulier d’être autonome vis à vis d’une technologie.

En échange de toujours plus de services et de toujours plus de facilité dans l’usage de ces services, « l’utilisateur final » se transforme en client captif, dépendant et, au fond, handicapé — ce qui n’entre curieusement pas en contradiction avec la tendance actuelle qui consiste à forcer l’utilisateur à réaliser lui-même certaines tâches précédemment prises en charge par les organisateurs du service (3), bien au contraire : lorsque les utilisateurs de blogger ou autre plate-forme commerciale de publication confient leurs données, à des sociétés comme Google plutôt que d’employer des outils libres ou d’apprendre à créer leurs propres pages html, ils participent doublement à leur propre aliénation puisqu’ils perdent la capacité à se passer du service en question tout en lui laissent leurs données en otage.

La micro-informatique des origines forçait chaque utilisateur à être un peu programmeur. La grande époque du « PC assemblé » (le début des années 1990 ?) forçait ces mêmes utilisateurs à être un peu informaticiens, à savoir changer un disque dur, etc. Les débuts de l’Internet grand public imposaient de la même manière l’acquisition de certaines compétences. Il est dans l’ordre des choses que ce ne soit plus le cas, mais cette modification du rapport à l’ordinateur n’en est pas moins préoccupante à une heure où les systèmes informatiques sont plus présents que jamais, sous des formes extrêmement diverses, et où il devient difficile ou illusoire de s’imaginer vivre en évitant leur contact.

Je me rappelle pour ma part de la fameuse réflexion de Marshall McLuhan : « nous forgeons les outils, puis ce sont nos outils qui nous forgent » (4), réflexion que j’entends aussi comme un avertissement : « si tu ne te soucies pas de tes outils, ce sont eux qui se soucieront de toi ». Les outils cessent d’être des vecteurs d’émancipation lorsqu’on n’en a aucune maîtrise.

La mode du “do-it-yourself” : créer soi-même une antenne pour la télévision numérique (gauche) ou un climatiseur (droite). Photos issues de Gizmodo most popular DIY projects for 2009. Ce qui motive cette mode du “making”, ce ne sont pas tant les économies financières réalisées que le plaisir de conserver une prise sur les technologies qui nous entourent.

Le remède semble tout trouvé : les pratiques amateur du hacking (détournement) et du do-it-yourself (faites-le vous-même) ont un véritable succès et sont alimentées par l’activisme des passionnés qui inondent le réseau d’outils de création libres, de tutoriels et de sources d’information diverses et variées. Mais est-ce que le rapport entre utilisateurs-créateurs et utilisateurs purement consommateurs voit le premier groupe croître plus rapidement que le second ? Rien n’est moins sûr.


  1. Les jeunes off-line et la fracture numérique, septembre 2009, par Périne Brotcorne, Luc Mertens et Gérard Valenduc. Comme son nom l’indique, l’étude était au départ destinée à traiter des jeunes qui n’ont jamais eu d’ordinateur ou de connexion à Internet mais une telle jeunesse n’existe que dans des proportions infinitésimales et le sujet se décale rapidement vers les jeunes mal armés pour utiliser l’outil informatique.
  2. L’autre fracture numérique, celle des 16-25 ans, Damien Leloup, Le Monde, 18 décembre 2009.
  3. exemple, les guichets dits « automatisés » — où le guichetier est remplacé par l’utilisateur. Li re à ce sujet Le travail du consommateur : De McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons par Marie-Anne Dujarier
  4. « We shape our tools and thereafter our tools shape us », Marshall McLuhan,Understanding media, 1964

» Article initialement publié sur le dernier des blogs

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Critique des mass médias par Peter Watkins http://owni.fr/2009/06/08/critique-des-mass-medias-par-peter-watkins/ http://owni.fr/2009/06/08/critique-des-mass-medias-par-peter-watkins/#comments Mon, 08 Jun 2009 14:20:44 +0000 Aurélien Fache http://owni.fr/?p=1319 Cliquer ici pour voir la vidéo.

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