OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Wikileaks: 6 contre-vérités diffusées par les médias http://owni.fr/2011/01/12/wikileaks-6-contre-verites-diffusees-par-les-medias/ http://owni.fr/2011/01/12/wikileaks-6-contre-verites-diffusees-par-les-medias/#comments Wed, 12 Jan 2011 12:41:01 +0000 Julianne Escobedo http://owni.fr/?p=41655 La tendance des médias mainstream à diffuser de fausses informations, ou tout au moins des versions altérées de la vérité à plus que jamais été flagrante lors de la couverture de l’affaire WikiLeaks ces dernières semaines. Comme le pointait le juriste et blogueur Glenn Greenwald, les médias contribuent ainsi à ce que certaines idées reçues à propos de Julian Assange et de WikiLeaks persistent à exister en dépit de leur déconnexion totale avec la réalité des faits, le bon sens, et les analyses de ceux qui font du vrai journalisme.

Voici les principales informations bidons qui circulent actuellement dans les journaux et sur les ondes.

Les révélations de WikiLeaks sont meurtrières

Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe aucune preuve, ni même aucune information qui laisserait croire que les fuites auraient couté des vies. Même les responsables du Pentagone ont admis, avant la publication des câbles, qu’aucune victime n’était à déplorer suite aux fuites sur les logs afghans (dans lesquels WikiLeaks n’avait pas supprimé les noms des personnes impliquées).

Ce qui ne veut pas dire que les révélations du site ne soient pas susceptibles, un jour, quelque part, de provoquer des blessés, voire des morts. Mais comment s’en plaindre lorsque l’on est à la tête d’un pays engagé dans plusieurs conflits armés – dont certains secrets – qui provoquent chaque jour des victimes parmi les populations civiles sans que l’on en fasse tous les jours la une ?

WikiLeaks a publié 250.000 télégrammes

Pour l’heure, WikiLeaks a divulgué moins de 2 000 télégrammes diplomatique parmi le total des 251.287 documents en sa possession. Ces documents ont été publiés en partenariat avec plusieurs médias de renom tels que The Guardian, El Pais, et Le Monde , lesquels ont largement contribué à supprimer des documents les noms des personnes qui pourraient être menacées par leur publication. Bien que ce processus ait été assez souvent expliqué et détaillé par les médias sérieux, cela n’empêche toujours pas certains commentateurs et gouvernants de dénoncer la manière dont Wikileaks « balance sans discernement des centaines de milliers de documents sur internet ».

Julian Assange est un criminel

Bien que le département d’état américain travaille activement à l’établissement de chefs d’accusation à l’encontre de Julian Assange, il semble bien que pour le moment il n’ait enfreint aucune loi. En effet, Julian Assange n’est pas un citoyen américain. A ce titre, il ne travaille pas pour le gouvernement américain, et les documents fuités n’ont pas été obtenus par ses soins, ils ont probablement été récupérés par quelqu’un d’autre. Par ailleurs il n’est pas illégal de diffuser des informations classifiées par le gouvernement américain. Car si tel était le cas, des centaines de journalistes seraient en prison aujourd’hui.

Les médias sont utiles à l’État américain dans sa tentative de trouver des bases juridiques à la poursuite de Julian Assange, en cela qu’ils participent à la construction de l’opinion selon laquelle le porte-parole de WikiLeaks serait un criminel de génie. De nombreux médias américains continuent de présenter Assange comme coupable de comportements criminels sans même spécifier de quels crimes il s’agirait.

Les efforts conjoints du gouvernement américain et des médias pour couvrir Assange de goudron et de plumes ne sont pas sans conséquences : cela pourrait dissuader de prochains lanceurs d’alertes d’agir.

Wikileaks n’est pas une entreprise de journalisme

Malgré le fait que WikiLeaks ait mis en lumière le scoop de la décennie, les responsables politiques continuent à nier l’activité journalistique de WikiLeaks. Pourtant, la plupart des activités de WikiLeaks sont identiques à celles d’autres  médias. Fondamentalement, WikiLeaks récolte des informations de sources anonymes et les publie. Le journalisme n’est rien sinon un système de vérification et de contre-pouvoir aux gouvernements, et un droit fondamental de la presse libre. De plus, WikiLeaks sélectionne, édite et vérifie les secrets dont il dispose avant de les publier tel un journaliste qui sélectionne les ressources dont il dispose pour écrire ses articles.

Parce que le travail de WikiLeaks tombe sous le premier amendement de la constitution américaine, tous les journalistes devraient être outrés que le gouvernement tente de poursuivre Julian Assange. Car si Wikileaks est condamné pour mener une activité journalistique, quel serait alors l’avenir de la liberté de la presse ? L’une des institutions les plus respectées du journalisme dans le monde, la Columbia University Graduate School of Journalism, est très explicite à ce sujet.

En Décembre dernier vingt membres du corps professoral ont rédigé et signé une lettre au président Obama et au procureur général Eric Holder pour signaler que les poursuites contre WikiLeaks créeraient un

dangereux précédent pour les journalistes, quelle qu’en soit la forme, ce qui pourrait jeter un froid sur le journalisme d’investigation et autres activités potentiellement protégées par le premier amendement.

La fondation Walkley, une institution de journalisme australienne l’exprime d’une manière plus directe encore : «

Intervenir agressivement pour faire taire Wikileaks, menacer ceux qui publient les fuites, ou encore émettre des pressions sur ceux qui traitent avec Assange, constituent une menace grave pour la démocratie car celle-ci repose sur une presse libre et sans craintes.

Julian Assange fait de l’argent avec WikiLeaks

Les journaux ont beaucoup parlé du fait que Assange a signé un contrat d’édition pour vendre ses mémoires. Pour certains médias, son but serait de gagner de l’argent sur le dos de WikiLeaks. Mais la vérité est plutôt que WikiLeaks est une aventure très coûteuse (sans parler des frais de défense) et que la vente du livre autobiographique serait davantage le moyen de combler les pertes accumulées au fil des semaines.

Les télégrammes diplomatiques ne sont pas de l’information

Bien que seule une infime partie des télégrammes ait été publié pour le moment, de nombreux observateurs argumentent qu’ils « ne révèlent rien de nouveau au monde » et n’ont donc pas grande valeur. Pourtant il y a bien des exemples de révélations importantes [liste en cours d'édition, n'hésitez pas à nous fournir des liens en commentaires]:

La promesse que la prochaine version ciblera une banque américaine (probablement la Bank of America), et que cela aura un effet similaire au scandale d’Enron (selon Assange) présage certainement que cette mine d’informations pourrait bien être explosive.

Ce qui est extrêmement précieux pour nos démocraties.

– — –

Adaptation d’un article de Julianne Escobedo Shepherd et Tana Ganeva paru sur AlterNet.org

>> photos flickr CC takver ; slayer925 ; alxcovic

Retrouvez l’ensemble de notre travail éditorial et technologique sur WikiLeaks à cette adresse: http://wikileaks.owni.fr

Traduction et adaptation : Stanislas Jourdan

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Non, elles n’ont pas rencontré leurs agresseurs sexuels sur Internet http://owni.fr/2010/03/29/non-elles-n%e2%80%99ont-pas-rencontre-leurs-agresseurs-sexuels-sur-internet/ http://owni.fr/2010/03/29/non-elles-n%e2%80%99ont-pas-rencontre-leurs-agresseurs-sexuels-sur-internet/#comments Mon, 29 Mar 2010 06:45:39 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=10961

En tant que pédagogue œuvrant pour l’éducation aux médias, je ne peux que me réjouir du fait que l’Ontario ait décidé d’inclure à son cursus scolaire des leçons sur la sécurité sur Internet.

Le court article du Globe and Mail rapportant ce changement m’a cependant laissée confuse ; en effet, l’article ajoutait « Ce changement est annoncé le jour même où la police de l’Ontario vient d’interpeller trente-cinq personnes pour possession de pornographie infantile » (c’est moi qui traduit).
Ah ? Le message subliminal de l’article est en substance : ceci (danger de pédopornographie) explique cela (leçons de sécurité sur Internet). Le coup de filet de l’Ontario aurait-il donc montré que les jeunes victimes ont rencontré leurs bourreaux en ligne ? me dis-je in petto…

Pour en avoir le cœur net, je remonte jusqu’au communiqué de presse diffusé par les services de police. Là, plutôt qu’une réponse directe à ma question, j’y trouve la citation suivante de l’inspecteur Scott Naylor, chef de la Section de l’exploitation sexuelle des enfants de la Police provinciale de l’Ontario : « Les parents et les tuteurs doivent s’informer eux-mêmes sur la technologie que leurs enfants utilisent afin de les protéger comme il convient. Malheureusement, la plupart des parents et des tuteurs sont loin de comprendre la technologie du Web aussi bien que leurs enfants. »
Si suite à l’arrestation de prédateurs sexuels, l’inspecteur Scott Naylor prend la peine d’exhorter les parents à « protéger les enfants en ligne », cela semble indiquer que les jeunes victimes ont bien été trouvées sur Internet.

Ce qui me gêne, cependant, c’est que ma conclusion n’est qu’une inférence. Afin d’aller au fond des choses, je décide d’appeler le sergent Pierre Chamberland, Coordonnateur des relations avec les médias, dont les coordonnées se trouvent sur le communiqué de presse.

Moi : « Pouvez-vous me dire si les victimes dont vous parlez avaient rencontré leurs agresseurs sur Internet ? »

Lui : « Non, elles n’ont pas rencontré leurs agresseurs sur Internet. »

Moi : « Mais alors, pourquoi la citation de l’inspecteur Scott met-elle l’emphase sur la sécurité des enfants en ligne ? »

Lui : « Parce que c’est souvent en ligne que les victimes d’abus sexuels rencontrent leurs prédateurs. »

Heu… non. Les recherches sur le sujet montrent de façon consistante que les prédateurs sexuels prennent généralement leurs victimes dans leur cercle familial ou relationnel. C’est à l’évidence bien plus simple pour eux.

Une grande partie du discours sécuritaire sur Internet est de la désinformation

Dans son rapport Techno-Panic & 21st Century Education: Make Sure Internet Safety Messaging Does Not Undermine Education for the Future, Nancy Willard, du Center for Safe and Responsible Internet Use, note qu’une grande partie du discours sécuritaire sur Internet est de la désinformation : on y présente le Web comme un lieu où les jeunes sont à haut risque de prédation sexuelle, alors que la recherche et les statistiques d’arrestations témoignent du contraire. Au Canada, les statistiques combinées de 2006 et 2007 révèlent que le nombre d’individus déclarés coupables de leurre d’enfants sur Internet s’est élevé à… 89, et ce sur tout le territoire canadien. Voilà qui met certainement en perspective la panique morale à propos du Web comme premier pourvoyeur de prédation sexuelle.

Mais alors pourquoi forces de l’ordre et les journalistes dans la foulée continuent-ils à entretenir l’idée qu’Internet est un haut lieu de prédation sexuelle ?

Pour les journalistes, tout du moins, il semble qu’il y ait souvent confusion entre le Net comme lieu de diffusion de pédo-pornographie et lieu de prédation sexuelle. Voyez par exemple l’article du Devoir Cyberpédophilie – Les plus jeunes sont les plus maltraités . L’article traite de la diffusion de pédo-pornographie sur la Toile, mais l’image et le sous-titre qui accompagnent l’article (« Le Canada reste un des refuges préférés des prédateurs de la Toile ») créent la confusion en illustrant le thème de la prédation sur Internet.

Quant à la vision erronée du web comme lieu de prédation, chez les forces de l’ordre, Nancy Willard l’explique ainsi : « D’une certaine façon, ceci est compréhensible. Chercher à appréhender ce problème complexe rappelle la parabole des sages aveugles essayant de décrire un éléphant. La police, malheureusement, a la responsabilité de se tenir au niveau de « l’arrière-train ». Il n’est donc pas surprenant que leur perception de l’éléphant ait été influencée par les excréments qu’ils voient régulièrement. Cependant, l’analyse même de leurs propres données montre qu’ils ne décrivent pas correctement l’excrément.»

Les prédateurs en ligne mentent rarement sur leur âge

Voyons donc ce que disent les données, afin de « décrire correctement l’excrément », pour reprendre Willard.
Dans les cas débouchant sur des poursuites, les individus accusés de leurre d’enfants sur Internet étaient le plus souvent des hommes de 18 à 34 ans. Les données montrent également que les prédateurs sexuels mentent rarement sur leur âge ou leurs motifs, lorsqu’ils prennent contact avec un jeune en ligne. Leur tactique n’est pas la tromperie mais la séduction : ils manifestent beaucoup d’attention, d’affection et de gentillesse envers les jeunes, les amenant à croire qu’ils sont réellement amoureux. La plupart des jeunes qui acceptent alors une rencontre en personne le font en sachant qu’ils vont s’engager dans une relation sexuelle – relation sexuelle qui sera d’ailleurs répétée dans 73% des cas. Très peu de cas (5%) sont de nature violente, selon le Crimes Against Children Research Center.

Or ce portrait est très éloigné du portrait typique du « cyber-prédateur », tel que les parents se le représentent au vu de ce que disséminent la police et les journalistes dans leur foulée ; lorsque, durant mes présentations, je pose la question « Quel est à votre avis le profil d’un prédateur sexuel sur Internet ? », je n’ai jamais encore obtenu d’autre réponse qu’une description en règle du « pervers pépère » tel que Gotlib le croquait dans les années 80. Comment pourrait-il en être autrement lorsque les gouvernements mêmes propagent cette image erronée : voyez par exemple cette campagne (dite) d’intérêt public diffusée dans de nombreux pays (le « pervers pépère » apparaît à la toute fin).

La représentation inexacte des « cyber-prédateurs » n’est pas anodine : elle débouche hélas sur une réponse éducative inadaptée. Finkelhor insiste sur le fait que pour outiller les jeunes contre les prédateurs en ligne, il ne s’agit pas de les inciter à se méfier de tout le monde sur le Net, mais bien plutôt à débusquer ceux qui jouent sur la « naïveté émotionnelle » des adolescents pour les entraîner dans une relation prétendument « amoureuse ». De fait, la recherche montre que les jeunes les plus à risque sont ceux qui ont des problèmes émotionnels tels que de mauvaises relations avec leurs parents, ou des difficultés à trouver ou accepter leur identité sexuelle.

Dresser un portrait erroné des « prédateurs en ligne » n’est vraiment pas un cadeau que l’on fait à nos jeunes ; il leur fait courir un risque réel, celui de ne pas repérer le danger lorsque (et si) il se présente –et même de se méprendre sur le danger lui-même : mettre en garde nos enfants contre des quinquagénaires obsédés cachant leurs intentions et leur âge pour mieux violenter leurs victimes récalcitrantes, laissera la part belle aux prédateurs réels : ceux qui parlent ouvertement de sexualité à des adolescents en train de découvrir la leur ; des individus qui suscitent et cultivent les sentiments de leurs victimes ; des hommes jeunes qui n’auront en rien, de par les standards médiatiques, la gueule de l’emploi.

Pour de plus amples informations sur le sujet, je vous invite à consulter la section Risques et préjudices sexuels de notre site Web Averti.

Billet initialement publié sur le site  du Réseau Education-Médias sous le titre “La gueule de l’emploi : Internet, risques sexuels et représentation médiatique”

Photo CC Flickr sankax

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Le mythe de la désinformation sur internet http://owni.fr/2009/10/27/le-mythe-de-la-desinformation-sur-internet/ http://owni.fr/2009/10/27/le-mythe-de-la-desinformation-sur-internet/#comments Tue, 27 Oct 2009 17:01:17 +0000 Stanislas Jourdan http://owni.fr/?p=4966 L’un des paradigmes de l’internet, c’est l’égalité entre les internautes. Sur internet, tout le monde peut s’exprimer publiquement sans aucunes barrières si ce n’est celle de disposer d’une connexion à internet. De nombreux services gratuits favorisent d’ailleurs cela, et notamment les blogs (et cela devient de plus en plus facile avec des outils comme posterous ou Tumblr). En un mot, internet favorise la liberté d’expression.

CC Dreamsjung

CC Dreamsjung

Cette idée, plutôt positive au départ, fait pourtant peur à de nombreuses personnes. En effet, si l’on donne la parole à tout le monde (et donc n’importe qui), n’y a-t-il pas des dérives possibles? C’est en tout cas le discours d’un certains nombres de détracteurs (et bien souvent non-usagers) du net, Séguéla, Finkielkraut, Olivennes en tête, qui pensent qu’ internet est le paradis de la désinformation et de la diffamation. (bouh!)

Sans aller aussi loin, un ami m’a récemment fait part de ses réflexions sur le sujet :

(…) je pense qu’internet présente aussi des dangers, celui d’une part de pouvoir dire tout et n’importe quoi sans presque craindre de sanction, d’accusation de diffamation surtout si on fait ça anonymement, et d’autre part, tu parles parfois de “blogueurs influents”, et de là vient aussi un danger: Peut être qu’au fur et à mesure, internet va se structurer et des leaders d’opinion, comme en politique, vont émerger, peut être sans toujours dire la vérité! Internet pour moi présente surtout un danger contre la liberté: Le fait qu’une vidéo puisse être vue par des millions de personnes en moins de 24h est très dangereux: Une minorité de blogueurs peuvent détruire quelqu’un juste parce que ce dernier n’a pas les mêmes idées qu’eux.

Je suis persuadé que ces inquiétudes sont infondées, et je vais essayer de vous montrer pourquoi.

Prenons l’exemple d’un blogueur qui écrit un pamphlet infondé contre un homme politique connu. Que se passera-t-il?

Ecrire, c’est bien, être lu, c’est mieux …

Tout d’abord, si le blog est récent ou peu connu, il y a de fortes chances pour qu’il sera totalement ignoré et/ou que le billet ait très peu d’impact. En effet, tout blogueur ne naît pas “influent”! Et j’irai même plus loin : la plupart des blogs n’appartiennent même pas à la blogosphère ! En effet, un blog en fait réellement partie à partir du moment où ce blog est lu, commenté, repris par d’autres etc. Si ce n’est pas le cas, la tentative d’intox ne sera ni plus ni moins qu’un coup d’épée dans l’eau.

L’influence du blogueur : une question de confiance

Devenir “influent” est un (long) processus qui exige :

  • d’écrire des billets intéressants, de bonne qualité rédactionnelle, et bien sourcés.
  • d’être présent sur les réseaux sociaux : twitter, friendfeed ou autres, et y faire preuve de crédibilité.
  • de faire une veille informationnelle intense (pour trouver les bons liens notamment)
  • du temps et de la patience

Tout ce processus permet petit à petit de gagner la confiance des internautes, confiance qui est non seulement très longue à acquérir, mais peut aussi être perdue très rapidement ! A ce titre, même un blogueur connu n’a pas du tout intérêt à mentir à ses lecteurs, car il mettrait sa crédibilité en péril (et perdrait donc son audience).

Au passage, on remarque également que cette perte de confiance peut également affecter ceux qui relaient ces fausses informations via les réseaux sociaux !

L’importance du statut, y compris sur internet

De plus, il faut aussi que le blogueur ait une certaine crédibilité vis à vis du sujet dont il parle : une compétence particulière, des expériences, un statut. Ainsi, le fait d’écrire sous un pseudonyme peut éveiller la méfiance des lecteurs.

Je ne dis pas que le statut de la personne fait tout, mais si le blog est peu connu, cela joue énormément. D’ailleurs, savez-vous que la page “about” d’un blog (en général là où le blogueur se présente) est en général l’une des pages les plus visitée d’un blog ?

Les blogueurs hors d’atteinte de la loi ?

Là encore, une idée trop souvent admise par beaucoup de gens, à tort bien évidemment. La diffamation, comme dans la presse ou n’importe quel autre média est réprimée pénalement. D’ailleurs, le blogueur risque bien plus qu’un journaliste (par exemple) puisque le blogueur est personnellement responsable du contenu du blog, tandis que le journaliste (sauf indépendant) agit dans le cadre de son activité professionnelle (donc responsabilité du journal).

Il y a d’ailleurs déjà eu des exemples de blogueurs inculpés en justice, y compris sous anonymat (et parfois même absurdes) ! En fait, le concept même d’anonymat est à relativiser : il n’y a pas d’anonymat absolu sur internet !

Bon ok, mais admettons quand même qu’une intox se répande ?

De l’importance des commentaires…

Si l’on trouve des incohérences, un simple commentaire permettra de démentir l’information, et (encore une fois), c’est toute la crédibilité du blog qui s’en trouvera affectée. D’ailleurs, plus le blog est visité, plus il y a de chances qu’un lecteur avisé signale l’entourloupe… Et de fait la bombe se désamorce d’elle-même :) …

Et si les commentaires sont censurés, c’est encore pire car cette pratique sera très probablement dénoncée sur d’autres blogs ou les réseaux sociaux comme par exemple ici :

martinon-censure

La désinformation sur internet est donc un faux problème. Le débat est ailleurs.

Lecteur et information : un nouveau rapport

Je crois qu’il faut donc voir le problème d’une manière différente : après des décennies de médias de masses, de messe du JT, bref d’information à avaler telle quelle (sous prétexte de neutralité des médias), le processus et les acteurs générant de l’information ne sont plus du tout les mêmesce qui nécessite de fait que nous nous y adaptions.

Il revient désormais à chacun de prendre ses distances avec ce qu’il lit : l’article est-il sourcé ? Que disent les commentaires ? Qui en est l’auteur ? Autant de questions que nous devons nous poser à chaque fois que nous nous informons.

La bonne nouvelle c’est qu’internet est formidable pour cela : l’abondance d’informations permet de vérifier rapidement l’existence des prétendues sources, ou encore de les croiser avec d’autres.

De plus, je suis persuadé que ce processus est très vertueux pour chacun dans le sens où cela fait davantage appel à notre capacité d’analyse, de recul, et à nos connaissances précédemment acquises. En somme, internet nous amène à devenir acteurs dans ce nouvel écosystème de l’information…

Conclusion

Internet nous amène donc non seulement à repenser la manière dont nous nous informons (comme je l’avais déjà expliqué dans mes premiers billets), mais surtout à repenser notre manière d’appréhender cette information.

Globalement, le système s’autorégule et n’a pas besoin d’intervention externe pour limiter les dérives. Et même s’il y en a (et il y en aura encore), je préfère me réjouir des incroyables avancées que les médias sociaux permettent, et de leurs effets positifs, notamment pour la démocratie :).

Je crois qu’il faut également garder à l’esprit que tout cela reste très nouveau et qu’un temps d’adaptation/apprentissage est donc nécessaire.

Et c’est un véritable défi pour notre société. Êtes vous prêts à le relever ?

Article initialement publié sur Tête de Quenelle !

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A lire ailleurs :

Internet et la fin des intellectuels en perruque – [Enikao]

La transparence est la nouvelle objectivité – Transnets

“Le net est la plus grande saloperie qu’aient jamais inventée les hommes” – BugBrother

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http://owni.fr/2009/10/27/le-mythe-de-la-desinformation-sur-internet/feed/ 3
Qui a gagné la bataille Hadopi ? http://owni.fr/2009/10/27/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi/ http://owni.fr/2009/10/27/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi/#comments Tue, 27 Oct 2009 11:41:02 +0000 La Quadrature du Net http://owni.fr/?p=4955 Le 22 octobre 2009, Nicolas Sarkozy jubilait dans un communiqué de presse : « Le Président de la République se réjouit de la prochaine entrée en vigueur de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet [dite Hadopi 2], après la décision du Conseil Constitutionnel qui en valide le contenu. »1. Alors que quatre mois et demi plus tôt, des couronnes mortuaires célébraient en liesse la mort de la loi Hadopi2, la première mouture de la loi étant jugée anticonstitutionnelle. Comment deux opinions qui se sont affrontées durant près de deux ans peuvent-elle de concert clamer victoire ? Laquelle de ces parties peut de bon droit exulter ? Au final, qui a gagné la bataille Hadopi ? Au moment où est publié un livre retraçant cette bataille3, nous nous proposons de répondre à cette ultime question.

Une victoire législative pour Sarkozy

Pour déterminer le vainqueur de la bataille Hadopi, il convient en premier lieu de bien préciser en quoi a consisté cette bataille. Et tout d’abord, que signifie ce nom « Hadopi » ? Loin d’être le théâtre des opérations où l’affrontement s’est déroulé – Hadopi n’est ni Waterloo, ni Austerlitz4 – cet acronyme désigne avant tout la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Une autorité administrative mise en place par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Une loi elle-même communément appelée « Hadopi ». Censurée une première fois par le Conseil constitutionnel, le gouvernement a proposé dans la foulé un nouveau texte, rapidement surnommé « Hadopi 2 ». Le terme « Hadopi » désigne ainsi le corpus législatif promis par le président Sarkozy le soir de son élection à ses amis des industries du divertissement, présents lors du fameux dîner au Fouquet’s.

Couronnées pendant des décennies de succès économiques, les industries du divertissement connaissent effectivement depuis une dizaine d’années une crise telle que leur survie est remise en cause. L’unique responsable de ce constat serait, selon ces industries, l’accroissement exponentiel du partage d’œuvres sans autorisation sur Internet. Si l’on ne vend plus de disques ou de films, c’est la faute au « piratage » ! Et l’ennemi est désigné : le « pirate ». Parvenu au pouvoir, le président Sarkozy promet aussitôt une loi pour éradiquer cet ennemi afin que puissent à nouveau fleurir les profits de ses amis des industries du divertissement.

L’élaboration de la loi ne fut cependant pas sans encombre. Les lois Hadopi reposent en effet sur le rapport rédigé par une mission ad hoc chargée de légitimer les mesures législatives qui allaient être prises : la mission Olivennes, du nom de son président, Denis Olivennes, alors patron d’un des principaux revendeur de produits de divertissement, fut mise en place dès la fin des vacances estivales, le 5 septembre 2007, et son rapport rendu le 23 novembre 2007. Mais alors que l’adoption de la loi était prévue avant l’été, le projet de loi n’est présenté en Conseil des ministres que le 18 juin 2008. Et si son adoption au Sénat se déroule sans encombre – en deux petites séances seulement, les 29 et 30 octobre 2008 – il faut attendre le 11 mars 2009 pour que le projet de loi soit examiné par les députés, le travail parlementaire étant fortement ralenti en raison de l’inflation législative. Les débats houleux en hémicycle, durant lesquels de courageux députés de tous bords martèlent les arguments juridiques et techniques5 qui finissent par laisser la ministre Albanel et le rapporteur Riester à court de toute réponse, ne s’achèvent que le 2 avril 2009.

Premier véritable camouflet, le 9 avril 2009, les députés de la majorité rechignant à venir voter un texte litigieux, le texte issu de la Commission mixte paritaire – CMP, chargée d’harmoniser les divergences entre les votes du Sénat et de l’Assemblée nationale – est rejeté à la surprise générale. Une disposition de la Constitution est alors dépêchée à la rescousse pour que le texte soit représenté au plus tôt aux députés6, sommés cette fois-ci d’avaliser la loi sans l’amender. Ce qui fut finalement fait le 12 mai 2009. Et le texte définitif fut adopté dans la foulée par le Sénat le 13 mai 2009.

Mais la promulgation de la loi Hadopi devait encore attendre. En effet, le texte est soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, qui, le 10 juin 2009, censure tout pouvoir de sanction à Hadopi. En moins de quinze jour, un nouveau projet de loi Hadopi 2, confiant les sanctions à l’autorité judiciaire – réduite à sa plus simple expression, nous y reviendrons –, fut donc élaboré en hâte et présenté en Conseil des ministres le 24 juin 2009 par des ministres nommés la veille. Après une adoption rapide au Sénat durant la seule séance du 9 juillet 2009, le texte est envoyé à l’Assemblée en vue d’une adoption avant la trêve parlementaire. Toutefois, craignant de ne pas bénéficier de majorité à la veille des vacances estivales, le gouvernement renvoie le vote final sur la loi Hadopi 2 au 22 septembre 2009.

Cette fois-ci le Conseil constitutionnel a validé la quasi totalité du texte. Les lois Hadopi peuvent enfin être promulguées. En cela, Nicolas Sarkozy peut en effet s’estimer vainqueur. Il a obtenu – dans la douleur et aux forceps – ce qu’il voulait : une loi réprimant le partage d’œuvres sur Internet !

Une défaite juridique pour la riposte graduée

Mais la bataille sur le plan législatif n’est pas le cœur du sujet. L’arsenal législatif n’est qu’une arme privilégiée par le pouvoir exécutif, en tant qu’initiateur des projets de loi. Certes, une loi existe. Encore faut-il que ses dispositions permettent d’atteindre l’objectif auquel la loi était censée répondre. En l’occurrence : les lois Hadopi permettent-elles d’éradiquer – ou tout au moins, endiguer – les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet ? Et les industries du divertissement gagneront-elles un centime de plus avec l’application de ces lois ?

Sans revenir sur les nombreuses raisons de l’inefficacité technique chronique des lois Hadopi7, force est de constater que la détection d’échange d’œuvres sans autorisation sur Internet – une détection automatique que la loi Hadopi a confié à diverses sociétés de perception de droit (SACEM, SACD, etc) et aux organismes de défense professionnelle – est d’ores et déjà jugée obsolète, les moyens d’y échapper étant d’ores et déjà de notoriété publique.

Mais, c’est surtout l’amputation du principe même de la réponse imaginée par la loi, qui condamne Hadopi à demeurer inopérante. En effet, les échange d’œuvres sans autorisation sur Internet sont une pratique de masse. Pour circonscrire cette pratique de masse, la loi Hadopi proposait une réponse reposant sur des sanctions massives : la fameuse « riposte graduée ». Le stade ultime de cette riposte consistait à suspendre jusqu’à un an la connexion Internet des citoyens présumés coupables, qui auraient auparavant été avertis par courriel, puis lettre recommandée, de la menace pesant sur eux. En confiant à une autorité administrative le soin d’appliquer chaque étape de la riposte graduée – y compris la sanction de suspension de l’accès Internet – la loi Hadopi 1 tentait d’endiguer un phénomène de masse en ne s’encombrant d’aucun obstacle.

Mais il n’a pas échappé au Conseil constitutionnel que ce qui était vu comme obstacles à l’application de sanctions massives ne constituait ni plus ni moins que le respect de droits et libertés fondamentaux : séparation des pouvoirs, droit à un procès équitable, droits de la défense, respect du contradictoire, présomption d’innocence et nécessaire arbitrage entre droit d’auteur et liberté d’expression et de communication. Ainsi sa décision du 10 juin 2009 a porté un coup fatal à l’efficacité de la riposte graduée : les sanctions devant être prononcées par un juge, il n’est plus question qu’elles soient massives.

La loi Hadopi 2 tente bien de limiter ces contraintes en réduisant l’intervention du juge à sa portion congrue : recours aux ordonnances pénales et au juge unique, peine complémentaire de suspension de l’accès Internet et contravention pour « négligence caractérisée ». Mais ces artifices de procédure peuvent – et comment imaginer qu’il en soit autrement devant l’absence de preuve des constats établis par la Hadopi ? – être récusés par le juge et en dernier lieu contestés par le prévenu qui peut demander à bénéficier d’un procès en bonne et due forme.

Et, s’il n’a pas voulu infliger à nouveau une censure cinglante à la loi Hadopi 2, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler tout au long de sa décision ce rôle central du juge : c’est au juge de décider de la suffisance ou non des éléments de preuves8, de refuser le prononcé d’ordonnances pénales en cas d’incertitude, de prendre en compte toutes les circonstances empêchant éventuellement qu’une peine soit applicable, de décider d’appliquer ou non une peine complémentaire et de contrôler – pour ce qui est des juges du Conseil d’État qui auront à contrôler la légalité des décrets d’application – les éléments pouvant constituer une « négligence caractérisée ».

Enfin la loi Hadopi 2 elle-même souligne le pouvoir d’appréciation du juge, qui « pour prononcer la peine de suspension [de l’accès à Internet] et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l’infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l’activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique. La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la propriété intellectuelle et le respect du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ».

Ainsi, devant autant d’obstacles à franchir, l’application de sanctions massives devient illusoire et tout espoir d’efficacité de la riposte graduée s’en trouve neutralisé. Et si l’on considère que « Hadopi » désigne le dispositif destiné à endiguer le partage d’œuvres sans autorisation sur Internet, les opposants à la loi sont donc pleinement justifiés lorsqu’ils célèbrent leur victoire.

Une victoire idéologique des opposants à Hadopi

Qu’une loi promulguée soit en réalité inappliquée – car inapplicable – n’est hélas pas une exception. Il est une autre facette de la bataille dont l’importance semble primordiale – tout au moins pour l’actuel chef de l’État : que l’opinion soit convaincue de la nécessité des mesures instaurées par la loi. Ainsi, Hadopi a constitué – avant tout ? – une bataille idéologique.

La ministre de la culture chargée du projet de loi Hadopi 1 l’avait avoué en hémicycle : « l’important est surtout de créer […] un cadre psychologique qui permettent de juguler le milliard de téléchargements illégaux qui s’effectuent chaque année, essentiellement sur les sites de peer-to-peer ». Et la même ministre de la Culture de l’époque était allée jusqu’à préciser en quoi consistait ce « cadre psychologique » : « J’ai le sentiment que l’on crée, grâce à cette loi, un cadre juridique intéressant, mais aussi un cadre psychologique porteur du message selon lequel les créateurs, les artistes, les cinéastes, les musiciens ont le droit d’être rémunérés pour ce qu’il font. Il est important de dire à tous nos concitoyens, et notamment à tous les jeunes, que, s’il ne leur semble pas très grave de télécharger illégalement tel ou tel morceau de musique, cet acte n’est pas anodin puisqu’il produit des catastrophes en amont dans la profession. ».

Ainsi, le but – fondamental ? – d’Hadopi aurait été de convaincre l’opinion publique du bien-fondé du postulat, émis par les industries du divertissement et avalisé par le président de la République, à l’origine des lois Hadopi : les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet seraient responsables de la crise des industries du divertissement et il serait impératif de lutter contre cette pratique. Sur ce plan, il est assez simple de déterminer qui a remporté et qui a perdu la bataille : il suffit de constater si le message est passé ou non.

Les instruments traditionnels de mesure de l’opinion que sont les sondages n’ont pas été nombreux sur le sujet – peut-être parce que les commanditaires habituels des sondages se situent plus du côté des promoteurs d’Hadopi et que les résultats d’enquête d’opinion auraient été contraires à leurs intérêts ? Cependant les quelques enquêtes ayant mesuré l’impact d’Hadopi sur l’opinion sont sans appel. Ainsi, un sondage pour 01.net réalisé le 3 mars 2009 auprès de 10000 internautes indique notamment qu’à une très large majorité la loi Hadopi est jugée totalement inacceptable, que les avertissements envoyés par courriel n’ont pas d’incidence sur les habitudes de téléchargement, qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des sanctions pour lutter massivement contre le « téléchargement illégal » et que ce dernier n’est absolument pas la principale cause du déclin du marché du disque9. De même, selon un sondage réalisé par BVA pour BFM et La Tribune, les 12 et 13 juin 2009, auprès d’un échantillon de 1.006 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus10, 60% des Français approuvent la censure de la loi Hadopi 1 par le Conseil constitutionnel.

Il est encore plus révélateur de considérer l’impact médiatique des opinions sur la bataille Hadopi. Alors que les moyens mis en œuvre par Nicolas Sarkozy et son gouvernement pour influencer l’opinion publique étaient conséquents, ce sont les critiques et les doutes sur les lois Hadopi qui ont trouvé le meilleur écho dans la presse. Chaque prise de parole contre Hadopi a été abondamment relayée11. Les divers revers des lois Hadopi — le rejet du texte de la CMP par les députés, la censure du Conseil constitutionnel ou les votes à répétition du Parlement européen d’un amendement condamnant la riposte graduée – ont fait les unes des quotidiens, journaux télévisés et radiophoniques.

À l’inverse, le site de propagande mis en place par le ministère de la Culture a davantage fait parler de lui lorsqu’il a dû être coupé suite à des attaques informatiques12 ou lorsque son principal objet – une pétition de soit-disant 10000 artistes soutenant le projet de loi – a été démonté13. Et la communication officielle du ministère de la Culture s’est surtout illustrée dans la presse ou sur Internet par les railleries sur ses maladresses, par exemple lorsque qu’une dépêche AFP a tenté de décrédibiliser les opposants de la Quadrature du Net en les qualifiant de « cinq gus dans un garage », ou quand la ministre de la Culture a étalé son incompétence technique en évoquant les « pare-feux d’OpenOffice », etc. Alors que les opposants à Hadopi ont multiplié les créations originales en tout genre14 pour soutenir dans le fond et la forme leurs points de vue.

De même, pressentant l’incompatibilité des lois Hadopi avec les engagements communautaires de la France, les industries du divertissement et le président Sarkozy ont tenté d’introduire une légalisation de leurs plans au niveau de l’Union européenne. Bien mal leur en a pris, puisque le Parlement européen a, par cinq fois, affirmé sa ferme opposition à une régulation d’Internet mettant à mal les droits et libertés fondamentaux. Ce que la presse n’a d’ailleurs pas manqué de relayer.

Au-delà, l’échec le plus patent sur le plan idéologique des promoteurs d’Hadopi est sans doute l’émergence dans le débat public de propositions constructives imaginant des financements alternatifs pour les biens culturels en ligne15. Preuve que le message selon lequel les sanctions des lois Hadopi seraient indispensables pour financer la création n’est pas passé.

Bref, la bataille médiatique et idéologique a sans conteste été remportée par les opposants à Hadopi. Et le lancement du livre « La bataille Hadopi » au Fouquet’s le 29 octobre 2009 vient clôturer en pied de nez leur victoire dans cette bataille.

Bilan : un grand perdant, l’État de droit

Ainsi, après analyse, le seul point où les partisans d’Hadopi – et en premier chef, le président Sarkozy – n’ont pas connu de défaite, est d’avoir obtenu une loi – et même deux ! Maigre consolation qui cache le fait que les objectifs initiaux de cette loi ont été neutralisés et que la véritable victoire appartient bel et bien aux opposants.

Il serait cependant réducteur de conclure que les lois Hadopi n’auraient rien changé, ni que la bataille Hadopi n’occasionnerait aucun dommage collatéral. Car ce qui a été mis en lumière durant cette bataille est particulièrement préoccupant quant aux principes fondamentaux de l’État de droit.

On a pu en effet observer durant cette bataille Hadopi que la loi pouvait servir de prétexte à un chef d’État capricieux, dédaigneux de toute opinion contraire. Qu’importe que de telles opinions proviennent des autorités de référence du domaine telles que l’ARCEP et la CNIL ou de représentants des citoyens comme le Parlement européen. Qu’importe si le prix à payer est le sacrifice de principes constitutionnels tels que la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression et de communication ou la présomption d’innocence. Le chef de l’État insiste à tout prix pour obtenir l’objet de ses caprices.

Le pire, c’est que ces caprices révèlent en creux une volonté qui est loin d’être innocente : celle d’affaiblir ou d’asservir tout contre-pouvoir à l’omnipotence présidentielle. Pour l’Élysée, l’espace d’expression que constitue Internet doit coûte que coûte être muselé. Le pouvoir législatif doit suivre scrupuleusement les instructions de l’exécutif. L’autorité judiciaire doit être contournée par tous les moyens…

Au final, le risque est grand que la Loi – avec une majuscule et pas seulement les minuscules lois Hadopi – soit décrédibilisée. Certes, il est probable qu’en l’occurrence nul juge n’applique jamais la peine de suspension de l’accès Internet sur la base des accusations de l’Hadopi. Mais que penser lorsque l’on peut, après des siècles de civilisation, réintroduire dans le droit les principes ancestraux du Talion: qui a volé par la main gauche se verra couper la main gauche, qui a « volé »16 par Internet se verra couper Internet ? De même, il est vraisemblable qu’aucune condamnation ne soit prononcée pour contrefaçon ou « négligence caractérisée » par le biais d’ordonnances pénales, puisque celles-ci pourront être contestées par le Parquet, le juge ou le prévenu. Mais comment comprendre qu’on puisse trouver légitime d’appliquer une justice expéditive à tout délit, simplement au vu de l’ampleur quantitative des infractions ?

Ainsi, malgré l’inapplicabilité des lois qui en ont découlé, il faudra retenir de la bataille Hadopi qu’elle aura été le théâtre d’un recul de l’État de droit. Ce recul se poursuivra-t-il jusqu’à la bascule ? Ou parviendra-t-on à inverser le mouvement ? Rendez-vous aux prochaines batailles !


» Article initialement publié sur La Quadrature du Net

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