OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/ http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/#comments Tue, 26 Jun 2012 09:19:22 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=114421 Owni vous aide à trouver quels vêtements porter, vous explique ce que révèle sociologiquement votre choix des aliments, vous rend diplomatique sur Twitter et vous propulse dans les Jeux Olympiques. ]]> Commençons ce nouvel épisode des Data en forme de manière diplomate. L’AFP a lancé la semaine dernière sa nouvelle application interactive intitulée “The e-diplomacy hub – Twitter et politique étrangère : la démocratie numérique en action”. Le contenu est extrêmement riche mais relativement complexe. L’application, comme son sujet, mérite de s’y plonger plus que quelques secondes pour en tirer tout le potentiel.

Les acteurs publics de la diplomatie sont le point de départ de cette application. L’équipe éditoriale de l’AFP s’est en effet attachée à sélectionner plus de 4 000 comptes twitter (personnalités et/ou organisations) qui, selon elle, composent une forme de diplomatie numérique. Des chefs d’Etat bien sûr, des diplomates, des ministres mais aussi des lobbyistes, des experts, des activistes ou des hackers. Par exemple, pour la France, on trouve aussi bien le compte de François Hollande, Nicolas Sarkozy, Greenpeace, Dominique de Villepin que celui de notre Jean-Marc Manach.

L’algorithme conçu par l’AFP, prend en compte les tweets, le nombre de followers, le pourcentage de retweets, le niveau d’interaction et des ratios entre ces indices, afin de classer ces comptes en fonction de leur influence.

Pour étudier les relations entre ces acteurs, ces Etats, la signification et l’impact en termes de politique étrangère, l’application propose plusieurs portes d’entrées :

  • Le mode“Carte” permet de visualiser les relations numériques et diplomatiques entre deux Etats de votre choix, ainsi que de consulter les hashtags les plus utilisés. Cette fonctionnalité est un peu difficile à appréhender : lorsque l’on sélectionne deux pays, puis que l’on clique sur le pictogramme de l’un des deux, ce sont les échanges twitter du pays avec l’ensemble des autres pays qui s’affichent, et non pas uniquement avec l’autre pays sélectionné.
  • Les entrées “Acteurs” et “Etats” affichent le classement d’influence. Il est possible d’activer des filtres, et de comparer l’évolution de l’influence pour les comptes sélectionnés.
  • La partie “Actu chaude” est peut être la plus simple et la plus efficace : sélectionnez un hashtag parmi ceux qui sont les plus utilisés, puis choisissez jusqu’à trois pays pour voir ce que les acteurs de ces pays ont à dire sur ces hashtags en particulier. Le test sur #Syria pour la France, les Etats-Unis et l’Ethiopie est à ce titre particulièrement révélateur.
  • La section “Liens” propose de voir quelles sont les personnes qui suivent ou qui sont suivies par un compte en particulier.
  • Enfin la partie “Conflits”met en exergue certains conflits qui s’exercent particulièrement sur Twitter.
  • Pas étonnant donc que cette application soit complexe : elle cartographie pour la première fois un nouvel éco-système, celui de la diplomatie numérique, et met les données récoltées à disposition. C’est un bel outil : les classements d’influence seront mis à jour toutes les heures, tout comme les hashtags les plus utilisés. L’AFP précise également qu’elle annoncera à la fin de chaque année le classement des 100 Etats et personnalités les plus influentes de la “e-diplomatie”.

    Si certains aspects ou fonctionnalités restent obscurs, il faut surtout voir cette application comme une ressource, utilisable dans le temps. Le concept et la réalisation méritent en tout cas un coup de chapeau (notamment à nos anciens camarades Pierre Romera de Journalism++ et Elsa Secco).

    Vague rose au choix

    Après les élections législatives ayant marqué la victoire de la Gauche, un sujet a largement inspiré les médias : la “mainmise” du Parti socialiste sur l’ensemble des lieux décisionnels : Présidence, Régions, Départements, Sénat, Assemblée Nationale. Trois visualisations ont ainsi été produites, sur la même thématique, mais selon des techniques différentes.

    L’infographie “La Gauche détient les lieux de pouvoir” du Monde, est esthétiquement très parlante, grâce à sa conception en forme d’escargot qui permet de visualiser l’ensemble du message d’un seul coup d’oeil. Cependant, on aurait bien aimé qu’elle soit effectivement un “visuel interactif” comme le précise le sur-titre, et non une infographie fixe.

    La frise chronologique du Figaro, “La répartition des pouvoirs sous la Vème République” a un mode de navigation plus fluide et fonctionne également bien graphiquement. On peut cependant lui reprocher un manque de délimitation claire entre les différents pouvoirs.

    Enfin, le “Bienvenue dans la France rose” de Rue89 utilise un mode de visualisation fort pour montrer le poids du parti socialiste puisque tout les élus y sont représentés par une silhouette, associée à la couleur de leur parti. Cependant, la taille et l’effet de masse nuisent un peu à la qualité de l’infographie.

    Sur le sujet des élections législatives, mais un peu plus loin en Europe, celle réalisée par Igraphics, site monté par des journalistes et des designers d’informations grecs, est très réussie. Sans extravagance, elle rassemble sur une seule page les différentes données du scrutin : cartographie des résultats, couleur de la nouvelle assemblée, pourcentage des votes, etc. Pas si fréquent.

    Les JO de la data

    2012, année politique. Année sportive aussi : après Roland-Garros et l’Euro de football, bientôt le Tour de France et les Jeux Olympiques. Des évenements propices à une retranscription en data visualisation : Visualizing.org, communauté de designers, développeurs, journalistes créée et animée par General Electrics, lance même un concours à cette occasion. Ouvert jusqu’au 27 juillet, il récompensera les meilleures dataviz sur les Jeux Olympiques répondant aux critères de compréhension (10 points), originalité (5 points) et style (5 points).

    Pour les futurs participants, voici quelques sources d’inspiration sur le sujet : le “Medal Count” du New York Times, d’autant plus impressionnant qu’il date de 2008 ; ou la visualisation sur les revenus générés par les Jeux Olympiques pour la chaîne NBC depuis 1984, proposée par Nicolas Rapp.

    Bourdieu, data journaliste

    Cette réalisation est plutôt anecdotique mais révèle tout de même à quel point les données sont partout, depuis longtemps et comment les techniques d’aujourd’hui permettent de les renouveler facilement.

    Dans son ouvrage La distinction : critique sociale du jugement publié en 1979, le sociologue Pierre Bourdieu publie un graphique à quatre axes représentant les choix des aliments et la façon de se nourrir en fonction de la dotation en capital économique et en capital culturel, ainsi que selon le temps libre et le statut de la femme.

    Molly Watson, du site Gastronomia, a redessiné ce graphique, en y ôtant certains éléments (la question du temps libre et du statut des femmes) et en y ajoutant des aliments ou comportements typiques du 21ème siècle (“DIY”, “macchiato”, “aliments micro-ondables”). Molly Watson ne met pas derrière ce dessin d’autre ambition que celle de s’amuser, en ouvrant la discussion “ce graphique est un début. Qu’y inclureriez-vous ?”. Mais le résultat est sympathique et ouvre de nouvelles perspectives entre data et sociologie.

    La data pour ton placard

    Difficile, le matin, de choisir commet s’habiller ? Savoir quelle couleur il faut porter, celles qui sont passées de mode ? La marque Pimkie, dans un engagement complètement désintéressé, a monté un projet pour vous y aider. “Pimkie Color Forecast” a placé des caméras repérant les couleurs majoritairement portées dans les rues de trois capitales de la mode : Paris, Milan et Anvers. De cette observation, ils en tirent une série de données visualisées sous forme de jolis camemberts et histogrammes, qui permettent ensuite à Pimkie de vous conseiller sur la couleur à porter. Pour info : à Paris, aujourd’hui, c’est le coquelicot.

    Scrollez le Sommet de Rio

    Du 20 au 22 juin se tenait le Sommet de Rio, Conférence des Nations Unies sur le développement durable, vingt ans après la dernière édition. Les critiques liées à l’organisation ou l’implication des lobbies industriels ont davantage fait la Une que les accords et engagements qui en sont ressortis. Le Sommet de Rio aura cependant été pour le ministère des Affaires Etrangères et la Netscouade l’occasion de produire une belle application interactive, racontant, de 1972 à 2012, l’Odyssée du développement durable. Scrollez, cliquez, naviguez, c’est joli et c’est très instructif.

    Bonne data-semaine à tous !


    Retrouvez tous les épisodes des Data en forme !

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    http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/feed/ 55
    Les législatives de l’étrange http://owni.fr/2012/06/15/les-legislatives-de-letrange/ http://owni.fr/2012/06/15/les-legislatives-de-letrange/#comments Fri, 15 Jun 2012 14:14:21 +0000 Thomas Deszpot http://owni.fr/?p=113075 fail à répétition. Outre des problèmes techniques récurrents, un autre facteur s'est invité : l'abstention. Au premier tour de ces législatives, le taux de participation n'a pas dépassé 20%.]]>

    Le 17 juin au soir, les Français de l’étranger connaîtront le nom de leurs premiers députés. Leur élection doit permettre une meilleure représentation de nos expatriés, éparpillés dans un monde divisé pour l’occasion en 11 circonscriptions. Au soir du premier tour (voir les résultats ci-dessous), qui s’est achevé le 2 juin, un chiffre a surtout retenu l’attention : celui de l’abstention. Boudées en France — la participation dépasse à peine les 57% — les législatives n’ont que très peu mobilisé à l’étranger, puisque seul un électeur sur cinq a voté.

    Mo-ti-vé-e-s (#oupas)

    Vue de France, cette proportion de votants semble particulièrement faible. Un constat à tempérer puisque les taux d’abstention chez les expatriés sont conséquents lors de tous les scrutins. A titre de comparaison, la présidentielle avait recueilli environ 40% des électeurs, contre 80% dans l’Hexagone. Pour expliquer ce manque d’engouement, plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d’abord, la distance des bureaux de vote : certains Français résident parfois à plusieurs centaines de kilomètres de l’ambassade ou du consulat le plus proche. Après 10 ou 20 ans éloignés de leur pays d’origine, des électeurs se sentent également moins concernés par les problématiques franco-françaises, et renoncent de fait à voter.

    Ces difficultés logistiques ne suffisent à pas occulter les lacunes dans la communication qui a entouré ce scrutin. Pour tenter de mobiliser ce nouvel électorat, Nicolas Sarkozy a pourtant créé à l’été 2011 un secrétariat d’Etat aux Français de l’étranger, confié à l’ancien judoka David Douillet. Malgré cette initiative, les candidats regrettent le déficit d’information du ministère des Affaires étrangères. C’est le cas de Daphna Poznanski, la vice-présidente socialiste de l’Assemblée des Français de l’étranger. Avec 30,5% des voix, elle est arrivée en tête au premier tour dans la 8ème circonscription, qui regroupe notamment Israël, Chypre, la Turquie ou l’Italie.

    Au niveau de la communication, ça a été un ratage complet. De nombreux électeurs n’étaient pas au courant, ou n’ont pas bien compris l’enjeu de ce scrutin. C’est une première donc nous essuyons forcément les plâtres, mais il faut avouer que c’est difficile de s’adresser à autant de personnes sur un si grand territoire. Lorsque TV5, une chaîne très écoutée par les expatriés, a communiqué dans ses journaux les dates du scrutin sans préciser qu’à l’étranger il aurait lieu une semaine en avance, nous étions effondrés. Nous avons vu affluer des électeurs devant les bureaux le 10 juin, alors même que les votes étaient clos depuis une semaine !

    Pas défaitiste devant le fort taux d’abstention dans sa circonscription — 86,63%, un record — la candidate souligne que les électeurs israéliens n’ont pas pu se rendre aux urnes. A travers l’État hébreu, le dimanche est en effet un jour travaillé : il marque là-bas le début de la semaine.

    En tête avec 4 400 voix

    La participation dans cette 8ème circonscription mérite que l’on s’y attarde. Sur les 109 411 inscrits qui étaient appelés à se prononcer lors du premier tour, près de 95 000 se sont abstenus. Malgré ses 30,5%, Daphna Poznanski n’a finalement recueilli que 4 400 suffrages, soit 4,02% des inscrits. Comme elle, aucun des candidats pour les Français de l’étranger n’a atteint le palier des 12,5% prévus par la loi pour accéder au second tour. Pour contourner cet écueil, le législateur prévoit que les deux candidats arrivés en tête soient qualifiés. Dans la 8ème circonscription, la socialiste est donc opposée à sa rivale UMP Valérie Hoffenberg, créditée de 3 202 voix (soit 2,93% des inscrits) au premier tour.

    Tout à fait légaux, ces résultats posent néanmoins une question de légitimité pour les futurs députés qui seront élus avec part une part infime des inscrits. Un postulat que réfutent les candidats et leur entourage, à l’instar de Corinne Narassiguin (PS), en tête dans la 1ère circonscription.

    La légitimité ? Elle se fera une fois que les députés seront élus ! S’ils agissent en faveur des Français de l’étranger et défendent leurs intérêts alors oui, ils seront crédibles. En tout cas si je suis élue, c’est certain que j’aurai une responsabilité supplémentaire car nous seront en quelque sorte des ambassadeurs à ce poste.

    “On n’est pas à l’aise” confie pour sa part Francis Huss, le suppléant de la candidate UMP pour la 5ème circonscription. Face à ces forts taux d’abstention, il tente de mobiliser encore et encore, “pourtant on a bombardé de mails depuis un an !” lance-t-il.

    Bugs à répétition

    Déjà peu enclins à se rendre aux urnes, les Français de l’étranger ont dû faire face à une succession de problèmes techniques. Si un certain nombre d’électeurs se sont trompés de date à cause d’une communication hasardeuse, ceux qui ont fait le choix du vote par correspondance ont eu quelques surprises.  “Plus de la moitié des votes reçus à temps ont dû être invalidés à cause de vices de forme” déplore Corinne Narassiguin, “sans compter les courriers reçus en retard et qui n’ont, de fait, pas pu être comptabilisés.” Un constat partagé par sa camarade socialiste Daphna Poznanski, qui évoque une “catastrophe totale.”

    Dans les consulats et les ambassades, on attendait les bulletins par la poste le vendredi. Pour les électeurs, c’était tout simplement impossible car beaucoup n’ont reçu le matériel nécessaire au vote que le jeudi ! C’est regrettable que le gouvernement n’ait pas écouté l’Assemblée des Français de l’étranger qui avait pourtant demandé 3 semaines pour le vote par correspondance.

    Le vote électrocuté

    Le vote électrocuté

    À partir de ce mercredi 23 mai, les Français de l'étranger peuvent voter pour élire leurs députés, grâce à des sites ...

    Pour les expatriés qui avaient communiqué leur adresse électronique, le vote par Internet était une autre alternative. Déjà utilisé en 2006, il est jugé “peu fiable” et “dangereux pour le secret du vote” par les experts, comme le rappelait Owni dans un précédent article. Au premier tour de ces législatives, il a été utilisé par 126 947 électeurs, soit 57% des votants. Lors du scrutin, les internautes ont parfois du batailler pour réussir à voter, il leur a souvent fallu composer avec les bugs et les failles du système informatique mis en place.

    Pour voter, un ordinateur non mis à jour était nécessaire, comme le rapporte Numerama. Avec la dernière version de Java, l’accès à la plate-forme était refusé, il fallait donc la désinstaller et en télécharger une plus ancienne. Pour faire face à ces difficultés, le ministère des Affaires étrangères a réagi et conseillait sur son site de “désactiver momentanément l’antivirus.” (sic) Le ministère qui tient à rester prudent pour le moment : les responsables en charge de ces questions tentent de rassembler de plus amples informations avant de tirer des conclusions. Les retours qui risquent d’être plus difficiles à récolter puisque dans le cadre du vote par Internet aucun assesseur n’est en charge de la bonne tenue des opérations. Les trois candidats à la députation que nous avons interrogés ont, en tout cas, fait part des problèmes rencontrés par les électeurs. Certains d’entre eux les ont alertés : ils n’avaient pas reçu leur identifiants ou ne réussissaient pas à valider leur vote.

    Très actif sur ces questions, le Parti pirate — qui présentait par ailleurs une centaine de candidats à travers la France — avait anticipé de telles complications. Avant le scrutin, un site destiné à recueillir le témoignage des électeurs votant par Internet a été lancé, il a rassemblé à ce jour près de 250 réactions. Si certains s’avouent très satisfaits de pouvoir voter depuis leur domicile, d’autres décrivent un parcours du combattant pour accomplir leur devoir démocratique.

    Inscrit sur la liste consulaire de Berlin, je n’ai pas reçu mes identifiants de vote par courrier. Mon adresse inscrite au consulat est pourtant la bonne, j’ai d’ailleurs bien reçu les professions de foi de la présidentielle et du premier tour des législatives. J’ai contacté l’assistance, et j’ai reçu le 24 mai une première réponse complètement surréaliste. On m’expliquait que je devais changer mon adresse postale avant le 24 avril. Toutes les informations étaient ciblées sur “comment s’inscrire au vote au mois d’avril”, et absolument pas sur le problème que j’avais décrit. [...] Suite à une relance, j’ai reçu une “vraie” réponse. Le constat était simple : ils considèrent que les éventuels problèmes postaux ne sont pas de leur ressort, et que si je n’ai pas mon identifiant, il n’y a rien qui puisse être fait. Je n’ai donc pas pu voter par Internet pour le premier tour. Et comme les identifiants sont les mêmes pour le second, il est probable que je sois dans la même situation dans deux semaines.

    Face à ces dysfonctionnements, les membres du Parti pirate sont confortés dans leur opposition au vote par Internet. Si les difficultés rencontrées ne suffisent pas à obtenir sa suppression, elles contribueront sans doute à améliorer le dispositif pour les prochaines échéances électorales. L’implication des Français de l’étranger sera sans doute à ce prix.


    Photo CC Mortimer62 [by-sa] et remix avec LOLcat via ICanHasCheezburger /-)

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    http://owni.fr/2012/06/15/les-legislatives-de-letrange/feed/ 9
    Frédéric Lefebvre économiste américain http://owni.fr/2012/06/02/leconomie-americaine-de-frederic-lefebvre/ http://owni.fr/2012/06/02/leconomie-americaine-de-frederic-lefebvre/#comments Sat, 02 Jun 2012 09:41:36 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=112329

    Portrait de Frédéric Lefebvvre à Bercy en janvier 2011 par © Jean-Michel Sicot/Fedephoto

    Une campagne financée par le secteur privé. C’est celle de Frédéric Lefebvre – qui n’a pas été en mesure de répondre à nos questions. L’ancien secrétaire d’État est candidat de l’UMP pour les législatives en Amérique du Nord. Pour cette élection inédite – pour la première fois les Français résidant à l’étranger élisent leurs députés – ce proche de Nicolas Sarkozy a joué avec le feu en matière de comptabilité. Il risque aujourd’hui de voir son compte de campagne contesté.

    Au cours de ses deux mois de campagne, Frédéric Lefebvre n’aura pas tenu beaucoup de meetings ouverts au public. Chacune de ses réunions réclamait un carton d’invitation. Confronté à de multiples dissidences et à de vives critiques au sein même de l’UMP d’Amérique du Nord, le candidat a peut-être voulu éviter les débordements comme celui qui l’a poussé à exclure une militante, lors du lancement de sa campagne à Boston. Selon les informations que nous avons recueillies, le ténor de l’UMP a choisi de dépenser le moins possible pour sa campagne, en faisant appel, notamment, à la générosité des entreprises. Une pratique en principe illégale.

    Encans

    Lundi 2 avril, rue du Couvent à Montréal. Quelques dizaines de militants UMP se réunissent à l’Hôtel des Encans, une ancienne église reconvertie en une somptueuse salle de vente aux enchères. Ils sont venus assister au lancement de la campagne de l’unique candidat investi par l’UMP pour cette circonscription des Français de l’étranger, Frédéric Lefebvre.

    L’ancienne église appartient au richissime commissaire-priseur Iegor de Saint-Hippolyte, également gérant de la société Iegor Auctions. L’homme est un proche de la section UMP du Québec – à laquelle il avait offert l’hospitalité pour une réunion, en février 2011 – et de quelques-uns de ses membres éminents. Le premier s’appelle Thibault Duval, président des Jeunes Populaires du Québec – la section 16-30 ans de l’UMP – également l’un des employés de Iegor Auctions, où il officie en tant que directeur du département “Art asiatique”.

    L’autre figure locale de l’UMP proche de Iegor de Saint-Hippolyte n’est autre que Jeanine de Feydeau, la directrice de campagne de Frédéric Lefebvre pour le Canada. Elle est justement l’organisatrice de la soirée du 2 avril.

    Contactée par Owni sur ces divers liens, Jeanine de Feydeau a préféré laisser répondre le directeur adjoint de la campagne au Canada, Stéphane Minson. Lequel nous a expliqué, lors d’un entretien téléphonique d’une vingtaine de minutes, comment Iegor Auctions avait offert son hospitalité à l’occasion du “meeting des Encans” :

    Je peux vous garantir que la salle a été fournie à titre personnel et gratuit. Elle n’a coûté absolument rien au candidat.

    De bonnes intentions qui pourraient entrer en contradiction avec les textes. Selon l’article L52-8 du Code électoral, la fourniture de services par une société comme le prêt d’une salle de meeting est prohibée :

    Les personnes morales [terme juridique pour qualifier les sociétés, NDLR] (…) ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

    Relais

    Avec une petite subtilité, néanmoins. En effet, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), l’organisme chargé de vérifier les dépenses de campagne des candidats, accorde une qualification “électorale” aux réunions de militants où figure un “relais d’opinion”, comme l’indique son site Internet. Si aucun relais d’opinion ne se présente, les dépenses effectuées lors d’une réunion de militants ne doivent pas, dès lors, figurer au compte de campagne du candidat.

    Mais pour le “meeting des Encans”, le journaliste du bureau de Montréal de l’Agence France presse (AFP) a confirmé sa présence à Owni. La réunion revêt donc un caractère électoral, et la non-retranscription dans le compte de campagne des frais de location de la salle des Encans devrait entraîner une contestation. Le carton d’invitation évoque une réunion entre amis. Mais quand il parle du “meeting des Encans” sur son blog de campagne, dans un billet du 13 mai dernier, Frédéric Lefebvre la qualifie lui-même de réunion publique :

    De la même façon, lors de ma grande réunion publique au magnifique Hôtel des Encans il y a quelques mois, avec tant de compatriotes et tant de jeunes autour de Thibault Duval. Quelle émotion dans cette salle mythique.

    Tontons Flingueurs

    Des réunions sur invitation comme celle de l’Hôtel des Encans, Frédéric Lefebvre en a tenu plusieurs. L’entretien avec le directeur adjoint de sa campagne pour le Canada, Stéphane Minson, en a révélé d’autres :

    Notre objectif est de faire ce qu’on pourrait appeler de la ‘politique non-spectacle”. On ne se retrouve qu’entre amis. Chacun paie sa part et a plaisir à le faire. Ce qu’on souhaite, c’est obtenir un budget égal à zéro : zéro dépenses.

    Encore une fois, l’absence de mention de ces dépenses sur le compte de campagne n’est contraire à la loi que si un relais d’opinion est présent parmi les militants. Owni a retrouvé la trace d’au moins deux réunions sur invitation qui se sont tenues dans des restaurants montréalais et en présence de la presse québécoise.

    Le premier de ces meetings privés a lieu le 2 avril dernier, le même jour que celui de l’Hôtel des Encans, un peu plus tôt dans la journée. Une douzaine de militants UMP sont alors conviés à un repas dans la crêperie Les Tontons Flingueurs (ça ne s’invente pas), aux côtés du journaliste de Radio-Canada Franck Desoer, qui les interroge pour un reportage consacré, entre autres, aux élections législatives au Québec.

    Mais ce jour-là, c’est le gérant des Tontons Flingueurs qui paie son repas ou plutôt, selon le droit électoral, la personne morale du restaurant. Comme pour Iegor Auctions, cette aide en nature est à même d’être déclarée illégale par la Commission nationale des comptes de campagne. Interrogée par Owni, l’une de ses porte-parole confirme, tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’une “décision” mais d’une “réponse a priori, que cette invitation peut être considérée comme le “concours d’une personne morale à la campagne d’un candidat”.

    Parce qu’il n’y a pas de petits profits, chacun des militants est également sommé de payer sa part ce midi du 2 avril. Pour cela, cependant, “rien ne devrait être considéré comme illégal”, selon l’interlocutrice de la Commission nationale des comptes de campagne que nous avons jointe.

    Très récemment, cette situation s’est répétée à l’identique dans un autre restaurant de Montréal. Le 23 mai dernier, un dîner militant est organisé au Plein-Sud, toujours en présence de la presse, comme le confirment deux images présentes sur la page Facebook officielle de Frédéric Lefebvre – la première représente une interview avec la télévision de Radio-Canada tandis que deux caméras de télévision sont visibles sur la seconde.

    Le carton d’invitation pour cette soirée obtenu par Owni annonce encore une fois la couleur, en indiquant aux militants que le menu “entrée, plat, dessert” leur en coûtera 30 dollars :

    Recadrage

    Les mêmes doutes que précédemment subsistent. Frédéric Lefebvre a jusqu’au 14 septembre prochain – voire jusqu’au 28 septembre s’il passe le premier tour – pour déposer son compte de campagne définitif auprès de la Commission qui devra l’examiner. Il lui reste donc plus de trois mois pour demander à ces généreuses entreprises de produire les factures qu’elles ont réglées à sa place et qui manquent à son relevé de dépenses.

    S’il y parvient, le ténor de l’UMP n’aura donc sans doute rien à craindre de la loi. Un recadrage de ses proches s’imposera sûrement, en revanche. Toujours convaincu de la légalité de sa démarche, Stéphane Minson termine son entretien sur ces mots :

    Vous savez, c’est pas facile de trouver une salle gratuite à Montréal. Je garde la surprise, mais pour un autre grand déplacement lors du deuxième tour, on s’est arrangé pour ça ne coûte rien au candidat.


    Photographie de Jean-Michel Sicot ©/Fedephoto. Portrait de Frédéric Lefebvre à Bercy en janvier 2011 pour les voeux à la presse. Edition par Ophelia Noor pour Owni /-)

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