OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La Science de la Cour http://owni.fr/2011/02/14/la-science-de-la-cour/ http://owni.fr/2011/02/14/la-science-de-la-cour/#comments Mon, 14 Feb 2011 09:52:04 +0000 Camille D'andréa http://owni.fr/?p=34072 Férue d’histoire des sciences, c’est tout naturellement que je suis allée visiter l’exposition que propose le Château de Versailles jusqu’au 27 février prochain : « Sciences & Curiosités à la Cour de Versailles ». Avec ce voyage dans le temps, j’espérais découvrir des objets historiques, bien sûr, mais aussi des explications plus larges sur la science à cette époque.

À mon entrée dans le Château, un rhinocéros me fait un accueil des plus chaleureux. Assisté par ses deux petits compagnons exotiques à plumes, il m’invite à monter de grands escaliers cosy à la lumière tamisée. S’ensuit une salle avec un écran disposé à 360° nous présentant les divers lieux de sciences à Versailles allant du petit Trianon aux jardins. Au plafond, un gigantesque globe céleste .

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Après cette mise en bouche, j’entre dans l’exposition proprement dite. J’y apprends que la science n’était pas oubliée en ces temps de monarchie (la période présentée par l’exposition s’étend de 1682 à 1789). Les rois semblent même passionnés par les disciplines scientifiques. Ils invitent des savants et assistent à leurs démonstrations. De manière plus pragmatique, ils mettront les sciences au service des grands dessins de l’Etat. En témoigne la naissance en 1666 de l’Académie des sciences et de l’Observatoire de Paris.

L’astronomie est d’ailleurs très prisée pour la navigation et la cartographie devient un des objectifs prioritaires pour les rois, qui s’essayeront parfois même à dessiner les cartes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

J’ai la chance de pouvoir contempler de nombreux tableaux (comme l’Allégorie du Nouveau Monde) et des ouvrages de sciences dont la fameuse Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, interdite pendant un temps pour ses propos anti-religieux.

Une information, parmi tant d’autres, que j’apprends grâce à un guide, que je ne peux que vous conseiller chaleureusement, les explications étant peu nombreuses sur les cartels. Une faiblesse compensée par une très belle scénographie, simple et claire. On se balade dans de petites salles plutôt sombres, ce qui permet de développer une certaine intimité avec les objets exposés – et avec les autres visiteurs aussi, si vous venez en heures d’affluence.

Les conservateurs de l’exposition ont également fait la part belle aux diverses machines et machineries. L’alimentation en eau constituait un défi important pour l’époque, d’autant plus dans ce lieu parsemé de fontaines. Quelle ingéniosité déployée en ce 17ème siècle ! La machine de Marly, située en bord de Seine, met en œuvre des techniques bien connues mais dans des proportions gigantesques. Un aqueduc sera même construit, uniquement pour le prestige de la Cour.

Au fil de ma visite, je passe dans diverses salles (voir le plan) ou voisinent la zoologie, la botanique et la médecine. Versailles était un vrai laboratoire grandeur nature où la pomme de terre devient un complot d’Etat et l’opération de la fistule sans anesthésie une mode.

Dans les ultimes salles, une collection impressionnante de merveilleux objets exclusifs où sciences et esthétique se mêlent et s’entremêlent sans distinction : des petits planétariums, des globes terrestres et célestes tournant sur eux-mêmes grâce à des mécanismes d’une finesse incomparable, la fameuse pendule astronomique conçue pour fonctionner 9 999 ans…

Lors d’une conférence le 6 janvier dernier au Musée des Arts et Métiers, on a notamment appris que Catherine Arminjon, conservateur général du patrimoine et commissaire de l’exposition a bataillé ferme depuis 2007 pour obtenir ces objets. 15 d’entre eux proviennent du Musée des Arts et Métiers (8 exposés et 7 des réserves).

C’est sur la pendule de la Création du monde, véritable œuvre d’art et de mécanique conçue par Passemant que je termine mon voyage dans le temps.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La vue de ces objets me laisse quelques paillettes d’or dans les yeux, mais je regrette en revanche le manque d’explications et de références scientifiques. Des informations historiques sur chaque objet présenté auraient également pu être utiles. En bref, une exposition qui donne envie d’approfondir le sujet.

>> Pour aller plus loin : le Château de Versailles dispose d’un centre de recherche qui aborde notamment les relations entre sciences et pouvoir dans les cours européennes.

>> Article publié initialement sur le blog de Knowtex sous le titre Nobles sciences au château

>> Photo FlickR CC : Gilderic

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Les arts ménagers, c’est plus ce que c’était http://owni.fr/2011/02/03/les-arts-menagers-cest-plus-ce-que-cetait/ http://owni.fr/2011/02/03/les-arts-menagers-cest-plus-ce-que-cetait/#comments Thu, 03 Feb 2011 15:57:09 +0000 Emily Anthes (trad. Martin Clavey) http://owni.fr/?p=34045 Il était une fois, aux Etats-Unis, des nourrissons qui étaient discrètement enlevés des orphelinats et confiés à des programmes d’arts ménagers de grandes Universités américaines où de jeunes mères apprenaient la “science” de la maternité. Ces nourrissons sont devenus des “bébés d’entraînement”, vivant dans des appartements d’entraînement où un troupeau de “mères stagiaires” s’occupaient d’eux à tour de rôle. Après un an ou deux, les bébés étaient renvoyés à l’orphelinat où ils étaient très attendus ; les parents adoptifs étaient heureux d’amener chez eux un bébé qui avait été élevé avec les dernières méthodes pédagogiques “scientifiques”.

De vrais bébés pour s’entraîner

Ce scénario est le début de The irrestible Henri House de Lisa Grunwald. Ce magnifique roman, que j’ai eu le plaisir de lire pendant mes vacances, raconte la vie de Henry, un orphelin dont la vie a commencé comme “bébé d’entraînement” dans une université pour femmes. Mais l’idée de “bébé d’entraînement” est plus qu’un artifice fictionnel – c’est un fait historique, aussi bizarrement que cela puisse paraître.

Je ne le savais pas jusqu’à ce que j’arrive à la fin du livre et que j’ai vu “Une note de l’auteur”.

Ce roman, écrit Grunwald, a commencé avec une photo réelle.

Puis, elle a inséré l’image suivante.

La note de Grunwald continue:

Je l’ai trouvée, presque par accident, sur le site de l’Université de Cornell illustrant l’histoire des arts ménagers. Sur la page d’accueil de l’exposition en ligne, parmi les autres vignettes, se trouvait cette photo captivante d’un bébé avec un sourire enjôleur et des yeux malicieux. J’ai cliqué sur cette photo et appris que “Bobby Domecon” (le nom de famille est l’abréviation de Domestic Economics – arts menagers) était un “bébé d’entraînement”…

Comme Grunwald l’a découvert, le programme des bébés d’entraînement n’a pas seulement été mis en place à Cornell. En effectuant des recherches sur le phénomène, elle est tombée sur “un cas qui avait attiré l’attention du pays lorsqu’un sur-intendant de la protection de l’enfance de l’Illinois avait mis en doute les effets de ce type d’éducation. La volonté d’obtenir une réponse est à l’origine de ce livre.”

Pour trouver une réponse, Grunwald a beaucoup fouillé, de l’influence du célèbre Dr. Spock aux expériences sur l’affection dirigées par Harry Harlow. Le roman est bon, mais il m’a surtout poussée à en savoir plus à propos de ce phénomène des bébés d’entraînement. J’ai donc fait mes propres recherches.

Et les arts ménagers devinrent une science

Ma première étape fut l’exposition en ligne de Cornell que Grunwald avait mentionnée. Elle est encore en ligne et je vous encourage à aller y faire un tour. Le programme de Cornell s’est déroulé de 1919 à 1969 (ce qui me semble incroyablement récent). A Cornell, huit étudiantes vivaient un semestre entier dans un appartement d’entraînement tout équipé. Les femmes étaient là pour apprendre le spectre entier du savoir pour tenir une maison et l’exposition explique que

un des premiers promoteurs du programme pensait que les bébés étaient essentiels pour reproduire une expérience domestique complète. Albert Mann, Doyen de la faculté d’Agriculture disait des appartements qu’ils étaient “un laboratoire essentiel pour l’apprentissage des étudiantes”.

L’exposition de Cornell montre d’autres photos de Bobby Domecon, et d’autres bébés : Edna Mae, Denny, and Troy Domecon. On peut aussi trouver les pages des livres de bébés que les étudiantes gardaient pour chaque enfant, retraçant méticuleusement leur développement.

A cette époque, on pensait que la science pouvait rationaliser les travaux ménagers (d’où le nom évocateur de science des arts ménagers). Tenir sa maison de manière instinctive était considéré comme ringard ; l’idée qu’élever un enfant et tenir une maison pouvait être optimisé en suivant des règles scientifiques gagnait du terrain. Et ces appartements d’entraînement étaient faits pour apprendre aux jeunes femmes les dernières techniques scientifiquement “prouvées” pour tenir une maison.

Pendant ce temps, les bébés étaient élevés dans des règles strictes régissant tout, des siestes aux régimes alimentaires. C’est un article publié dans The Journal of Home Economics en 1920 qui a révélé ces manières de penser. Le rapport, titré “The Training of Children as A Part of Laboratory Work in Home Management” étudie le programme de bébés d’entraînement de l’Université du Minesota pendant l’année scolaire 1918-19.

L’étude a été entreprise (1) pour montrer que le travail de recherche sur la prise en charge des enfants peut s’intégrer dans un programme universitaire ; (2) pour tester des méthodes de prise en charge des enfants, à la fois physiques et mentales, connues pour être bonnes pour le bien-être et le développement de l’enfant ; et (3) pour travailler sur les problèmes de gestion de la prise en charge des enfants.

L’article donne le détail des règles strictes mises en place pour gérer les bébés. Voici l’emploi du temps que les bébés subissaient :

Méthodes des employés de soin
Programme quotidien

Russell Earl
Levé 6:30 Levé 6:00
Petit-déjeuner 6:30- 7:30 Petit-déjeuner 6:00- 6:00
Jeu calme dans le lit 7:30-8:30 Jeu calme dans le lit 6:30-7:30
Bain 8:30- 8:50 Bain 7:30- 8:00
Jeu 8:50-9:30 Jeu, balade 8:00-11:00
Sieste 9:30-12:00 Dîner 11:00-12:00
Dîner 12:00- 1:00 Sieste 12:00- 3:00
Jeu, balade 1:00-5:00 Jeu Balade 3:00- 5:00
Souper 5:00- 6:00 Souper 5:00- 6:00
Lit 6:00 Lit 6:00

Les régimes des bébés sont aussi spécifiques. Par exemple voici ce que le bébé Russel, 13 mois, mangeait tous les jours :

Lait (écrémé), un demi-litre.
Toast, crackers, à la fois blanc et Graham.
Céréales bien cuites et pas tendre.
Jus et pulpes de fruits, deux différents chaque jour, surtout du jus d’orange et de pruneaux.
Pommes de terre, purée ou cuites au four, servies sans beurre.
Légumes autres que les pommes de terre, presque tous les légumes, surtout des épinards, des carottes, des tomates.
Viande (boeuf, veau ou poulet) deux ou trois fois par semaine ou
Oeufs deux ou trois fois par semaine ou
Crème anglaise deux ou trois fois par semaine.
Huile de foie de morue, trois cuillères à café par jour.

Bébés sans histoire, questions sans réponse

Bien sûr, ce genre de programme de bébés d’entraînement ne pouvait pas durer. Comme le dit l’exposition de Cornell “au fil du temps, toutefois, de nouvelles recherches sur le développement des enfants ont souligné la nécessité d’un lien fort avec un travailleur maternel unique, et les changements sociaux dans la vie des femmes ont ringardisé les maisons d’entraînement.”

Et un article du Time de 1954 révèle les doutes qu’avaient les experts à propos de ce genre de programmes.

Imaginez, s’alarma Babette Penner la directrice de la division des femmes de United Charities, l’anxiété d’un enfant auquel douze paires de bras ou plus donnent le biberon. Pendant que les experts se disputaient, le petit David augmentait ses risques de névroses et ses mères continuaient à gagner quelque “expérience pratique”.

En effet, ce n’est pas parce que chaque fait dans la vie des bébés d’entraînement était enregistré que quelqu’un a pensé à les suivre une fois adoptés. Donc on se retrouve face à un certain nombre de questions importantes : Comment ces bébés ont tourné ? Quel genre d’adulte sont-ils devenus ? Portent-ils les traces de cette éducation ? Le mieux qu’on puisse faire est de lire les réponses que Grunwald a imaginé. The Irresistible Henry House est un grand roman mais c’est, bien sur, une fiction. J’aimerais quand même savoir ce qui s’est passé.

Pour en lire plus :
L’exposition en ligne de la bibliothèque de l’Université de Cornell à propos des appartements et des bébés d’entraînement.
Cornell University Library’s online exhibit about practice apartments and babies.
Babies Serve as Laboratory Material at ‘U’: Home Economics Classes Will Use Babies to Practice On.” Minneapolis Sunday Tribune. March 23, 1919.
The Training of Children as A Part of Laboratory Work in Home Management,” The Journal of Home Economics. 1920.
Education: Case of the Resident Baby.” Time. January 25, 1954.
Grunwald parle de sa découverte du programme des bébés d’entraînement.
La critique du New York Times de The Irresistible Henry House.

>> Cet article a été initialement publié en anglais sur Wonderland.

>> Crédits photo : Exposition From Domesticity to Modernity: What was Home Economics?

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