OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’Open Hardware veut s’ouvrir au grand public http://owni.fr/2012/10/05/lopen-hardware-veut-changer-de-braquet/ http://owni.fr/2012/10/05/lopen-hardware-veut-changer-de-braquet/#comments Fri, 05 Oct 2012 16:48:00 +0000 Mathilde Berchon http://owni.fr/?p=121531

Quatre cent cinquante participants à guichet fermé pour la troisième édition de l’Open Hardware Summit la semaine dernière, 650 exposants pour les 55 000 visiteurs de la World Maker Faire le week-end dernier, un maire de New York qui qualifie officiellement la semaine de “Maker Week” : le mouvement maker était plus que jamais à l’honneur ces derniers jours.

Avec lui, trois grandes thématiques :

- communauté : la plupart des projets présentés à Maker Faire ou à l’Open Hardware Summit sont des œuvres collectives et qui continuent de bénéficier de la communauté.

Fête le vous-même !

Fête le vous-même !

Sur le modèle des Maker Faire, ces grands rassemblements dédiés au do it yourself, version moderne du bricolage de nos ...

- innovation : le maitre-mot de l’ensemble des participants. La créativité du mouvement maker est maintenant structuré par des opportunités commerciales. On passe d’un moment où l’invention était reine à un écosystème capable d’apporter des innovations. MakerBot, leader de l’impression 3D personnelle, en est un exemple phare ; passée d’un bricolage entre amis à un produit grand public.

- accès au savoir : le nombre d’ateliers Do-It-Yourself proposés à la World Maker Faire cette année était hors proportion. Accompagnée d’une pratique de plus en plus formalisée d’accès à la documentation des projets hardware, le partage du savoir à tous les curieux continue de motiver quasiment l’ensemble des initiatives.

Ces trois thèmes récurrents convergent tous vers un mouvement Open Hardware en pleine structuration. L’Open Hardware Summit a vu s’enchainer conférences et présentations du cœur de la communauté venue des quatre coins des États-Unis. Trois grands défis se profilent pour l’année à venir.

Se définir

L’Open Source Hardware en est encore à une phase de définition. Pas encore d’organisation porte-voix officielle, pas encore de licences spécifiques à l’hardware, pas encore de cadre législatif ni de formalisation des pratiques. Le terrain est en pleine construction. Et l’enthousiasme et les débats qui vont avec.

Côté porte-voix, l’Open Hardware Association (ou OSHWA) est en passe de devenir l’organe rassembleur, avec à son bo(a)rd quelques acteurs très actifs du domaine comme Alicia Gibb qui consacre entièrement son temps au projet depuis la fin de Bug Labs, Catarina Mota co-fondatrice d’Open Material, Nathan Seidle CEO de SparkFun ou encore Windell Oskay, co-fondateur d’Evil Mad Scientist Laboratories. L’association aura un statut de non-profit organisation (sans but lucratif), et les adhésions sont déjà ouvertes.

En plus de l’organisation du Summit 2012, OSHWA vient de produire cette vidéo, qui tente une première définition, plutôt vague, de ce qu’est l’Open Hardware :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

David Carrier de Parallax, considère qu’un produit est Open Hardware dès lors qu’il :

- ne restreint pas l’usage
- comporte une licence de design ouverte et qui inclut les fichiers nécessaires à la reproduction de l’objet
- se soustrait perpétuellement des droits d’utilisation d’un brevet
- ne restreint pas le reverse engineering

Certains participants proposent de prendre aussi en compte dans la définition la facilité d’accès aux machines nécessaires à la reproduction de l’objet. Est-ce qu’on peut toujours parler d’Open Hardware lorsqu’un objet ne peut être reproduit qu’avec des machines industrielles couteuses et compliquées d’accès ?

Il est apparu clairement que l’Open Hardware devait répondre à ses règles propres, en se démarquant en partie du monde du logiciel libre.

Les différents niveaux d’ouverture pris en compte par le label Open Hardware devront prendre les questions suivantes :

- Comment limiter la copies conforme tout en restant ouvert ?
- L’ouverture s’arrête-t-elle à la documentation ou comprend-t-elle aussi la mise à disposition des outils de fabrication ou tout du moins la prise en compte de l’écosystème de fabrication ?
- Parlons-t-on encore d’Open Source hardware lorsque la documentation est partielle ou au contraire trop complexe ?

“Un business d’un milliard de dollars”

Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired et co-fondateur de DIY drones, a débuté son intervention par une phrase qui donne le ton général des espoirs du mouvement :

Quelqu’un dans la salle va construire un business d’un milliard de dollars.

Les sites de financement collaboratif de type Kickstarter ont été mentionnés maintes et maintes fois, aussi bien au Summit qu’à Maker Faire. Ils sont présentés comme la solution révolutionnaire pour tester une idée de business et pré-lancer son produit tout en limitant les risques. Les projets Open Hardware emblématiques se sont multipliés ces derniers mois, des 830 827 dollars levés par Printrbot en décembre dernier au récent Form 1 par Formlabs qui a déjà récolté plus d’un 1,6 million de dollars 21 jours avant la fin de sa campagne.

L’impression 3D vend son âme

L’impression 3D vend son âme

Le fabricant d'imprimante 3D grand public MakerBot incarnait la possibilité d'un business model basé sur l'open ...

Alors qu’il y a deux ans Dale Dougherty défendait encore l’idée qu’un maker crée simplement pour son plaisir, la World Maker Faire de cette année tend à affirmer le contraire. Le 3D Printing Village a attiré toute l’attention : avalanche de jeunes entreprises qui proposent des imprimantes 3D personnelles moins chères, plus compactes (Printrbot), plus rapides (Ultimaker, MakerBot Replicator 2) ou plus spécialisées. Le petit nouveau issu de Kickstarter, Formlabs, est le premier à proposer une imprimante à stéréolitographie à bas prix pour professionnels.

L’ambition est bien présente, mais la question du passage à l’échelle se pose rapidement. MakerBot qui faisait jusqu’ici figure exemplaire du mouvement rencontre des difficultés à maintenir un modèle entièrement ouvert. L’intervention du co-fondateur de MakerBot, Bre Pettis, était fortement attendue, pour comprendre si la start-up new-yorkaise avait “vendu son âme”.

Visiblement touché d’être la cible de critiques de ses pairs, Bre a rappelé l’ambition grand public de MakerBot : “notre but depuis le début : une imprimante 3D pour tout le monde, aussi facile à utiliser que possible. Tout ceux qui ont participé à l’aventure savent que c’est une victoire pour l’Open Hardware.” Il a mis en avant une des ambiguïtés principales du modèle économique de l’Open Hardware : oui, le produit s’améliore plus vite et en grande partie grâce au travail de la communauté, mais c’est bien sûr aussi la porte ouverte aux mauvaises copies vendues moitié prix.

Nous l’autorisons [la copie] mais ça ne veux pas dire que nous aimons ça.

a reconnu Bre Pettis qui présente les restrictions faites à la nouvelle machine comme des solutions pour permettre l’innovation par la communauté tout en limitant les copies conformes. L’interface graphique du logiciel MakerWare et la documentation du design de la Replicator 2 sont désormais propriétaires, mais le reste est ouvert (logiciel, firmware, extrudeur…).

La question se pose nettement moins pour les entreprises Open Hardware du secteur éducatif.

Flexibilité et simplicité

S’il fallait résumer la Maker’s Week à deux mots-clés, répétés interventions après interventions, stands après stands, ce sont bien flexibilité et simplicité.

World Maker Faire 2012 (cc)Jabella

Comme l’ont rappelé Paulo Blikstein de Fablab@School, David Carrier de Parallax, Ayah Bdeir de littleBits.cc ou le lobbyiste Michael Weinberg, l’atout majeur de l’Open Hardware est sa capacité à simplifier et à rendre accessible et compréhensible les technologies qui nous entourent.

Les outils du fab lab changent la façon dont on voit le monde.

Les petits bidouilleurs en open source

Les petits bidouilleurs en open source

Ce jeudi, deux enfants très partageurs ont donné une conférence à l'Open Hardware Summit à New York sur les ...

C’est ce que soulignait Paul Blikstein en montrant une étude réalisée à l’issue de la classe de physique menée dans un des Fablab@School. Les adolescents qui avaient suivi la classe avaient une confiance en leur propre créativité bien plus élevées que ceux qui n’y étaient pas. La tendance était encore plus forte pour les filles, qui rattrapaient quasiment les garçons dans leur confiance à comprendre et créer.

Les questionnements autour de la propriété intellectuelle n’ont pas été la priorité de cette année, la stratégie générale étant pour l’instant de faire et voir ce qui se passe. L’Open Hardware est dans une phase d’expérimentation.

Lors de son intervention à Maker Faire, Bre Pettis a été jusqu’à détailler les stratégies de contournement que MakerBot a employé jusqu’ici pour éviter les interdictions : il ne prononce par exemple jamais le terme FDM (Fused Deposition Modeling) pour parler de la technique d’impression utilisée par les MakerBot (marque déposée par Stratasys).

Le lien avec la communauté

Le grand challenge de l’Open Hardware est pour l’instant de montrer de quoi il est capable en terme de business. Les marques emblématiques du mouvement que sont Make Magazine, Arduino, Adafruit Industries ou encore SparkFun comportent dans leur essence même l’identité Open Source, comme l’a souligné dans son intervention longuement applaudie Marco Perry, de l’agence de design Pensa. Ces marques sont aimées parce qu’elles ont de réelles communautés.

Flexibilité, simplicité et… fun bien sûr. Réunir plusieurs milliers de makers à New York pendant une semaine ne va pas sans une bonne dose de fun et de hacks. Faites un coucou à la caméra moustache de Jason Kridner.

Camera moustache de John Kridner - (Matt Richardson, MAKE Magazine)


Photos de (cc-by) jabellavia flickr et (cc) Matt Richardson via Mathilde Berchon.

Mathilde Berchon vit à San Francisco d’où elle couvre le mouvement Open Hardware sur MakingSociety.com

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Fête le vous-même ! http://owni.fr/2012/09/20/fete-le-vous-meme/ http://owni.fr/2012/09/20/fete-le-vous-meme/#comments Thu, 20 Sep 2012 13:55:21 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=119977 Owni organise ce samedi le premier Open Bidouille Camp, en partenariat avec la Cantine et Small Bang. Au menu, des ateliers pour mettre la main à la pâte et une conférence sur les enjeux politique, économique et sociaux de la fabrication personnelle. ]]>

C’est chouette les Maker Faire, pourquoi il n’y en a pas en France ?

Si ça nous botte, just do it !

Oui, mais à la française !

Voici en résumé la substantifique moelle des échanges qui nous ont conduit d’une discussion autour d’une bière avec des passionnés de bidouille/hacking/making/Do it yourself (DIY), à un événement bien réel : le premier Open Bidouille Camp, qui accueille le public ce samedi de 11 heures à 18 heures à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen (93).

Co-organisé par Silicon Xperience/La Cantine et Smallbang, il proposera au grand public de se (re)lancer dans les joies du bricolage créatif,  à travers une série d’ateliers. Et le tout est gratuit, avec le soutien de nos sponsors Etsy, la Fonderie, Kiss Kiss Bank Bank, des donateurs de notre collecte sur la plate-forme de crowdfunding, qui a permis à Digitalarti de rejoindre les sponsors, sans oublier nos partenaires médias DailyMotion, le Mouv’ et l’Atelier des médias.

L’objectif et l’enjeu était clair, dès le début : faire un événement grand public, à l’image des Maker Faire, ces grands rassemblements à succès dédiés à la bidouille, nés aux États-Unis en 2006 et qui ont depuis essaimé. Dans ce sens, l’Open Bidouille Camp (OBC) espère apporter un élément de réponse aux questions que nous avions soulevées dans un article : “Le DIY se boboïse”. Nous y faisions le constat que les possibles ouverts par le numérique, tant sur les moyens à disposition que sur les capacités d’entraide et de partage propres à Internet, n’atteignent pas forcément les publics qui en ont le plus besoin. Qui dans les quartiers populaires sait ce qu’est un fab lab ? Pratique Arduino ? Partage ses plans d’impression 3D sur Thingiverse ?

“Oh je fais une étagère DIY”

L’utilisation du terme DIY est emblématique : ceux qui bidouillent, réparent, récupèrent, créent par nécessité ne disent pas “oh je fais une étagère DIY”. Ils font tout court, ils bricolent éventuellement, sans avoir un regard réflexif sur leurs pratiques.

Nous avons dans un premier temps pensé squatter la Fête de l’Humanité, en escomptant capter un peu de l’immense foule qu’elle draine. Et puis le clin d’œil à Marx nous amusait : les fab labs et autres hackerspaces ne permettent-ils pas de se réapproprier les outils de production ? Faute d’accord  – non motivé – des organisateurs, nous avons dû trouver un nouveau lieu qui respectât l’état d’esprit initial. Fuyant Paris et ses bobos (à l’exception de l’équipe organisatrice, qui ne peut échapper à elle-même), nous avons investi Mains d’Œuvres, un lieu bien connu des habitués de l’éducation populaire.

Le meilleur moyen d’inciter les gens à pratiquer, c’est de leur proposer de se lancer à travers des ateliers. En tout, une vingtaine d’associations ou collectifs ont accepté de poser leurs outils et logiciels, issus du monde du hacking, des fab labs, de la récupération, de l’informatique et même de la cuisine. Et, oui vous mettrez la main à la pâte aussi au sens propre du terme. Voici un échantillon des stands, et pour un descriptif plus complet et exhaustif, visitez le Tumblr de l’événement qui se remplit progressivement :

- la programmation, c’est compliqué ? Découvrez-là à travers des robots dansants LEGO Mindstorm, même les enfants peuvent s’y mettre.

- contre l’obsolescence programmée, cultivez l’art de la récup’ avec la Débrouille compagnie.

- la voiture, c’est pô pratique et ça pollue, le Velib, c’est fatigant à Ménilmontant, alors vive le vélo électrique. Antoine Sachs, de la chronique sans carbone, est un adepte du biclou à batterie. Peut-être repartirez-vous avec le vôtre ?

Papa hacke le capitalisme

Parce que cette bidouille en mutation est un extraordinaire terrain de réflexion politique, économique et sociale, nous avons glissé entre deux ateliers un temps pour débattre de ces enjeux. Un terrain potentiellement révolutionnaire, à l’image de la position d’Adrian Bowyer, le créateur de la RepRap, une imprimante 3D grand public autoréplicante (elle peut fabriquer ses propres pièces) :

Je peux imaginer un collectif de dix familles qui vont ensemble dans un village utiliser leur imprimante 3D domestique durant une semaine pour imprimer les dessins de la voiture d’une des familles, téléchargés d’un site open-source. D’un coup, il n’y a plus d’industrie de la voiture. »

Moins extrêmes, certains s’insèrent davantage dans l’économie “classique”, en la mâtinant plus ou moins des valeurs de partage et d’ouverture. Quand ce n’est pas les entreprises traditionnelles qui viennent à ce nouvel écosystème.

Trois invités seront présents pour remettre ces enjeux en perspective et répondre aux questions du public. Fondatrice du blog Ecoloinfo, Anne-Sophie Novel vient de publier Vive la co-révolution, avec Stéphane Riot. Enseignant-chercheur à la Sorbonne, Mathieu O’Neil est rédacteur en chef du Journal of Peer Production, une revue en ligne traitant des nouveaux modes de production collaboratifs. Spécialiste du hacking, le chercheur suédois Johan Soderberg a publié entre autres une thèse, “Du Free software à l’open hardware : théorie critique sur les frontières du hacking”, et “Hacker le capitalisme – Le mouvement de l’open source et du logiciel libre”.

Et comme toute cette effervescence manuelle et intellectuelle demande de l’énergie, nous avons prévu quelques caisses de Club-Mate, la boisson énergisante favorite des hackers, et des gâteaux faits maison bien sûr !

Soutenez l’Open Bidouille Camp en participant à notre collecte Kiss Kiss Bank Bank !


Illustrations [CC-by-nc-sa] de Loguy Batonboys /-) S.A.V par Cédric Audinot et photos par Ophelia Noor ~~~~=:)
Un évènement organisé par Owni (Sabine Blanc, Andréa Fradin, Ophelia Noor), Silicon Xperience-La Cantine (Hélène Girard, Nirina Thibault), Smallbang (Eva Moari, Pierre Cattan).

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Les hackers débrident la Chine http://owni.fr/2012/05/08/les-hackers-debrident-la-chine/ http://owni.fr/2012/05/08/les-hackers-debrident-la-chine/#comments Tue, 08 May 2012 07:39:23 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=108086

Dans l’imaginaire, le hacker chinois est un vilain pirate, parfois à la solde du gouvernement. Si ces black hats sont effectivement une réalité, une communauté de “gentils” hackers prend son essor en parallèle. Jusqu’à présent fournisseur en leds et autres circuits imprimés des hackerspaces du monde entier, les Chinois mettent à leur tour la main dans le hack. Illustration de cet envol, deux grands événements dédiés aux bidouilleurs créatifs de tous poils, hackers et makers, sont organisés ce printemps. Maker Faire, un concept de foire populaire né aux États-Unis et depuis décliné avec succès sur d’autres continents, s’est tenu pour la première fois en Chine en avril : Shenzhen, une ville au sud du pays jouxtant Hong Kong en pleine explosion économique, a accueilli des adeptes du DIY (do it yourself, fais-le toi-même). Et Maker Carnival a clos ses festivités samedi à Beijing, la capitale du pays, sur le même principe : des exposants, des ateliers, des rencontres.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Que mille hackerspaces fleurissent

L’Afrique, berceau de la bidouille

L’Afrique, berceau de la bidouille

Traversée par la tradition de la bidouille, l'Afrique manquait jusqu'ici de lieux où développer cet esprit. Mais le ...

À l’origine du mouvement, on trouve des Chinois qui ont eu l’occasion de s’expatrier ou de beaucoup voyager. Ricky Ng-Adam, qui a co-fondé le premier hackerspace chinois en 2010 à Shanghai, avec sa femme Min Lin Hsieh et David Li  XinCheJian, est même né au Canada.

Ensuite, des autochtones pur jus ont fini par grossir les rangs. Et ils prennent à leur tour l’initiative : le dernier-né, Onion Capsule hackerspace, à Hangzhou, a été lancé par quelqu’un qui n’a jamais quitté la Chine, tout comme ses membres.

Si on y vient pour le plaisir gratuit de bidouiller, cette montée en puissance est aussi favorisé par le contexte d’effervescence économique, comme l’explique Ricky Ng-Adam :

La  Chine est un endroit très propice, d’abord, parce que la technologie joue un rôle primordial au développement économique et avec beaucoup moins de controverse. Ensuite, dans un pays où le guanxi (relations interpersonnelles) jouent un rôle primordial, il est parfois difficile pour les Chinois qui sont à l’extérieur des organisations reconnues et légales, assez limitées, de créer ce genre de connexion. Un hackerspace permet aux plus jeunes de se rencontrer et de bâtir un réseau qui leur est propre à travers des projets collaboratifs plutôt que des repas bien arrosés et enfumés.
Certains participants chinois font effectivement pression pour transformer l’espace en incubateur ou espace purement commercial qui ont de la difficulté à percevoir les avantages non-monétaires de participer dans un tel espace. Souvent, la question clé de leur part concerne nos “profits”.

Et d’illustrer son propos avec son propre exemple puisqu’il démarre une entreprise avec un partenaire rencontré dans son hackerspace, un ingénieur électronique chinois. Leur idée ?
Viser les hackers avec un produit de niche, un super Arduino. De même, Eric Pan, un des organisateurs de Maker Faire Shenzen, a créé Seeed Technology, une société spécialisée dans le hardware open source, et co-fondé Chaihuo makerspace.

Satisfaire le marché intérieur

Mitch Altman, arpenteur inlassable des hackerspaces du monde entier, a pu mesurer cette effervescence lors de sa tournée des popotes. Six espaces visités, dont un à l’université de pétrochimie de Beijing. Il fait partie du programme Toyhouse, dont l’objet est d’implanter des hackerspaces dans les écoles et les universités dans toute la Chine pour favoriser l’apprentissage à travers un environnement créatif, pratique et ludique. Une initiative d’un professeur que Mitch résume ainsi :

Aider à faire évoluer la culture chinoise pour que le pays puisse connaître un futur économique.

Eric Pan et Mitch Altman à Shenzhen en avril 2012 (cc) Maltman

Mitch Altman y voit un des chemins pour faciliter une émancipation économique inéluctable. Les Chinois vont devoir innover autrement, car les équilibres économiques changent. Après avoir pendant des années conçu et fabriqué des objets destinés à être exporté dans les pays occidentaux, il va s’agir de se tourner maintenant vers leur marché intérieur en expansion, à la faveur de l’émergence d’une classe moyenne.

La Chine a une longue tradition confucianiste, où les gens ont une position et un rôle dans la société fixée à leur naissance. L’épanouissement personnel passe après. Les gens du coup sont encouragés à acquérir un statut plus élevé et à faire de l’argent, comme substitut à l’épanouissement. La possibilité d’être créatif est réduite grandement, alors que l’économie mondialisée d’aujourd’hui a besoin de gens créatifs au sens large.

Il y a un milliard de gens ici. Si un certain pourcentage explore et fait ce qu’il aime, ils trouveront des biens et des services pour la culture chinoise et monter une économie locale dont le pays a besoin. Et les hackerspaces peuvent jouer un rôle, en tant que communauté d’entraide où les gens font ce qui leur plait, que cela rapporte ou non de l’argent.

Eric Pan n’a d’ailleurs pas choisi au hasard de monter Maker Faire à Shenzen. Son but était de casser du stéréotype, expliquait-il. Si Shenzen est effectivement la ville où Foxconn, le très controversé sous-traitant d’Apple, elle n’a pas à rougir :

Shenzen est la ville la plus avancée en matière de technologie et de science en Chine, le meilleur endroit pour les start-ups. Il y a deux universités et chaque université, y compris celle de Beijing, a une antenne ici.

In fine, ce développement des hackerspaces est un vecteur de démocratisation, comme le souligne Ricky Ng-Adam :

Ils permettent de tisser des liens entre des groupes de différentes disciplines, classes sociales et âges sur une base égalitaire et axé sur la technologie. Nous pouvons servir d’inspiration pour la création d’une société ouverte et innovatrice.

Récupération gouvernementale

Facilitateur d’innovation et ferment démocratique : autant de raisons pour que le puissant État chinois suive de près le mouvement. Outre Toyhouse, la province de Shanghai a ainsi annoncé cet automne qu’elle allait soutenir un plan de développement de cent hackerspaces. Ce projet qui doit démarrer en mai prévoit de fournir le matériel aux hackerspaces remplissant certaines conditions : 100 m2 de surface et ouvert au moins deux cents jours par an.

Par définition, l’éthique hacker, où la notion de liberté et de détournement sont fondamentaux, semble difficilement compatible avec des fonds venus du gouvernement, a fortiori d’un État peu réputé pour son penchant pour les libertés fondamentales. Ricky Ng-Adam est dubitatif :

Il est intéressant de constater que la proposition originale se concentre uniquement sur les outils et l’espace physique sans considération pour la communauté – l’aspect qui devrait pourtant primer. Mais si les hackerspaces du gouvernement deviennent réalité un jour et qu’il y a effectivement clivage, il y aura probablement aussi création de règles dédiés à exclure des hackerspaces comme XinCheJian.
Comme tout les aspects de la société, nous sommes à la merci du gouvernement central qui pourra choisir soit d’appuyer à grande échelle une communauté avec un impact positif ou de l’interdire carrément s’ils le perçoivent comme un danger à leur pouvoir.

De fait, le gouvernement chinois a une attitude ambivalente envers les organismes à but non lucratif émanant de la société civile, dont il a à la fois besoin mais qui constituent un terreau contestataire. Des inquiétudes se sont élevées à propos des moyens de pression exercés par l’État pour leur nuire, en particulier financiers. Pour se prémunir, XinCheJian est enregistré comme entreprise. À moins que cette annonce grandiose ne serve surtout les poches des proches du pouvoir, dans un pays où la corruption est galopante.

Des craintes que ne partage pas (officiellement) Hao Zhang, un des organisateurs de Maker Carnival, et un des membres fondateurs Makerspace Beijing. Il est résolument optimiste :

Je ne vois pas d’inconvénient à cela. Si les universités, les entreprises et même des gens peuvent commencer un hackerspace, pourquoi pas le gouvernement ? C’est même mieux si le gouvernement soutient car cela bénéficiera à plus de gens et que le développement sera plus rapide. J’espère que tout le monde pourra faire ce qu’il veut dans le futur, sans faire de mal à d’autres.

C’est la raison principale pour laquelle que j’ai commencé le hack :

la liberté.


Illustrations par le Maker Carnival 2012 et editing par Ophelia Noor pour Owni /-) Photo d’Eric Pan et Mitch Altman via la galerie Flickr de Mitch Altman (CC-bysa)

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Des hackers séduits par le Pentagone http://owni.fr/2012/04/06/les-liaisons-ambigues-des-hackers-avec-larmee/ http://owni.fr/2012/04/06/les-liaisons-ambigues-des-hackers-avec-larmee/#comments Fri, 06 Apr 2012 17:14:06 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=104993

Petit coup de tonnerre dans la communauté hackers/makers, ces adeptes de la bidouille créative : Mitch Altman, gourou respecté du DIY (Do it yourself, fais-le toi-même), co-fondateur du hackerspace de San Francisco Noisebridge, a déclaré publiquement sur la mailing list de hackerspaces.org qu’il ne participerait pas au Maker Faire, LE raout annuel des makers qui avait rassemblé 100 000 personnes lors de sa dernière édition en Californie.

En cause, ce qu’il considère comme une compromission de Maker Faire avec la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), l’agence de recherche et développement du Pentagone :

C’est officiel. Je suis très attristé de ne pas pouvoir aider cette année Maker Faire après qu’ils ont postulé et obtenu une bourse de la Darpa. J’attends avec impatience de travailler et m’amuser de nouveau à Maker Faire, dès qu’ils ne collaboreront plus avec la Darpa.

Hacker qui bat

Hacker qui bat

Mitch Altman, 55ans, prince des hackers au beau visage serein, est de passage en France. Après des rencontres à Rennes, la ...

Cette bourse concerne un programme éducatif de la Darpa baptisé Mentor (Manufacturing Experimentation and Outreach) visant à la création de nouveaux outils de design et de pratiques collaboratives de fabrication à destination des étudiants. Il s’inscrit dans un projet plus global, Adaptive Vehicle Make, dont le but est de “révolutionner la façon dont les systèmes de défense et les véhicules sont conçus.”

Dans le même temps, Jerry Isdale, membre du hackerspace hawaien Mauimakers annonçait avec joie que le hacker space program, un projet international d’exploration de l’espace, avait été retenu par la Darpa pour négocier un contrat. Cash, dans tous les sens du terme :

Ceux qui veulent descendre en flamme le fait de recevoir de l’argent du gouvernement peuvent le faire.  On ne vous donnera pas d’argent.

Deux annonces qui ont suscité des réactions, entre autres sur la mailing list, symptomatiques du lien ambigu que la communauté entretient avec la prestigieuse Darpa, entre considérations morales, financières et patriotiques. Et au-delà sur le degré de politisation. Pour Mathilde Berchon, qui s’est immergée plusieurs mois dans la communauté des makers de San Francisco :

Le débat montre le clivage entre les vrais hackers, plus politisés, militants, certains sont même anarchistes, et l’essentiel des troupes, qui se reconnait davantage dans la communauté maker. Le type-même, c’est le bon père de famille qui bricole dans son garage en buvant de la bière, qui aime son pays et veut le défendre, sans être un gros lourd patriote. Avec cette bourse, Make prend le risque de se couper de la frange la plus radicale.

In fine, ce pavé dans la mare qui oblige tout le monde à prendre position redessinerait une ligne de clivage qui tend à s’effacer entre hackers plus subversifs et makers davantage dans le rang.

Botter en touche

Dale Dougherty, figure non moins emblématique de la communauté, co-fondateur de l’éditeur de manuels de programmation O’Reilly media et du magazine Make, organisateur de Maker Faire, justifiait très vite dans un long billet son choix, tout en disant respecter la décision de Mitch :

Notre programme encourag[e] les écoles à impliquer davantage les enfants dans le “faire”, en créant des makerspaces et en fournissant un accès à ces outils pour les projets d’étudiants, et à utiliser Maker Faire pour diffuser plus de travaux d’étudiants.

Nous avons été motivés pour postuler à la bourse de la Darpa par la déclaration suivante qui faisait partie du programme Mentor : “un des plus grands défis auquel nous faisons face en tant que nation est le déclin de notre capacité à fabriquer des choses.”. Dr Regina Dugan, alors directrice de la Darpa.

“En tant que nation” : car le programme se limite aux écoles américaines, et tant pis si l’éthique hacker se fiche de la notion de frontière. Dale Dougherty met fin au passage à des “spéculations” qui ont circulé dans le milieu : oui, les logiciels seront bien développés en open source, c’est une exigence du programme ; non, le travail des étudiants ne sera pas la propriété de la Darpa ; oui, des militaires ont bien participé à Maker Faire à Detroit ; oui, ils travaillent avec la Nasa, le ministère de l’Education et la National Science Foundation parce que “si vous voulez travailler dans l’éducation, vous devez travailler dans le gouvernement.”

Tout en rappelant bien que les fonds de la Darpa ne représentent qu’une facette de leurs activités éducatives. Mais ce qui gêne Mitch Altman et bien d’autres, c’est que la Darpa fait partie du complexe militaro-industriel. Un point que Dale Dougherty n’évoque pas son article, comme le faisait remarquer un membre du hackerspace californien HeatSync sur la mailing list de hackerspaces.org. Ce qui lui vaudra de se faire traiter de “noble troll” (sic).

Ses arguments reviennent à dire “la fin justifie les moyens”. Il ignore les objections sur le complexe militaro-industriel, et nous rassure à la place en nous parlant d’open source. Pourquoi les militaires devraient financer l’éducation alors que les dépenses militaires ont été astronomiques mais les dépenses d’éducation fortement réduites cette dernière décennie ?

Dale Dougherty ne fait que botter en touche  :

Le MIT est connu pour avoir produit plus d’un hacker. Le MIT produit aussi des ingénieurs qui travaillent dans une multitude de champs, y compris dans l’armée. C’est vrai de toute université qui forme des scientifiques et des ingénieurs aux États-Unis.

Mathilde Berchon a un point de vue nuancé sur Dale Dougherty :

Il croit que ses idéaux sont si forts qu’ils ne se laisseront pas manger.

Bisounours

En face, on oppose aussi le côté Bisounours du “puriste” Mitch Altman, qu’il est facile de renvoyer à ses arguments plus blancs que blancs : si l’on suit son raisonnement, il ne faudrait plus utiliser Internet, qui est l’avatar moderne d’Arpanet, le réseau de communication a été mis en place pour relier les universités collaborant avec la Darpa. Il a donc un bon gros gène militaire.

Jerry Isdale, notre hacker enthousiaste à l’idée de recevoir des fonds de la Darpa pour le hacker space program y va de sa pique toujours sur la même mailing list, en mode jésuite mal dégrossi :

Désolé mais je suis un peu troublé par la décision de Mitch [qui va aussi ] se rendre en Chine et assister au Maker Carnival, etc. L’État  socialiste/communiste chinois, en tant qu’État socialiste/communiste, est très investi dans l’industrie, le tourisme, le secteur militaire et les occupation d’anciens pays, le Tibet par exemple. La Chine essaye d’améliorer sa sécurité intérieure et son armée grâce aux technologies occidentales. Aller en Chine est autant un soutien à la répression au Tibet qu’aller à Maker Faire l’est au département américain  de la défense.

Un mythe débauché par la Darpa

Ces échanges virulents, parfois violents, passionnés se poursuivront de visu. Mitch Altman a l’intention de faire un débat lors de la conférence HOPE #9 (Hackers on planet Earth), qui aura lieu à New York en juillet. Et il compte bien faire venir un vieux de la vieille qui en sait long sur le sujet : rien moins que Mudge, figure mythique débauchée par Darpa.

Petit retour dans le passé. En 1998, les membres du hackerspace le L0pht à Boston expliquent au Sénat américain qu’ils peuvent éteindre Internet en trente minutes. Parmi cette fine fleur des hackers tendance hardcore, on trouve Mudge, Peiter Zatko de son vrai nom, également membre du célèbre Cult of the dead cow. Loin d’être une provocation sans fond, il s’agit de mettre en garde le gouvernement contre les failles de sécurité informatique.

Mudge, comme d’autres hackers, continuera de collaborer avec l’État américain. À tel point qu’il travaille depuis 2010 pour Darpa, qui l’a embauché comme chef de programme pour la cybersecurité dans le cadre du projet Cinder (Cyber Insider Threat). Son objectif ? Empêcher qu’un nouveau WikiLeaks fasse des ravages. Il est aussi à l’initiative du programme Cyber Fast Track, lancé l’année dernière, qui fait ostensiblement de l’œil aux hackers. Visant des contrats courts, CFT opère en mode agile, avec un délai de sept jours pour donner le go à une proposition. Inutile de dire que le concept a fait parler de lui dans la communauté.

Crédit photos CC Flickr Paternité The U.S. Army, Orin Zebest et tibchris

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