OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Tournez manettes! http://owni.fr/2011/11/15/jeux-videos-game-story-joystick-wii-xbox/ http://owni.fr/2011/11/15/jeux-videos-game-story-joystick-wii-xbox/#comments Tue, 15 Nov 2011 10:01:08 +0000 Trois Couleurs http://owni.fr/?p=86877 À l’occasion de l’exposition Game Story, au Grand Palais, OWNI s’associe au magazine Trois Couleurs pour vous proposer une petite histoire des manettes de consoles de jeux. Issue du hors-série concocté par la rédaction de Trois Couleurs, “Games Stories”, et augmentée de quelques vidéos savamment choisies, elle vous permettra de goûter quelques-unes de ces madeleines, que sont devenus, pour certains, les jeux vidéo vintage.

De la guerre des boutons à l’effacement total, la forme et l’usage de la manette sont les meilleurs baromètres de l’évolution technique du jeu vidéo. Ces outils de contrôle en disent long sur notre manière de concevoir ce loisir, de la bizarrerie occulte à la grand-messe familiale. Tantôt prolongement du clavier lorsqu’elle regorge de boutons, tantôt prolongement du corps humain quand elle est remuée, la manette cristallise bon nombre de fantasmes vidéoludiques. On l’accable de tous les maux dans le film eXistenZ de David Cronenberg : elle y est invasive, douée de conscience, tout en protubérances organiques.

En 2006, l’arrivée de la Wii et de ses contrôleurs que l’on doit faire gigoter pour mimer les actions représentées à l’écran, a été une révolution dans la manière même de jouer, d’associer le très grand public à une culture portée jusque-là par la recherche de la plus grande dextérité, tournant parfois le dos au but premier : l’éclate entre copains. La Wii a été aussi le support de blagues vaseuses, lignes de défense sommaire des squatteurs mâles des canapés, face à la féminisation de la pratique : “Avec Mario Kart sur la Wii, tourner la manette comme une fille, ça sert enfin à quelque chose.”

Mais nous, on a toujours connu des mecs qui bougent à gauche ou à droite dans les virages. À moins qu’on ne les connaisse pas si bien que ça. Pour en avoir le cœur net, on a demandé son avis à une psychomotricienne, Alexandrine Saint-Cast :

Bouger tout le corps, c’est une manière de jouer au départ. Un joueur débutant, par exemple un enfant, est encore dans un élan naturel : pour faire bouger quelque chose, il mobilise tout son corps. ‘‘L’apprentissage’’ du jeu consiste à ne plus utiliser qu’une partie du corps – les mains en l’occurrence. Cela n’a rien à voir avec le sexe. Une joueuse expérimentée ne bouge plus, car son entraînement, cet apprentissage, lui a permis de bâtir une carte mentale.

Bâton de joie

Le jeu vidéo a lui aussi connu une enfance, une époque où les joueurs étaient encore vierges de toute carte mentale, un moment où s’est posée la question de concevoir l’interface permettant de traduire les échanges entre le programme et son utilisateur. Question qui en appelle une autre, au centre des tous les développements ultérieurs : la manette doit-elle être un prolongement de la machine ou de l’homme ? Au départ, on va à l’évidence. L’outil qui permet de créer le jeu est l’outil qui permet de s’en servir. C’est le clavier. Dès le début des années 1960, les représentations vidéoludiques vont prendre le parti de placer le joueur dans des situations étrangères de son quotidien, mais non dénuées d’une certaine réalité.

Dans la lignée de Spacewar!, de nombreux titres de la décennie font de nous des pilotes d’aéronef. Pour diriger les vaisseaux, les constructeurs vont donc naturellement verser dans le mimétisme avec la reproduction de versions a minima du manche à balais (ou joystick en anglais), dont la sémantique graveleuse est à chercher d’avantage du côté de l’aviation que du jeu vidéo. La manette est alors intimement liée à sa fonction : ce n’est pas encore une ardoise vierge sur laquelle toutes les combinaisons sont possibles. Le joystick ne sert qu’à se déplacer et à tirer des projectiles. L’évolution technique des machines ludiques – produit de l’augmentation de leur puissance de calcul – permet vite d’étendre la palette des incidences du joueur sur le programme.

Les premières interactions entre l’avatar du joueur et son environnement (actionner des interrupteurs, ramasser des objets…) vont tirer le contrôleur hors du monde de l’ordinateur et des machines volantes : les boutons font leur apparition. Et avec eux, le manche à balais va se résumer, pour des soucis d’ergonomie, à une croix directionnelle. Cette association culminera en 1989 avec la Game Boy. Deux, puis trois, puis quatre boutons : les manettes des années 1980 bourgeonnent à mesure que les jeux offrent une gamme de plus en plus complète de mouvements à leurs héros. Tant et si bien que le contrôleur se rapproche d’un instrument de musique : chaque touche ne produit pas un son mais une action, sommant le joueur de muer en maestro, en virtuose. Résultat : les doigts sont perclus d’ampoules et l’optimisation des manettes fait face à une impasse.

Croix contre bâton de pèlerin

Il faut attendre 1996 et 1997, avec les sorties respectives de la Nintendo 64 et de la manette DualShock de la PlayStation, pour assister à un chamboulement. Si les deux consoles marquent un cap technologique, leurs manettes ne sont pas en reste. La croix directionnelle est ici concurrencée par l’arrivée en fanfare du stick analogique, un joystick riquiqui. Son intérêt, c’est d’autoriser des déplacements au millimètre et surtout en diagonale, avec une aisance interdite à la croix directionnelle. C’est le premier grand débat sur les manettes : d’un côté, ceux qui portent leur croix avec une fidélité à toute épreuve ; de l’autre, les réformateurs qui prennent leur bâton de pèlerin pour faire l’apologie du stick. Mieux, ces deux manettes présentent des gâchettes, côté face ou sur la tranche. Ainsi, les pouces se retrouvent quelque peu déchargés de la responsabilité unique d’imprimer des actions à la machine.

Mais c’est le principe de la gâchette (que l’on retrouvait déjà sur le joystick mais uniquement dans sa fonction première : tirer) qui va faire entrer le système des contrôleurs dans une autre dimension : celle des combinaisons contextuelles. Prenons l’exemple d’Ocarina of Time, l’épisode de la saga Zelda sur Nintendo 64 sorti en 1998. Il tire profit de ces nouveaux systèmes de dialogue entre le joueur et la machine. On y suit le personnage de Link, toujours en quête de paix et de la princesse Zelda. La caméra se trouve dans son dos pour profiter au mieux de superbes environnements – que l’on parcourt grâce au stick. Cette disposition de caméra en retrait n’est pas des plus pratique pour affronter les ennemis. Et voilà qu’entrent en jeu les gâchettes, permettant de verrouiller une cible dans son champ de vision. La caméra s’approche et ne quitte plus l’adversaire. Et puisque l’on est passé en mode combat, les boutons qui servaient à la promenade la minute d’avant, déclenchent désormais des gestes offensifs ou défensifs.

Une gâchette pressée change donc les fonctionnalités assignées aux boutons. Un peu comme les raccourcis clavier. Cela maximise le nombre d’actions intégrées au jeu et développe les compétences des gamers qui réalisent tout le potentiel que l’on peut désormais tirer des manettes. Standardisée, la même manette sert pour tout type de jeu. “Que vous fassiez des acrobaties dans Tomb Raider, conduisiez une voiture ou pilotiez un hélico, la manette est identique. Elle est plus proche de la machine que du joueur”, souligne Alexandrine Saint-Cast. C’est encore vrai à la fin des années 1990 puisque l’interface manette n’a qu’un rôle : souffler à la machine ce que l’homme lui demande de faire.

Casse-tête psychomoteur

Le rapport s’inverse au début des années 2000 avec les manettes des toutes neuves PlayStation 2 et xBox. Si en soi l’ajout d’un second stick analogique n’est pas un chambardement technologique, le rôle qu’on lui donne rapproche la manette davantage de l’homme que de la machine, devenant le poisson pilote de l’immersion du corps dans le virtuel par le biais de l’avatar. Heureusement, c’est beaucoup plus clair avec un exemple. Les jeux de tir à la première personne [ou FPS, NdlR] , où la caméra est placée à hauteur des yeux d’un personnage dont on ne peut voir le visage que si l’on passe devant un miroir, sont restés pendant longtemps la chasse gardée du PC. Pas par coquetterie mais parce que seule la souris d’un ordinateur permettait d’assurer un déplacement fluide de la caméra (et donc de la vue du joueur). Désormais, on peut s’y essayer sur console (second débat qui renforce la guerre de mauvaise foi entre PCistes et consolistes) : le stick gauche conserve ses fonctions de déplacement du corps dans l’espace, tandis que le stick droit prend en charge les mouvements de caméra, donc du cou ou des yeux.

Pour la première fois, on peut avoir l’impression de bouger derrière l’écran. À moins que ce type de manettes ne donne pas dans l’immersion mais plus exactement dans la substitution, comme le suggère la psychomotricienne.

Que ce soit par le truchement d’une manette, d’un bouquin ou d’une musique, le risque, c’est de se couper de son corps. Lorsqu’un enfant est trop longtemps plongé dans cet univers virtuel, on peut observer des carences dans le référentiel corporel, des troubles de la conscience du corps.

Sans aller jusque-là, l’apprentissage de la gestion des deux sticks est un véritable casse-tête psychomoteur pour les nouveaux comme les anciens joueurs. Il faut compter une trentaine d’heures de jeu pour ne plus s’emmêler les pinceaux, se construire une nouvelle carte mentale.

Corps-manette

Interactions avec le jeu des boutons et gâchettes, immersion avec la gestion des déplacements et du regard : la manette s’est rapprochée de l’homme pour en être le guide, elle s’est éloignée de l’outil pratique et lié à sa machine (clavier, joystick). Ce qui conduit Microsoft à développer en 2010 le principe Kinect, où le corps humain n’a même plus besoin de médiation. Il ne s’agit pas de confondre le corps de l’avatar et le corps du joueur. Ils sont distincts. Simplement, le corps humain est devenu la manette. Nous ne nous dirigeons pas, nous pilotons une marionnette.

La même année, Sony choisit la piste de la Wii avec le PS Move [pour Playstation Move, NdlR] : revenir aux temps du mimétisme des outils avec un contrôleur qui les renfermerait tous. Outil contre corps, médiation contre assimilation, les prochaines années vont sanctionner l’une des deux approches ou asseoir une coexistence – casse-tête pour les développeurs. Et on fait tourner les manettes.


Article initialement paru dans le hors-série Games Stories du magazine Trois Couleurs

Illustration de Julien Canavezes pour Trois Couleurs, tous droits réservés.

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VENDREDI C’EST GRAPHISM S02E17! http://owni.fr/2011/04/29/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s02e17/ http://owni.fr/2011/04/29/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s02e17/#comments Fri, 29 Apr 2011 12:32:12 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=59712

Bonjour à toutes et tous, et bienvenue pour ce nouvel épisode de Vendredi c’est Graphism !

Au programme de la semaine, une vidéo ninja tout en couleurs, on va réfléchir aussi autour de la Comic Sans, sujet inépuisable du graphiste. Vous découvrirez aussi le travail hacking-artistique de Jesse Hulcher, le générateur de texte de hacker ou encore une sympathique datavisualisation sur les utilisateurs de Mac et de PC ! Pour finir je vous propose de jeter un œil à une application iPhone qui change la consommation en musique et à ce petit WTF à base d’une mamie un peu geek !

Bon vendredi et bon graphisme !

Geoffrey

On commence notre revue de la semaine avec la courte animation qui commence à faire le tour du web, il s’agit d’un travail très intéressant, coloré et graphique réalisé par Eric Power. Son titre, « Path of Blood – un démon à la croisée des chemins du destin », est assez évocateur, on imagine déjà le long métrage, mais il s’agit en fait d’un court métrage d’animation tout en papier. Beaucoup de talent, d’humour et des « effets spéciaux en papier » à couper le souffle, personnellement, j’adore !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Un lecteur d’OWNI m’a envoyé cette semaine une étude publiée dans Cognition, une revue dans laquelle des psychologues de Princeton on prouvé que lorsqu’il s’agit d’apprendre quelque chose, les typographies les plus répandues sont bien plus efficaces que les typographies les moins “communes”. Je vous le donne en mille : quelle est la typographie imprimée la plus utilisée et la plus lue ? La Comic Sans MS bien entendu.

Mieux encore, une expérience a ainsi été réalisée sur des étudiants de Chesterfield (dans l’Ohio). Les chercheurs ont ainsi donné à un groupe d’étudiants tous leurs cours rédigés en Monotype Corsiva, à un autre groupe, en Haettenschweiler et à un dernier groupe d’étudiants, en Comic Sans MS italique. Après plusieurs semaines d’apprentissage, les étudiants ont passé un examen: dans toutes les matières sauf en chimie, les étudiants qui ont suivi le cours en Comic Sans MS ont obtenu de meilleurs résultats !

Alors certes, ce n’est pas une typographie qui fait l’intelligence de l’apprentissage mais elle y contribue en partie grâce au rôle qu’elle a de fluidifier la lecture et de faciliter la reconnaissance des mots. Je me demande maintenant s’il ne serait pas possible d’analyser typographiquement quels sont ces éléments facilitateurs que possède la Comic Sans afin, pourquoi pas, de les reprendre et d’en faire une typographie plus élégante et visuellement correcte, tout en gardant cette facilité de lecture. Allez savoir si cela est possible !

source [en] | source [en, pdf]

On enchaîne avec le travail de l’artiste contemporain, Jesse Hulcher. Plus précisément, je vous présente sa dernière installation artistique réalisée dans une galerie à Pittsburgh. La pièce se compose d’une clef USB de 4Go dans laquelle il y a 1,82 Go de données téléchargées illégalement. Une liste papier accompagne la clef USB et présente ainsi tous les médias « volés » (le terme employé dans l’œuvre n’est pas exact, le partage n’étant pas du vol) et illustre l’emplacement de ces fichiers sur le disque dur de son ordinateur. Je trouve l’œuvre assez simple et expressive mais derrière se cache la question, comme bien souvent en art, de la légalité de l’œuvre ainsi que de sa réalité. Est-ce que par exemple, en France, Hadopi pourrait accuser un artiste qui aurait réalisé ce type d’œuvre ? Allez savoir…

source

C’est le site de la semaine qui en aura fait sourire plus d’un, il s’agit de « Hacker Typer » ! Hacker Typer est une page Internet qui, lorsque vous écrivez dessus, vous retranscrit des lignes de code vertes sur fond noir… Comme un “véritable hacker”) ! Essayez de passer la page web en fullscreen pour plus d’effet ! Côté graphisme, ce qui est intéressant c’est la façon dont est connoté le texte vert sur fond noir. De Hacker, Nirvana jusqu’à Matrix, les films n’auront eu de cesse de nous présenter cet imaginaire visuel du hacking. Le site Hacker Typer

hacker Comment vous faire passer pour un hacker ?

Toujours cette semaine, cette visualisation de données aura été celle qui aura créé le plus d’émoi ces derniers temps car elle aborde un sujet qui touche le cœur des fanboys (d’Apple ou de Microsoft). C’est donc le site Hunch.com qui nous a présenté ces informations visualisées sur la différence entre les utilisateurs de Mac et de PC !  En quelques mots, l’image nous fait ressortir que les utilisateurs de Mac sont plus susceptibles d’être de jeunes libéraux et de vivre dans les villes. De même, les utilisateurs de Mac sembleraient être de plus grands fêtards que les utilisateurs de PC. Bref, si ces questions vous intéressent, je vous invite également à aller jeter un oeil du côté de ce qu’est un graphiste sur PC, car oui, ça existe ! ;-)

source

Nous sommes entourés par des code-barres, là, rien qu’autour de vous, je suis sûr que vous en avez bien quelques-uns. Derrière vos livres, sur un paquet de céréales ou même dans vos vêtements, les codes-barres sont partout ! C’est pourquoi Leo van der Veen a créé Barcodas (disponible sur iTunes), une application iPhone qui vous permet de numériser tous ces codes et de transformer en mélodies. L’application scanne tous les codes et les transforme en une boucle musicale qu’il vous suffira de modifier selon vos préférences. Bref, je vous laisse imaginer les concerts qu’il serait possible de faire rien que dans la superette du coin

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

On termine avec… le WTF !

Il ne fallait surtout pas la rater, cette vidéo sortie cette semaine réalisée par les étudiants de l’IIM (Institut de l’Internet et du Multimédia) dans le but de promouvoir leur école a énormément d’humour ! Les étudiants ont donc réalisé ce petit clip avec la complicité de Lucienne (mais si, vous savez la fameuse Lucienne du Petit Journal de Canal+). Bref, Lucienne nous offre un grand moment de rigolade avec des expressions qui feront trembler les n00bs ! ;-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour conclure ce gros épisode de la semaine, je vous invite à Paris au Vernissage du photographe Pierre Bodilis, (qui continue jusque fin mai !). N’oubliez pas non plus de réserver votre 7 mai pour les puces typographiques ! De plus, s’il vous reste du temps, vous pourrez toujours aller troller les commentaires de vos blogs favoris avec cet excellent générateur de commentaire de troll !

Allez, bon week-end :-)

Geoffrey

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Trouver un jeu de mot avec “iPad”, en guise de titre http://owni.fr/2010/04/04/trouver-un-jeu-de-mot-avec-ipad-en-guise-de-titre/ http://owni.fr/2010/04/04/trouver-un-jeu-de-mot-avec-ipad-en-guise-de-titre/#comments Sun, 04 Apr 2010 08:36:52 +0000 rafi Haladjian http://owni.fr/?p=11569 L'ordinateur, c'est bon pour le boulot. Photo CC Flickr bunchofpants

L'ordinateur, c'est bon pour le boulot. Photo CC Flickr bunchofpants

Disons-le tout de suite : je n’aime pas Apple. Le culte aveugle, convenu et imbécile -comme tous les cultes- qu’on voue à Apple me gêne. Le regard à la fois détaché et supérieur de ceux qui arborent leur iBook avec sa glorieuse Pomme ostensible et lumineuse m’a toujours semblé grotesque.

Personnellement je suis un pauvre type et je continue à m’accrocher à un ordinateur sous Windows XP perclus de rhumatismes mais qui depuis un certain temps me semble extraordinairement plus ouvert que le monde magico-carcéral d’Apple. Ironiquement, ayant vendu Pixar à Disney, Steve Jobs est devenu le nouveau Disney : tandis que Disneyworld devient kitsch c’est Apple qui crée désormais des expériences merveilleuses, fliquées jusqu’au dernier bouton de guêtre, dans lesquelles des utilisateurs, des étoiles dans les yeux et bavant de bonheur, sont susceptibles d’abdiquer toute volonté et consommer ce qu’on leur dit de consommer. Les nouveaux produits d’Apple sont de plus en plus conçus comme des parcs d’attraction dans tous les sens des termes.

Étant donné ce qui précède et, ne fusse que par pure mauvaise foi, j’aurais donc une tendance naturelle à dire du mal d’Apple et en particulier de l’iPad.  Je rêvais, à l’occasion de l’annonce du 27 janvier, d’une Barack Obamisation de Steve Jobs : un jour, ces gens qu’on pense surnaturels, infaillibles et providentiels deviennent bêtement humains par excès de confiance, par panne d’imagination ou à cause des lois de la gravitation. Mais voilà, malgré l’exaspérant show d’autoglorification, malgré la vidéo sur Apple.com dans laquelle les gens ont tous l’air halluciné d’effrayantes Bernadette Soubirous, malgré leur chapelet de superlatifs incantatoires : je dois reconnaitre que l’iPad est un objet révolutionnaire au sens plein de révolutionnaire.

Oui, l’iPad n’est jamais qu’un iPhone maxi ; non, l’iPad ne fait pas de multitasking ; non, il ne tourne pas sous Mac OS mais sous iPhone OS ; oui, il n’a qu’un pauvre clavier virtuel de merde. Mais ce sont précisément tous ces choix qui font de l’apparition de l’iPad un évènement majeur : l’iPad inaugure la fin officielle de l’Informatique pour introduire vraiment la vie numérique (l’expression est plouc mais je n’en ai pas trouvé d’autre).

Le PC, élevé dans le monde de l’entreprise

Depuis quasiment les débuts et jusque dans le dernier des netbooks, tous nos ordinateurs se sont inscrits dans une même trajectoire. Leur code génétique est resté celui de la machine à écrire, c’est-à-dire d’un outil de travail. Né dans un labo mais élevé dans le monde de l’entreprise, l’ordinateur a conservé son ADN de poste de travail. Un ordinateur est un truc en face duquel on s’installe pour travailler, en tout cas pour passer du temps. Même quand il est posé sur les genoux, la position du corps implicitement induite par sa forme et par la prééminence de son organe clavier est celle de la dactylo raide sur sa chaise. Le corps doit se placer de sorte à pouvoir taper sur un clavier. Ce clavier nous rappelle les valeurs fondamentales de l’objet : nous sommes là pour entrer des choses, pour travailler, ceci est un outil de productivité.

Les logiciels eux aussi traduisent une conception de l’ordinateur héritée du monde du travail. Ils sont gros comme des investissements, complexes comme des outils professionnels. Ils mettent un certain temps à démarrer parce qu’ils présupposent toujours un monde dans lequel on passe un certain temps devant son ordinateur, ou être devant un ordinateur est une activité pleine, exclusive et durable qui justifie un entrainement et de la patience.

Photo CC Flickr Tom Raftery

L'iPad est issu du téléphone mobile, ce qui change tout. Photo CC Flickr Tom Raftery

L’iPad vient de manière radicale rompre cette lignée évolutive. Comment ?

De l’origine des espèces ( « mais ce n’est qu’un iPhone géant, hi hi !») : l’iPad ne s’inscrit pas dans la descendance génétique du Grand Ordinateur mais de celle du téléphone mobile et ça change tout.

Au lieu de l’approche traditionnellement suivie du top down, dans laquelle on part de l’Ordinateur bouffi pour le simplifier, Apple adopte une approche bottom up : partir du monde par nature simplifié du téléphone mobile pour l’amplifier. Ce faisant, il se débarrasse de l’héritage encombrant d’outil de travail et toutes ses scories que se trimbale l’Ordinateur génération après génération. Sur un téléphone mobile, la place est chère, en ressources, en espace d’écran, en temps disponible de l’utilisateur, en confort de l’environnement. Ici pas de place pour des logiciels, il faut faire des applicationnettes, ces petits objets spécialisés à fonctions réduites, simples comme des peignes, qu’on lance pour quelques minutes avant de reprendre le cours de sa vie. Sortir du paradigme du poste de travail pour entrer dans celui de la vie numérique c’est cela : la relation avec l’ordinateur n’est plus un moment exclusif, une session pour laquelle on s’installe, mais une succession d’échanges courts tout au long de la journée. La vie prend le dessus sur l’ordinateur. La vie numérique n’est pas faite de moments on et de moments off, elle est faite d’activités ordinaires avec une surcouche, un renfort, une ombre, un référent, une assistance numérique permanente. Dans ce rôle de prothèse, la culture du téléphone mobile, de l’iPhone OS est beaucoup plus pertinente que celle de l’ordinateur et de son Mac OS. Dans ce contexte l’absence de multitasking n’est finalement même pas un manque, c’est la logique même : dans la vie numérique vous multitaskez votre vie avec une application et non pas deux applications entre elles comme sur un ordinateur auquel vous vouez votre temps.

Arrêtons ce mythe du web 2.0 et du UGC

Atrophie du clavier : dans la téléphone mobile la sélection naturelle a très vite cherché à planquer ce clavier trop encombrant. Descendant de l’espèce, c’est naturellement que l’iPad se débarrasse de cette excroissance génétique des ordinateurs. Ce faisant, il introduit dans le monde de l’informatique ce qui fait le A de ADSL. En télécom ce A veut dire asymétrique et signifie que l’utilisateur envoie beaucoup moins de données sur un réseau qu’il n’en reçoit. L’utilisateur est le plus souvent passif. Cela va à l’encontre de la conception d’outil de travail, de productivité qu’ont toujours les ordinateurs. L’iPad nous dit : arrêtons ce mythe du web 2.0 et du contenu généré par les utilisateurs. La grande majorité des utilisateurs sont passifs et se contentent de consommer ce qu’un très petit pourcentage de gens produisent. Pourquoi faut-il continuer à imposer un clavier si encombrant pour entretenir l’illusion de l’utilisateur producteur ? À quoi bon un clavier pour écrire confortablement des textes longs quand la capacité d’attention que les gens ont à vous consacrer n’est que de 140 caractères ? À quoi bon un clavier dur, entier et permanent quand tout ce qu’on est dans la vie c’est au mieux un retweeter.

Je pense que l’iPad n’est pas une catégorie bâtarde entre le téléphone portable et l’ordinateur. Je pense qu’il est la future catégorie principale. Aujourd’hui la majorité des ventes d’ordinateur se font dans le grand public à qui, pourtant on continue à proposer des descendants de postes de travail. L’iPad devrait, je crois assez rapidement, faire sortir les ordinateurs du tableau, les marginaliser, les renvoyer dans les bureaux ou les data center, à les rendre aussi pertinents dans le monde domestique qu’une machine à affranchir.

Apple veut prendre le contrôle de toute la vie

Il parait tout à coup dérisoire le temps où Microsoft était maître du monde juste parce qu’il faisait des logiciels pour écrire des rapports que personne ne lit, des présentations stériles et des feuilles de calcul. Apple veut prendre le contrôle de tout le reste, c’est-à-dire de toute la vie et non pas celui de ces moments marginaux pendant lesquels effectivement on travaille.

Mais l’iPad n’est pas la fin de l’histoire. Il n’est qu’un chaînon dans l’évolution qui mène inéluctablement à la dis-apparition de l’ordinateur, c’est-à-dire sa fusion complète et limpide avec notre environnement et nos vies.

S’il modifie notre relation à l’ordinateur, l’iPad ne change pas le paradigme du guichet, celui de l’objet médiateur exclusif. Nous restons dans un environnement stupide dans lequel il est nécessaire de passer par une seule porte consacrée pour atteindre l’Intelligence, la Joie et le Commerce.

Dans le monde d’Apple, strictement monothéiste, il n’est de Dieu que Dieu et toute relation avec l’au-delà numérique doit passer par l’Objet Saint. Apple imagine un monde monomodal dont il serait le nombril. Pour cela, l’icône reste indispensable. Dans la vie numérique proposée par Apple, la prothèse doit rester apparente, ostensible, prosélyte. Comme disait Jean-Paul Sartre en parlant d’Apple, « le Media est le Message ».

L’avenir de la vie numérique est à la disparition du lieu de culte unique : tous les objets de la vie devraient pouvoir parler directement avec l’au-delà numérique, sans médiateur, de manière transparente et nécessairement banale. Il ne devrait plus y avoir d’Objet Élu.

Ce que Apple ne saura jamais faire, c’est devenir transparent or le sens de l’histoire serait qu’il le devienne. Quand le monde entier devient magique, on n’a plus besoin de Magic Kingdom.

Il y a quelques années Umberto Eco avait comparé Apple à Eglise catholique et Microsoft à l’Eglise protestante. Je pense qu’en ce qui concerne Apple cela devient encore plus pertinent qu’avant.

Voilà, for no special reason, j’avais tout à coup envie d’écrire tout ça, parce que j’ai encore un clavier.


Billet initialement publié sur Je m’appelle rafi ; image de une CC Flickr djcasti

À lire sur le même sujet : Kind(le) of a(n I)pad : du passé faisons tablette rase ; Apple iPad : analyse d’une déception logique

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Hadopi 2 : 649 amendements déposés à l’Assemblée Nationale http://owni.fr/2009/07/20/hadopi-2-649-amendements-deposes-a-lassemblee-nationale/ http://owni.fr/2009/07/20/hadopi-2-649-amendements-deposes-a-lassemblee-nationale/#comments Mon, 20 Jul 2009 09:45:30 +0000 Guillaume Champeau http://owni.fr/?p=1986 A la veille de l’examen du projet de loi Hadopi 2, les députés ont déposé 536 amendements sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Ils veulent retarder au maximum l’adoption du texte, dans l’espoir de la repousser au plus tôt au mois de septembre.

Mise à jour 11h17 : les amendements continuent d’être déposés. Ils sont désormais au nombre de 649. Un chiffre qui devrait encore progresser à mesure que les services de l’Assemblée Nationale les mettent en ligne.

Le Président de la République avait prévenu de son souhait d’aller “jusqu’au bout” dans l’adoption de la riposte graduée et de la loi Hadopi, malgré le coup de poignard reçu du conseil constitutionnel. Les députés de l’opposition ont bien entendu, et veulent voir où se situe “le bout” de Nicolas Sarkozy. Alors que les sénateurs n’avaient déposé qu’une dizaine d’amendements au projet de loi Hadopi 2, ce sont déjà 536 amendements que les députés ont rédigé pour l’examen du projet de loi relatif à la protection de la propriété littéraire et artistique sur Internet.

L’objectif est clairement de faire obstruction à l’adoption du texte dès cette semaine. Les travaux doivent débuter ce mardi à 9h30 pour s’achever sans doute très tard dans la nuit de jeudi, à la clôture de la session parlementaire. La nouvelle session ne reprendra qu’en septembre et est en principe consacrée aux gros morceaux comme les projets de loi de finances. En choisissant de jouer l’obstruction, les députés socialistes veulent faire d’une pierre deux coups : reporter la fin des débats à la rentrée parlementaire où le bénéfice politique d’une nouvelle victoire au Conseil constitutionnel sera le plus fort, et braquer les projecteurs médiatiques sur un projet de loi qui n’intéresse pour le moment pas grand monde.

Parmi les 536 amendements déposés, on note un très grand nombre de doublons qui seront éliminés par les services de l’Assemblée Nationale. Mais aussi beaucoup d’amendements de fond, ou d’autres beaucoup plus fantaisistes.

Le projet de loi étant censé protéger les créatifs, les députés ont décidé de l’être. Ils ont ainsi multiplié les amendements proposant de renommer le projet de loi. Copié-collé de nombreuses fois, l’amendement 372 propose par exemple d’intituler Hadopi 2 “Projet de loi visant à amplifier et aggraver les erreurs de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet“. Le 417 propose de l’appeler “projet de loi visant à ignorer la nécessité de créer un nouveau modèle économique de soutien à la création“. Le 401 est dans le même esprit : “Projet de loi visant à exclure toute adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique“. Dans son amendement 42, le très populaire Jean-Pierre Brard suggère lui de renommer le texte en “projet de loi tendant à préserver le patrimoine des artistes redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune et à leur faciliter l’accumulation du capital“. Ca promet une bonne ambiance au Palais Bourbon mardi.

Parmi les amendements plus sérieux proposés, on notera l’amendement n°9 de Lionel Tardy, co-signé notamment par Christian Vanneste et Jean Dionis du Séjour, qui propose de supprimer la mention relative aux communications électroniques dans la partie sanction, dont nous avions relevé l’effet pervers.

Dans un amendement n°2, Jean Dionis du Séjour propose par ailleurs de “remplacer la sanction de suspension par une amende proportionnée à l’infraction constatée“, de première classe. Mais il laisse à l’abonné le soin de démontrer son innocence, ce qui ne résout pas le problème posé par le projet de loi.

L’amendement n°14 propose de supprimer l’article 3 bis, jugé “lourdement inconstitutionnel” par MM. Tardy, Vanneste, Dionis du Séjour et consorts. C’est cet article qui crée le délit de “négligence caractérisée” à l’encontre du titulaire de l’abonnement à internet plusieurs fois averti par l’Hadopi. “Cet article ne manquera pas d’être censuré par le conseil constitutionnel s’il est saisi. Il est de notre devoir de parlementaire de voter une loi qui soit conforme à la constitution. C’est pourquoi il est nécessaire de supprimer cet article dont l’inconstitutionnalité est flagrante“, défendent les parlementaires dans les motifs de l’amendement.

Les socialistes ont quant à eux re-déposé des amendements qu’ils avaient déjà défendu sans succès avec l’Hadopi 1. Par exemple le 249 propose d’informer le consommateur “par voie de marquage, étiquetage ou affichage (…) de la part revenant à la création sur le prix de vente”. L’amendement 106 propose que le montant de l’abonnement que continue à payer l’abonné suspendu soit intégralement reversé à un fonds de soutien à la création.

Bien sûr, beaucoup d’amendements visent également à durcir les conditions du recours au juge, en éliminant par exemple la procédure de l’ordonnance pénale qui est vivement contestée.
Article initialement publié sur numerama.fr

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