Gainsbourg repris et augmenté

Le 4 mars 2011

Vingt ans que notre Gainsbourg national nous a quitté. Owni le célèbre à sa manière! Ecoutez les reprises des artistes Ownimusic et taggez le 5 bis rue de Verneuil.

Graffe le 5 bis rue de Verneuil

“Tout travail créatif est dérivatif”. Cette évidence rappelée par QuestionCopyright.org n’aurait pas déplu à Serge Gainsbourg, qui a laissé à la chanson francophone sans doutes une des œuvres les plus complexes et protéiformes, par la multiplicité de ses influences, tant musicales que littéraires.

Combien d’artistes peuvent se targuer d’avoir à ce point manié les différents styles musicaux souvent pour le meilleur et reconnaissons-le aussi parfois pour le moins bon ? Un tour d’horizon de ses titres les plus connus suffit à mesurer l’ampleur du phénomène dans son processus créatif. Jazz germano-pratin du Poinçonneur des Lilas (1958), rythmes africains de Couleur café (1964), Melody Nelson (1971) peut être rattaché au rock progressif, Aux armes etc (1979) est du reggae pur jus, et on finit sur de l’electro-funk avec You’re under arrest (1987).

L’image de génial touche-à-tout reste méritée : Gainsbourg ne se contentait pas de faire de pâles copies mais se les réappropriait après digestion solidement arrosée. Brassens, Ferré, Brel, Barbara, pour riche que fut leur œuvre, n’étaient pas dans une démarche aussi exploratrice.

Qui pour prendre la relève ?

Même poids des influences sur son écriture, qui balaye un spectre de près de deux siècles, de la littérature classique à l’argot, des vers de Baudelaire au franglais. Et au-dessus, trois figures tutélaires planent :

  • Arthur Rimbaud
  • Nabokov et son roman Lolita, dont la figure éponyme traverse toute son œuvre
  • Boris Vian, le “frère”, pour reprendre les termes de Juliette Gréco

Devant une telle somme d’influences parfois directes, certains ressortent l’accusation de pillage. Le critique rock Nicolas Chapelle répond que c’est un peu plus compliqué que cela, exemples à l’appui :

Il dépasse Vian dans la jonglerie verbale, avale les formules des réalistes, du jazz, du music-hall, ose tout, même l’impensable : croiser Fréhel avec Chopin, forcer Dvorak à dérouler un tapis rouge à sa pin-up, faire dîner l’exotisme et le classicisme au même banquet que Brassens.

Et de souligner qu’une telle démarche n’est pas à la portée du premier auteur-compositeur venu :

Pilleur ? Voleur ? Vulgaire ? Non. Gainsbourg est un érudit, et met son incommensurable culture au service de pièces populaires. Il s’agit presque d’une démarche didactique. Et qui diffère au final assez peu sur le principe de celle du sample.

Une démarche qui se rapproche de celle de David Bowie, pour Olivier Julien, musicologue spécialiste des musiques populaires à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV) :

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

Gainsbourg, Bowie, deux génies de la musique contemporaine. Est-ce à dire qu’une telle race d’artiste n’est pas prête de faire d’autres petits, même parmi ceux qui se réclament de lui ? Olivier Julien est pessimiste :

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On préfèrera finir sur une note plus gaie : le chanteur débutant qui peinait à boucler ses fins de mois est un des rares artistes français dont la renommée a largement et de façon durable dépassé la francophonie, comme en témoigne les nombreuses reprises/emprunts, en particulier par des Anglo-Saxons : Beck [en], Mick Harvey [en], ex-guitariste de Nick Cave and the bad seeds, Blonde Redhead ou encore Elysian fields dans la compilation Great jewish music, la boucle (de sample) n’en finit pas d’être bouclée.

La plupart des citations de notre application sont extraites de la biographie de Gilles Verlant, Gainsbourg, disponible en livre de poche.


Les artistes OWNImusic reprennent Gainsbourg

La Javanaise, Je t’aime, moi non plus, Aux armes, etc… Alors que l’on célèbre les vingt ans de la mort de Serge Gainsbourg, on peut parier sans risquer gros que les chefs-d’oeuvre habituels qui font les délices des compilations vont tourner en boucle. On nous refera aussi le coup du Gainsbourg devenu Gainsbarre, période 80’s si controversée sur le mode “Gainsbourg n’est plus ce qu’il était.”

Cette période est en fait plus complexe. S’il est vrai que l’artiste a produit un certain nombre de chansons douteuses, il a aussi écrit ses derniers chefs-d’œuvre. Des compositions dont la sensibilité vaut bien celle du Gainsbourg “présentable” de la période rive gauche ou du culte Melody Nelson. Il a aussi continué à creuser sa veine “porno oui mais avec les formes” (littéraires). Le tout malheureusement noyé sous des sonorités 80’s assez imbitables qui ont mal vieilli. OWNImusic a donc proposé à ses “poulains” de reprendre des titres de cette période, après un premier tri effectué par notre Gainsbourg Lover Sabine Blanc.

Hommage pas cher ? Faire un clip…

Comme vous le savez peut-être déjà, les droits d’auteurs, c’est toute une histoire. Donc, avant de s’engager dans une production trop coûteuse, nous nous sommes rapprochés des éditeurs du catalogue de Serge Gainsbourg afin de ne pas infliger à notre média des redevances trop lourdes. Après plusieurs coups de fil, nous nous rendons déjà compte de la disparité des critères de facturation. Chaque maison a sa politique et interprète le projet à sa manière. Si certains, en cette période où le back catalogue est largement sollicité, ne sont pas décidés à faciliter l’hommage, d’autres sont plus arrangeants et nous trouvons finalement la formule adéquate afin de pouvoir célébrer cette mort sans en provoquer une seconde (cf. Nicolas Voisin, notre boss).

On nous donne l’astuce : faire des clips. En raison de sa qualité promotionnelle des compositions originales, le clip est le seul usage autorisé sans que l’éditeur ne perçoive une redevance d’exploitation, dont le montant aurait pu monter à plusieurs centaines d’euros par titre pour une exploitation d’un an !  Nous avons donc dû imposer à nos interprètes de faire une vidéo, un jeu auquel ils se sont adonnés chacun à leur manière, avec les moyens du bord. Un exercice de style que chacun a présenté en quelques lignes.

Depression au-dessus du jardin par Olivier Samouillan feat. Charlotte Defourny

Il y a dix jours, je recevais un e-mail d’OWNImusic.com, il était question d’enregistrer le plus « rapidement possible » une chanson de Gainsbourg avec un clip à la clef… Je me suis tout de suite dit que les journalistes n’étaient que des gens complètement à côté de la plaque qui s’imaginent qu’on peut leur pondre des morceaux et des vidéos clips comme ça, dans l’urgence, comme eux le font avec leurs petits papiers inspirés de dépêches de l’AFP…

Me déranger alors que j’étais peinard dans ma cuisine à éplucher mes carottes en écoutant l’étude n°10 en Fa mineur opus 9 de Chopin !

Puis mes pensées erraient… de mes carottes à « l’homme à la tête de chou »… de Chopin à Dépression au dessus du jardin… Quelle belle chanson pour déprimer en beauté.

Je passais un coup de fil à Franck Leblond (assistant réalisateur), Bertrand Guillou (mon copain peintre qui fait des très belle toiles même que je viens de lui en acheter une) , David Poirier pour le son et le mix et enfin Charlotte Defourny, violoniste et chanteuse de talent avec qui j’avais déjà bossé sur des chansons de Gainsbourg que l’on peut écouter ici.

Nous nous retrouvâmes donc à 1 heure du matin dans ma cuisine (seul moment où tout le monde était disponible) et travaillâmes jusqu’au petit matin.

Je profite de ce billet pour m’excuser auprès de Katerina ma voisine allemande du dessous avec qui pourtant, jusqu’à ce fameux tournage, j’entretenais d’excellents rapports.

Cette chanson me hante depuis longtemps, je ne suis jamais aussi triste que quand le gain se barre…

Love on the Beat par The Randy Mandys

Il y a 10 jours, nous recevions un mail d’OWni Music  ayant pour objet “[URGENT] reprises Gainsbourg”. Il y était proposé un liste de morceaux du Gainsbourg des années 80, à revisiter. Une sorte de défi à relever pour nous, vu les délais de livraison, d’autant qu’à la base, qui aurait pu penser que Randy Mandys reprendrait un jour du Gainsbourg? Pas nous en tout cas.
Nous ne sommes pas des érudits de Gainsbourg mais l’idée de sa nonchalance affichée dans les 80′ qui fait mouche et qui touche nous a plu.

Le plan fixe révèle cela aussi puisqu’au delà de l’inertie ambiante, quelques détails du salon (Un paquet de Gitane, quelques vinyles bien placés…) qui nous rappellent le bonhomme, les pads et la boucle electro (Le charley qui tourne) qui sont typiquement du vintage 80 peuvent nous questionner sur cette nonchalance “gainsbourienne”. Jouée ou naturelle?

Pourquoi Love on the Beat ? On manquait de temps, encore, pour passer en revue tous les morceaux proposés, dont beaucoup qu’on ne connaissait pas. On s’est rabattus sur l’un des plus gros tubes de la liste, une compo très eighties, relativement simple à rejouer et donc ouverte aux expérimentations et orientations artistiques en tout genre. Love on the Beat est d’un goût très contestable, aussi classe que vulgaire… du pain béni pour nous.

Amour des Feintes par Paul École

J’ai toujours connu cette chanson, mais j’évitais soigneusement de l’écouter. Tout jeune, elle me donnait un cafard monstrueux, sans que je sache pourquoi… Aujourd’hui je pense que c’était essentiellement dû aux arrangements glacés de 1990. Et puis quand on est tout jeune, le texte ne peut pas nous toucher. Il faut avoir vécu des choses pour comprendre ces jolies phrases.

Cette chanson représente vraiment Gainsbourg pour moi : la rigueur absolue des rimes, le découpage des phrases, voire des mots, pour respecter strictement cette rigueur qu’il s’imposait. Et puis la musique… On sent dans cette chanson tout l’impact qu’a eu sur lui la musique classique (ici on reconnaitra nettement l’influence de Schubert et de Chopin).

J’ai voulu enregistrer ma version en une seule prise, pour tenter de conserver l’émotion du texte. J’ai été filmé de loin, et dans un miroir poussiéreux. J’ai du mal avec le fait d’être “vu”, et de me voir. Alors en utilisant ce biais du miroir, c’était plus facile.  À peine est-on filmé ou photographié, qu’on a déjà vieilli ou décliné. Je n’aime pas du tout…  Ça ne sert à rien. Comme le dit la chanson, “jamais ne serai comme avant”.

Sorry Angel par Puss In Boots

Pourquoi Sorry Angel ?

Universel
Mélancolique
Un des plus beaux textes sur l’érosion sentimentale
Un texte d’urgence et de détresse

Un souvenir contextuel :

Nos premiers pas sur la scène du Bataclan que nous avons partagé avec Aston Villa et Suzanne Combo.

Pourquoi Gainsbourg ?

Une référence incontournable pour nous, aussi bien dans la véracité et justesse des propos que dans la technicité et qualité mélodique.

Application :

Textes et sons : Sabine Blanc et Julien Goetz

Design : Loguy

Développement : Pierre Roméra

Crédits photos CC Flickr : yoyolabellut; lafuria

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