Le mari caché de Valérie Pécresse

Le 26 mai 2011

OWNI vérifie les déclarations d’intérêts des ministres. Focus cette semaine sur Valérie Pécresse et son mari, Jérôme. Sur la société suisse de ce dernier. Et sur ses proximités avec l'État.

Regard très critique sur la déclaration d’intérêts de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Chaque semaine, OWNI vérifie les déclarations d’intérêts des membres de l’exécutif, mises en ligne le 22 avril. Le chef du gouvernement François Fillon ayant demandé que ses ministres et secrétaires d’État se montrent exemplaires sur ce point.

Problème : le formulaire rempli par Valérie Pécresse se distingue par l’absence de références aux activités de Jérôme Pécresse, son époux depuis 1994. En page 3, dans la rubrique intitulée «Autres intérêts notamment familiaux que le membre du gouvernement estime souhaitable de désigner», il n’apparaît pas.

Après un début d’activité au Crédit Suisse, Jérôme Pécresse, ingénieur des Ponts et Chaussées, a fait l’essentiel de sa carrière au sein du groupe minier Imerys (ex Imetal). Un géant du secteur : 15 000 personnes, 3,4 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Au siège du groupe à Paris, il occupe depuis 2008 le poste de directeur général délégué. À travers le monde, Jérome Pécresse apparaît également dans d’autres sociétés rattachées aux activités minières du groupe. C’est le cas d’une société Suisse, Timcal, basée dans le canton italophone du Tessin, et que Jérôme Pécresse préside comme le montre cet extrait du registre des sociétés de la Confédération helvétique :


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L’absence de Jérôme Pécresse dans la déclaration d’intérêts étonne encore plus au regard de ses ambitions récentes. Le 1er février dernier, dans une tribune publiée par Les Echos, Jérôme Pécresse appelait à la création en France d’un pôle industriel dédié à la gestion des minerais rares. Suggérant à l’État de fonder un consortium spécialisé sur ce secteur, en s’appuyant sur le groupe français Eramet (spécialisé dans les minerais rares), et sur Areva (actionnaire d’Eramet). Jérôme Pécresse écrivait :

Il est stratégiquement essentiel que la France se dote de tous les moyens et de toutes les structures nécessaires, non seulement pour sécuriser son approvisionnement dans les matières premières minérales qui sont déjà importantes pour notre industrie ou le deviendront, mais également pour jouer un rôle stratégique de premier plan dans cette nouvelle cartographie des ressources mondiales (…) la ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Christine Lagarde, semble consciente de ce besoin (…)

Trois semaines après cette intervention remarquée, la Lettre A (sur abonnement), publication professionnelle consacrée aux réseaux politiques, estimait que l’Agence des participations de l’État (APE), dépendant de Bercy, soutenait une candidature de Jérôme Pécresse à la tête d’un éventuel consortium français spécialisé dans les minerais rares. La Lettre A écrivait :

Jérôme Pécresse (…) mène un intense lobbying pour prendre la tête du futur grand groupe minier français qui pourrait être issu d’une filialisation depuis Areva. Le patron de l’APE, Jean-Dominique Comolli, a récemment informé Patrick Buffet, le président d’Eramet, du soutien qu’il apportait à Jérôme Pécresse. Depuis l’arrivée en juin 2010 de Gilles Michel (ex-patron du FSI) chez Imerys, également comme DG adjoint, Jérôme Pécresse sait qu’il n’a plus aucune chance de devenir le numéro un du leader mondial des minéraux industriels. Candidat malheureux à la direction générale d’Eiffage en décembre, il cherche un autre point de chute.

Ces jeux de pouvoir auraient dû conduire Valérie Pécresse à mentionner les activités de son mari dans sa déclaration d’intérêts. Au moins pour une raison : les activités minières stratégiques en France sont largement sous l’influence de la puissance publique. Le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies – dépendant du ministère de l’Économie et des Finances – détermine la politique industrielle en ce domaine. En synergie avec les puissants réseaux de l’École des Mines, eux-mêmes en relation étroite avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dirigée par Valérie Pécresse.

Pour sa défense, la ministre évoque la possibilité que les activités de son mari soient répertoriées dans une partie demeurée secrète de sa déclaration d’intérêts. En effet, avant la mise en ligne des déclarations des ministres, le gouvernement a décidé que deux rubriques sur six ne seraient jamais rendues publiques. Remettant en cause la crédibilité de l’exercice. Ces rubriques couvertes par le secret concerneraient notamment les conjoints, c’est-à-dire les personnes susceptibles, par leur proximité, d’être le plus confrontées à des situations de conflits d’intérêts.

Illustrations Flickr Colodio by-nc-sa

Retrouvez les épisodes précédents : Frédéric Lefebvre dissimule ses intérêts, Nathalie Kosciusko-Morizet cachotière sur sa famille et l’intégralité de notre série de vérifications des déclarations d’intérêts des ministres du gouvernement.

Mise à jour, vend. 27 mai 11h40

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