SPEL it slowly: J.U.N.E!

Le 28 juin 2011

C'était juin, caniculaire et c'était épuisant! Récit de cette séquence hors norme que nous venons de traverser, et retour sur le précédent édito. Bel été!

Guillaume avait des cernes sous les yeux, les filles de la soucoupe mettaient des robes printanières. Mon CTO portait des shorts. C’était juin, caniculaire, et c’était épuisant ! Récit de cette séquence hors norme que nous venons de traverser.

Mon édito —à chaud— du 7 juin dernier a provoqué pas mal de réactions. J’y commentais sans prendre de gants la «décision» du fonds SPEL de recaler en grande partie le dossier d’OWNI. Oui, la décision (non définitive, certes) de la Commission du fonds SPEL est de ne pas (ou très peu) subventionner le développement de notre site. Faut-il finalement le regretter ou non ? La réponse est à la fois oui et non.

To be or not to be

Je fais partie des entrepreneurs de presse qui préféreraient ne pas être subventionnés. Non par crainte d’une perte d’indépendance mais parce qu’entrer dans un système de subventions directes contraint la gestion d’une entreprise, favorise l’attentisme plus que l’audace.

C’est particulièrement le cas d’une start-up, dont le développement nécessite une agilité souvent incompatible avec la forme des engagements requis par l’administration en matière de projets d’investissement et d’expansion.

It’s the economy, Stupid!

Les entreprises de presse déjà établies sont à l’heure actuelle dans un processus de mutation de leur(s) modèle(s) économique(s), tandis que des nouveaux entrants s’efforcent de stabiliser des recettes encore fragiles. Les uns comme les autres doivent engager des investissements lourds, dont la rentabilité, tout au moins pour les entreprises « papier », n’est souvent envisageable qu’à long terme. Il n’est pas anormal que l’Etat accompagne ce mouvement, s’agissant d’un secteur économique fondamental pour notre démocratie.

Les jeunes entreprises qui innovent comme 22Mars/OWNI doivent faire leurs preuves dans des délais bien plus courts. Le soutien des mécanismes publics peut s’avérer décisif dans ce contexte. Le Fonds SPEL est un de ces mécanismes, et je regrette que, dans ses règles actuelles, le SPEL soit mieux adapté à des entreprises de presse « papier » déjà bien établies qu’à des pure-players innovants.

Choix stratégiques

À titre d’exemple, 22Mars/OWNI aurait pu externaliser ses développements informatiques auprès d’entreprises européennes ou non européennes. Ils auraient alors été plus largement soutenus par le Fonds SPEL. Notre choix économique est d’internaliser ces coûts car notre choix stratégique est d’intégrer ces compétences cruciales pour l’avenir de notre entreprise comme de tous les médias, je le crois. Mais cela ne cadre pas, ou mal, avec les règles actuelles du fonds SPEL.

Nous sommes nombreux à souhaiter que les efforts de l’État prennent la forme d’un cadre favorable à l’innovation plus que d’aides saupoudrées au risque d’une distorsion de la concurrence. Nous l’avons signalé ici même, le rapport Cardoso a été un acte important et salutaire, fut-il insuffisant, pour ouvrir cette voie. Il a lui-même appelé à plus de transparence, à une meilleure évaluation des besoins et de l’efficacité des aides, à une meilleure coordination des mécanismes de soutien, à une meilleure prise en compte du numérique. Suite à ce rapport, un travail considérable a été effectué conjointement par les services du ministère de la Culture et par les syndicats représentatifs de notre secteur, dont notre syndicat, le Spiil.

Open debate

Dans quelques jours, les résultats de cette série de travaux seront publiés. Ce que nous en savons va dans le bon sens : transparence, orientation des aides vers l’innovation et l’accompagnement d’une présence rentable, mieux monétisée, des titres de presse sur les supports numériques. Je ne peux naturellement que me réjouir de ces évolutions. D’autres chantiers sont en cours, pour lesquels nos syndicats déploient beaucoup d’énergie : l’harmonisation des taux de TVA applicables à la presse, le déploiement d’une économie numérique accessible à tous, l’établissement de règles du jeu équitables entre les médias et les industriels – fournisseurs d’accès, moteurs de recherche etc.

Une des évolutions marquantes de notre secteur est qu’il nous faut soigner plus que jamais l’écosystème dans lequel nous évoluons, travailler ensemble à l’amélioration de notre environnement réglementaire et commercial. Vivre en écosystème, c’est savoir coopérer avec ses concurrents pour l’intérêt commun, et savoir en même temps rester concurrents de ceux avec qui nous collaborons, pour le salut de nos entreprises individuelles. Savoir, enfin, rester différents : la stratégie d’une entreprise consiste à développer un modèle commercial et éditorial différent de celui de ses concurrents – sinon, comme le rappelait très justement Aldo Cardoso, le phénomène d’indifférenciation met à mal l’ensemble de la profession.

Je crois néanmoins que les stratégies « disruptives » et les voix dissonantes sont inévitables et nécessaires malgré tout. Le chef d’entreprise doit savoir ainsi naviguer entre solidarité professionnelle et expression de sa différence- sur le plan commercial comme sur le plan politique.

OWNI CREW

Qu’on le veuille ou non, le regard porté par le fonds SPEL sur notre dossier a eu un impact déstabilisant, moins pour nous que pour ceux qui nous soutiennent dans notre développement : nos investisseurs et notre banquier. La pire pression que puisse subir une PME n’est jamais politique, elle est économique ; elle touche au portefeuille.

Mais comme le pire n’est jamais sûr, surtout lorsque les amis sont là, j’ai évoqué ce sujet le 20 juin dernier avec Jean-Baptiste Descroix-Vernier, qui investit régulièrement du temps de cerveau à écouter et parfois conseiller l’OWNI que nous construisons pas à pas.

C’est là que l’espace-temps se distend

Le hasard fait que Jean-Baptiste parle avec Bernard-Henri Levy quelques minutes plus tard. « Je connais OWNI », assure l’essayiste qui suggère de s’adresser à des parrains. Des pairs. De ceux qui veulent que résonne la voix d’OWNI. Cette voix que l’on défend, c’est celle qui porte nos valeurs et notre projet. Une voix qui s’exprime du combat contre Hadopi au data journalism en passant par la Tunisie, de l’open-data à l’hacktivisme en passant par la défense intransigeante des libertés sur Internet. Une voix qui a créé son identité, forte de la confiance de centaines, de milliers de contributeurs, experts, passionnés. Une voix qui souhaite continuer à innover. Pour préparer les échéances à venir, et pour éviter que ceux qui parlent d’Internet soient ceux qui le pratiquent le moins.

Ainsi, le 20 juin dernier, en moins d’une heure et une poignée de mails appelant à participer à cette souscription privée, plus de 200 000 € ont été réunis.

[NB : cette souscription étant comme son nom l'indique privée la liste de ceux qui ont acceptés d'en être sera publiée, pour celles et ceux qui le souhaitent, lors du bouclage de notre levée de fonds cet été, mais ne peut l'être avant.]

Naissance dans la Silicon Valley

En ce mois de juin où tant s’est joué : du serrage de coude à la structuration durable de l’équipe, nous avons consolidé la soucoupe par grand vent.

Pendant ce temps naissait à Palo Alto (Californie) OWNI, Inc et son projet cÅ“ur : « The augmented news platform – The first native media platform specifically conceived for the iPad ».

Rarement les soutiens viennent de là où vous les attendez. Mais cela est un autre sujet. Une économie, un projet éditorial, un modèle se construisent et se défendent tous les jours. Mais ça, vous le saviez tous avant de traverser ce mois de juin.

Bel été à tous !


Photo FlickR CC : AttributionNoncommercialShare Alike par BrunoDelzant et AttributionShare Alike par Todd Klassy

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés